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Erdogan manœuvre en même temps en direction d’Assad et des réfugiés syriens

Le site russe Sputnik a relayé sur son compte twitter des informations faisant état d’un rapprochement entre Ankara et Damas. S’il se confirmait, ce revirement d’Erdogan en faveur d’Assad, qu’il traitait il y a peu de plus terroriste que l’EI, intervient au moment où il annonce un projet de naturalisation des réfugiés syriens. Une manœuvre à deux sens pour consolider son assise électorale.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Des réfugiés syriens du camp de la région de Kilis, en Turquie, attendant la visite de Recep Tayyip Erdogan, le 6 mai 2012, alors qu'il était encore Premier ministre. Quatre ans plus tard, c'est de là que le président Turc a annoncé, le 5 juillet 2016, son projet de naturalisation des réfugiés venus de Syrie. (BULENT KILIC/AFP)

 
Vœu pieux ou réalité encore cachée, le site russe Sputnik s’est fait l’écho d’une information impensable il y a quelques jours encore. Le président turc Erdogan qui venait, selon Al-Arabiya, de traiter Bachar al-Assad de «plus terroriste que l’organisation de l’Etat islamique» serait en train de changer de réthorique à l’égard de son plus proche ennemi.
 
«Ankara se prépare à ne plus qualifier Assad d'ennemi, mais de frère»
Quelques jours après les processus de normalisation avec Benjamin Netanyahu et Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan envisagerait, selon un parlementaire turc, une démarche similaire auprès de Bachar al-Assad.
 
«Les médias rapportent qu’en Algérie et ailleurs, des négociations sont en cours entre la Syrie et la Turquie», a affirmé Idris Baluken, le chef du groupe parlementaire du Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde) dans un entretien à Sputnik.
 
«Tout porte à croire, qu’Ankara se prépare à ne plus qualifier Assad d’ennemi, mais de frère. Il se peut même qu’une lettre d’excuses ait été envoyée à Damas, il y a un certain temps», a-t-il ajouté.

La nouvelle realpolitik de rapprochement avec Moscou
Si ces révélations se confirmaient, il s’agirait d’un revirement spectaculaire du président turc dans la foulée de sa nouvelle realpolitik avec Moscou.
 
«Dans le cadre de ce rapprochement, la Turquie est amenée à accepter qu’un règlement du conflit en Syrie ne passera qu’à travers le maintien du président Bachar al-Assad au pouvoir», a expliqué à l’AFP Marc Pierini, analyste à la fondation Carnegie europe.
 
Cette révélation intervient trois jours après l’annonce «d’une bonne nouvelle» par le président Erdogan. «Nous allons aider nos amis syriens en leur offrant l’opportunité s’ils le désirent d’acquérir la nationalité turque», a-t-il dit lors d’un dîner de rupture du jeûne du Ramadan dans la province de Kilis à la frontière avec la Syrie.
 
«Nous vous considérons comme nos frères et sœurs, vous n’êtes pas éloignés de votre patrie mais seulement de vos foyers et de vos terres car la Turquie est également votre patrie», a poursuivi le président turc devant un groupe de réfugiés syriens.

Naturaliser les réfugiés syriens, un stratagème au service d'ambitions personnelles 
Sur les 2,7 millions de Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie depuis 2011, 10% vivent dans des camps près de la frontière. Les autres font ce qu'ils peuvent pour s’intégrer à la société d’accueil et à son marché du travail.
 
Si une naturalisation est effectivement «une bonne nouvelle» pour ceux qui souhaitent s’implanter dans le pays, elle «est largement perçue comme un nouveau stratagème au service des ambitions personnelles» d’Erdogan, selon Aykan Erdemir, chercheur à le Fondation pour la défense des démocraties.
 
Des centaines de réfugiés syriens naturalisés constitueraient ainsi un «réservoir d’électeurs» pour le Parti de la justice et du développement (AKP). Il pourrait assurer une majorité des deux tiers au parti au pouvoir et lui permettre de remporter un référendum pour le remplacement du régime parlementaire par un régime présidentiel.

L'annonce choc d'Erdogan a provoqué une montée de xénophobie 
Mais comme tout stratagème, celui-ci comporte également sa faille. «L’intégration des réfugiés syriens pourraient doper l’économie turque», reconnaît le chercheur. Mais face à la complexité d’une telle opération, elle pourrait passer d’«un accord gagnant-gagnant pour la Turquie et les réfugiés à une mesure perdant-perdant pour les deux parties».

Selon Aykan Erdemir, «l'annonce choc d'Erdogan a provoqué une importante réaction anti-réfugiés et une rhétorique xénophobe». Sur les réseaux sociaux, des messages ont été postés accompagnés du mot-clé #JeneveuxpasdeSyriensdansmonpays.

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