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Irak: des femmes à la conquête de leur liberté à vélo
A Bagdad à vélo… Cela peut sembler surréaliste, dans un pays en état de guerre et d’insécurité depuis plus d’une trentaine d’années, mais l’idée fait son chemin. Des Irakiens, et surtout des Irakiennes, sont descendus à bicyclette dans les rues pour le second «marathon pour la paix en Irak». Vedette du mouvement, Marina Jaber, pionnière de la petite reine au pays d’entre les deux fleuves.
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Ils étaient quelque deux cents Irakiens, des hommes certes, mais surtout des femmes, à avoir participé le 4 février 2017 à une manifestation à vélo dans les rues de Bagdad.
Briser le tabou absurde privant les femmes du droit de pédaler
Second «marathon pour la paix en Irak», selon l’Agence France Presse, ou manifestation écologique pour désengorger la circulation et assainir l’atmosphère polluée par un parc de plus de trois millions de voitures, comme l'explique le site Middle East on Line? La réponse est encore ailleurs.
Héroïne de cette percée libératrice de la petite reine dans la capitale irakienne, Marina Jaber, une jeune musulmane de 25 ans qui a décidé de briser le tabou absurde privant les femmes du droit de pédaler. Des responsables religieux musulmans répandent en effet l'idée que le vélo est une menace pour la virginité et la fertilité des femmes et une source d'excitation pour les hommes.
Depuis plusieurs mois, cette artiste enfourche son vélo rouge et circule, les cheveux au vent, dans les rues de la ville. Un véritable choc visuel et transgressif pour une société conservatrice où cette pratique est réservée généralement aux hommes.
«Ma mère et ma grand-mère avaient l’habitude de faire du vélo», raconte Marina au journaliste de l’AFP qui l’interrogeait. Elle lui explique s’être demandée pourquoi elle s’était sentie aussi fière en montant à bicyclette lors d’un voyage à Londres l’an dernier. «Ce n’est qu’un vélo après tout, c’est une chose simple, cela devrait être normal», s’était-elle dit.
«Est-ce la société qui nous interdit certaines choses, ou bien se met-elle à les rejeter parce que nous arrêtons de les faire?», s’est-elle encore interrogée, fournissant elle-même la réponse.
Marina Jaber, une source d'inspiration pour les jeunes filles et femmes irakiennes
En circulant à vélo dans son quartier elle est devenue une source d’inspiration pour d’autres jeunes filles et femmes qui veulent désormais affirmer leur liberté en pédalant. Aujourd’hui, elles sont nombreuses à participer aux promenades à vélo organisées dans les rues de Bagdad, certes toujours encadrées par la police.
A l’instar de leur initiatrice, qui les appelle à vivre la vie qu’elles désirent sans se soucier des restrictions sociales ou religieuses, elles n’hésitent plus à poster sur les réseaux sociaux des photos d’elles sur leurs deux-roues.
Marina Jaber a été envahie de messages sur la toile, «pour la plupart venant de jeunes filles. Peut-être avaient-elles besoin de quelqu’un pour défendre leurs droits», explique-t-elle. Plus de 30.000 personnes suivent désormais le compte instagram de la cycliste avant-gardiste.
Surnommée «la fille à vélo», Marina s’inscrit dans la lignée d’autres femmes ayant lutté pour leur émancipation grâce à la bicyclette. Telle la Britannique Alice Hawkins, membre du mouvement des suffragettes, qui avaient porté un pantalon à vélo dans les rues de Leicester au début du XXe siècle.
Avant elle, une photographe yéménite, Bouchra al-Fousail, avait créé en 2015 le premier groupe de femmes cyclistes pour affirmer leurs droits et protester contre leur guerre.
Ne plus avoir peur et changer la réalité
Pour soutenir l’activisme de Marina, Joumana Moumtaz, une journaliste originaire de Mossoul où se trouvent actuellement retranchés les combattants de Daech, a même posté une photo d’elle sur un vélo non loin de la ligne de front. «Une manière de défier l’EI et la pensée extrémiste», dit Marina.
La cycliste de Bagdad fait en tout cas penser à Wajda, l’héroïne du film éponyme de la cinéaste saoudienne Haifa al-Mansour sorti en 2012. Une petite fille rebelle rêvant d’une bicyclette dans un royaume où les femmes subissent toujours la tutelle masculine et sont interdites de conduire.
Une Wajda devenue grande et qui explique: «Il y a eu des réactions négatives au début, mais les commentaires que j’ai le plus souvent entendus c’est: "Ah! C’est le Bagdad que nous connaissons."» «Désormais, je veux soutenir les filles pour qu’elles n’aient plus peur. Nous pouvons changer la réalité», ajoute Marina pour résumer son idée.
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