Au Proche-Orient, l’eau a remplacé le pétrole comme enjeu majeur
Au Proche-Orient et au Maghreb, les pénuries d’eau vont accentuer les tensions, prédisent les chercheurs du World Resources Institute (WRI). Ils ont croisé plusieurs variables climatiques, économiques et démographiques afin d’établir un classement des pays les plus vulnérables.
«A l’horizon 2040, 33 pays dans le monde vont se retrouver en Stress hydrique.» Un concept défini par une disponibilité en eau inférieure à 1700 m3 par habitant et par an. En tête arrivent Bahrein, le Koweit, le Qatar, les Emirats arabes unis, la Palestine et Israël avec un stress hydrique maximal, suivis de l’Arabie Saoudite, du sultanat d’Oman, du Liban et du Yémen. La Libye et les pays du Maghreb ne sont pas loin derrière.
C’est au Moyen-Orient et au Maghreb que l’élévation des températures devrait avoir le plus d’impact sur les disponibilités en eau, et donc sur l’agriculture.
L’eau c’est aussi le pain. «Le réchauffement climatique, et la montée de la mer dans les deltas (Nil) pourraient diminuer de 30 à 60% les rendements céréaliers», écrit Sébastien Abis dans son livre Géopolitique du blé.
Les pays de la région ne sont pas seulement déstabilisés par les conflits religieux et ethniques, ils le sont également par la sécheresse et le manque d’eau comme on a pu le voir en Syrie.
Le Nord de la Syrie a connu une importante sécheresse entre 2007 et 2010, avec des conséquences désastreuses sur l’agriculture. La chute des récoltes et des revenus a poussé nombre de paysans vers les villes. Cette crise agricole, si elle n’est qu’un facteur marginal du chaos syrien, n’est pas totalement étrangère au conflit. «Elle a amplifié la déstabilisation générale de la Syrie», selon le rapport du WRI. «Le cas syrien montre comment peuvent s’imbriquer des crises climatiques, économiques et politiques», écrit Sébastien Abis
Alors que le désert occupe 95% des terres, d’ores et déjà la sécurité alimentaire du Proche-Orient n’est pas assurée. C’est aujourd'hui l’une des régions les plus dépendantes de la planète pour ses besoins alimentaires. Au Yémen, 95% des besoins en blé sont couverts par les importations. L’Egypte en importe 10 millions de tonnes, l’Iran 6Mt, l’Arabie Saoudite 3Mt, le Yémen 3Mt, Israël 2Mt. La Syrie était avant la crise, le seul pays exportateur de blé de la région.
Condamnés à acheter des terres arables
L’Arabie Saoudite s’est lancée en 1988 dans la culture du blé irriguée par les nappes phréatiques profondes situées sous le désert. Entre 2007 et 2010, la récolte de blé a atteint près de 3 millions de tonnes. Mais la nappe s’épuise rapidement et la production ne cesse de chuter. A défaut de pouvoir cultiver sur place, les monarchies du golfe achètent massivement des terres arables, notamment en Ethiopie et au Soudan, afin de sécuriser leurs importations. Le dessalement de l’eau de mer, trop coûteux pour un usage agricole, est réservé à l’alimentation des villes en eau potable.
Au Yémen, les nappes phréatiques baissent de deux mètres par an. La production de céréales chute et l’eau courante n’est disponible qu’un jour sur quatre dans la capitale Sanaa.
Les tendances, climatiques, démographiques et alimentaires, présagent une dépendance croissante envers les importations de céréales. Que le prix du pain augmente ou qu’il vienne à manquer, et la révolte n’est pas loin. les réfugiés climatiques succéderaient alors aux réfugiés politiques.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.