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Comment réintégrer d'anciens djihadistes dans la société?
Boko Haram, qui a prêté allégeance à Daech en 2015, est l’un des groupes djihadistes les plus violents au monde. Il pratique meurtres, attentats et enlèvements au nord-est du Nigeria mais aussi au Cameroum, au Tchad et à l'est du Niger. Fin mars, l'armée nigériane qui a libéré 829 otages a mis en place un camp de rééducation et de réintégration pour les repentis.
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Pour qu’ils puissent se réhabiliter et «retrouvent une place normale dans la société», des formations professionnelles seront dispensées aux anciens terroristes dans un lieu pour l’instant tenu secret.
Beaucoup de pays se posent la même question de savoir comment réintégrer dans leur pays d’origine les anciens terroristes.
En Arabie Saoudite, c’est dans la banlieue de Ryad qu’un centre a été mis en place dès 2004. Son programme de réhabilitation «Munasaha» permet d’offrir des cours d’informatique, de religion et de sport. Les professeurs sont des théologiens sunnites et des repentis.
Mais ce programme saoudien est-il vraiment efficace quand on sait qu’un des anciens élèves est devenu le numéro deux d'al-Qaïda avant d’être tué au Yémen. Et que les récentes attaques contre des chiites dans le royaume ont été perpétrés par une quarantaine de personnes qui en avaient bénéficié.
Pour les spécialistes, ce dispositif ne peut fonctionner que si les candidats sont à 100% volontaires. Car certains s’y inscrivent seulement pour échapper à une peine de prison.
Le pays a mis également en place des «maisons de familles» tout confort dans le cadre des programmes de réhabilitation.
L’Indonésie et le Yémen se sont pourtant inspirés du modèle saoudien. Mais les méthodes des centres ouverts au Pakistan, où d’anciens terroristes mais aussi des psychologues, travaillent main dans la main, séduisent d’avantage les spécialistes.
En Europe, l’une des préoccupations des gouvernements est de savoir comment déradicaliser et réintégrer certains anciens terroristes.
A Aarhus, au Danemark, les pouvoirs publics de la municipalité tentent d’accompagner les jeunes radicalisés pour éviter que ceux qui reviennent ne s’enferment dans la criminalité.
Preben Bertelsen, professeur à l’université d’Aarhus, qui a contribué à la création du centre de réhabilitation, cité par Les Inrocks précise: «Notre premier principe, c’est l’intégration (…). Nous ne les stigmatisons pas, nous ne les excluons pas. Au lieu de cela, nous leur expliquons que nous pouvons les aider à reprendre leurs études, trouver un travail, se réintégrer à la société.»
En Suisse, Jean-Paul Rouiller, spécialiste du terrorisme et directeur du Geneva Centre for Training and Analysis of Terrorism, explique dans Vice News: «La réintégration d'un ancien djihadiste est compliquée. Le suivi psychologique est essentiel. Les gamins qui reviennent sont souvent en état de choc post-traumatique. Ensuite, ce sont des réponses sociales qu'il faut apporter. Comment les réinsérer, leur donner un but, un objectif, des raisons de ne pas rebasculer.»
Dans Les Echos, Jean-Pierre Filiu, historien spécialiste de l'Islam contemporain, plaide pour la mise en place de structures spécialisées en France, bien au-delà des seules institutions pénitentiaires: «La seule réponse sécuritaire, aussi légitime soit-elle, ne suffira pas. Il faudra établir des programmes spécifiques à l'attention des dissidents ou des déserteurs de Daech.»
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