Cet article date de plus de neuf ans.
L'irrésistible envol des compagnies aériennes du Golfe
Puissantes, efficaces, luxueuses, en croissance permanente, les trois compagnies du Golfe – Emirates (Dubaï), Etihad Airways (Emirats), Qatar Airways – font peur. Signe de leurs ambitions, Emirates assurera bientôt le plus long vol direct du monde entre Dubaï et Panama. Pas étonnant alors que les compagnies nationales, comme Air France, voient d'un mauvais œil cette concurrence.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les compagnies du Golfe savent mettre en avant leur image. Pour cela rien de tel que de jouer le luxe comme en témoigne la prestation «Residence by Etihad». «Conçu pour l’accueil de deux passagers, cet espace propose le luxe ultime en matière de confort, Etihad évoquant même un appartement des airs. Dans les faits, il s’agit d’une cabine grand luxe telle qu’on peut les concevoir sur un paquebot. La suite se divise en trois parties : un coin salon avec canapé et mini-réfrigérateur, une chambre à coucher ainsi qu’une salle de bains privative, le tout conçu par de grands designers travaillant dans l’hôtellerie. Le service en vol est assuré par un majordome privé, alors qu’au sol un transfert privé en limousine vers l’avion est organisé, en plus d’un accueil en salon privé», décrit le site voyages-d-affaire.
Mais ces compagnies ne sont pas que cela. Elles s’appellent Emirates (Dubaï), Etihad Aiways (Emirats), Qatar Airways, et elles affichent des résultats financiers (quand elles les publient) à faire pâlir tout PDG d’Air France. Sur l’exercice 2014, Emirates a affiché un résultat en hausse de 40% à 1,2 milliard de dollars. Etihad Airways, elle, a annoncé une envolée de 52% de son résultat net à 73 millions de dollars... et s’est offert Alitalia.
Historiquement, ces compagnies se sont développées pour offrir aux petits Etats de la région, aux ressources énormes mais limitées dans le temps, de nouveaux débouchés. «Le problème est géopolitique. Conscients de la rareté de leurs ressources à terme, les pays du Golfe reconfigurent leur économie vers le tourisme, et donc les systèmes de transport aérien», explique Les Echos. Depuis, les petites compagnies nées dans les années 80 sont devenues grandes, très grandes grâce à un service impeccable, un hub efficace et un réseau mondialisé.
Résultat en Europe comme aux Etats-Unis, les compagnies ne cessent de critiquer ces transporteurs qu’ils accusent de ne pas respecter les règles de concurrence. Un débat qui ne date pas d’aujourd’hui. En 2010 déjà, le PDG d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, affirmait au Figaro : «Imagine-t-on par exemple qu'un ou plusieurs constructeurs automobiles puissent dire: "Mon propos n'est pas de gagner de l'argent mais des parts de marché"»? Si on les laissait faire sans réagir, ils tueraient l'industrie automobile mondiale. C'est ce que sont en train de faire ces compagnies du Golfe pour notre industrie.» A l’époque, le PDG s’étonnait de la capacité de ces compagnies à acheter plus de long-courriers que les groupes Lufthansa, British Airways et Air France cumulés.
Il est vrai qu’entre l’Europe et le Golfe, leurs capacités ont explosé de 430% entre 2004 et 2015 tandis que celles des compagnies européennes ont vu les leurs n’augmenter que de 23%, selon Le Monde.
Les Européens ont d'ailleurs tenté de limiter l’attribution de nouveaux droits à trafic à ces compagnies. Ils ne sont pas les seuls. Les Etats-Unis aussi ont vu rouge. Les trois principaux transporteurs aériens des USA, American Airlines, United et Delta, ont dénoncé la concurrence, qualifiée de déloyale, de leurs rivales venues du Golfe. Selon elles, elles auraient touché quelque 37,2 milliards d'euros de subventions publiques. Les américaines semblant oublier qu'elles ont réussi à apurer une part de leur passif grâce à la législation américaine. Il est vrai que ces compagnies créées par les Etats ou les familles régnantes ne sont pas toujours très claires sur leur comptabilité, selon leurs accusateurs.
Quels que soient les débats sur les aides publiques et les accusations de distorsion de concurrence, le constat est là. Ces compagnies venues des riches Etats du Golfe ont bouleversé la concurrence mondiale. «En 2008, elles ne détenaient que 22% de parts de marché du trafic passagers sur la zone Europe, Moyen-Orient, Inde et Asie du Sud-Est. Sept ans plus tard, la hiérarchie a été totalement bouleversée. Les transporteurs du Golfe ont raflé un tiers du marché. Les "historiques" européennes et leurs rivales asiatiques sont loin derrière, avec respectivement 16% et 11% de parts de marché», rappelait Le Monde en juin 2015.
Leur croissance continue. Et leur poids économique. Difficile en effet de refuser des créneaux de vol à des gros acheteurs d'avions. «La compagnie de Dubaï représente à elle seule la moitié du carnet de commandes de l’A380, qui n’aurait jamais survécu sans elle. Le meilleur client de champagne Dom Perignon, avec plus de 110.000 bouteilles, et l’un des plus gros acheteurs de vin de Bordeaux», note Les Echos. Fin 2014, Emirates comptait 55 A380 et en attendait encore...85.
Parmi les causes de leur succès, une position géographique stratégique et des hub (comme Roissy pour Air France) situés dans le Golfe, qui ne manquent pas de charme. «Le Jacuzzi de 4 mètres sur 4 remue à gros bouillons. "Nos clients premium adorent se détendre ici entre deux vols", explique la chargée de communication de Qatar Airways. Spa luxueux, buffets de mezzés, bar à cocktails, garderie, PlayStation, marbre et fontaines», note Capital.
Mais le marketing – ou la pub sur la maillots de foot qui a popularisé les marques – ne fait pas tout. Les compagnies ont des coûts très maîtrisés avec peu de charges sociales et une politique sociale réduite. Et surtout, elles offrent au client – on l'a vu – des avions dernier cri avec des prestations de qualité: écrans XXL en classe éco chez Emirates, plus de place pour les jambes, comme sur les B777 de Qatar. Au point que la «business» de Qatar est jugée la meilleure au monde par l’organisme Skytrax.
Le développement du tourisme (asiatique notamment) et les faibles coûts de l'énergie devraient continuer à porter cette croissance malgré les tentatives des Etats de les freiner pour défendre leurs opérateurs. C'est ce à quoi tente de faire face Air France.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.