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Mondialisation: Tafta, Trump, Brexit, des coups d'arrêt au libre-échange ?

Le Libre-échangisme a du plomb dans l’aile. Et les attaques contre ce dogme du libéralisme ne viennent pas forcément de syndicalistes arc boutés sur « les avantages acquis ». Après le succès du Brexit, la critique de l’ouverture à tout prix des marchés vient des candidats américains à la présidentielle… et pas seulement Trump. Quant au Tafta, il semble enterré.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Conteneurs , symbole du développement du commerce mondial, sur un quai, en Allemagne. (JEAN ISENMANN / ONLY WORLD / ONLY FRANCE)

En Angleterre, les partisans du Brexit l'ont emporté. Ils venaient massivement des régions qui n'ont pas profité de la mondialisation. En Europe, les défenseurs d'un retour aux frontières et à plus de souveraineté ont le vent en poupe. Aux Etats-Unis, les candidats à la présidentielle tirent à vue sur la mondialisation et le développement du libre-échange. Résultat, le traité transatlantique (Tafta) est quasi mort.

AUx Etats-Unis, en pleine campagne électorale, le débat autour de la mondialisation est virulent. Candidats démocrate et républicain sont quasi d’accord dans le pays du libre-échange. Poussée sur sa gauche par son ex-rival Bernie Sanders, Hillary Clinton a ainsi affirmé que les accords de libre-échange avaient «l’air souvent fantastiques sur le papier» mais que leurs résultats n’étaient pas toujours «à la hauteur . Et chez le Républicain Trump le ton est encore plus ferme, dans un parti pourtant considéré comme lié aux milieux des affaires. Pour lui les accords commerciaux actuels «n’apportent rien de bon» et il promet des mesures protectionnistes contre la Chine ou le Mexique. 

En 1994 Clinton signait le traité de libre-échange avec le Mexique
Un discours nouveau après des années d'ouverture. Le démocrate Bill Clinton avait paraphé en 1994 le traité de libre-échange Nafta avec le Mexique et le Canada tandis que son successeur à la Maison Blanche George W. Bush a multiplié les accords commerciaux. Barack Obama était sur la même ligne. «Un commerce juste et libre est porteur de millions d’emplois américains bien payés», assurait-il en 2013. Il est vrai que les avantages de la mondialisation semblaient alors évident: baisse des prix, accroissement de l'offre, expension de la croissance mondiale, développement des pays pauvres. Au Etats-Unis, les secteurs à forte valeur ajoutée tiraient leur épingle du jeu: services financiers, high-tech...

Mais les effets négatifs de la mondialisation, renforcés par les conséquences de la crise. Les deux candidats américains visent les classes moyennes qui aux Etats-Unis (mais le phénomène est identique en Europe) n’ont pas profité de la mondialisation des échanges en voyant leurs revenus stagner depuis de nombreuses années. Sans parler du sous emploi persistant. «C’est dans l’industrie manufacturière américaine que le libre-échange est accusé d’avoir causé le plus de dégâts. Depuis 1994, le nombre de salariés du secteur, souvent des emplois peu qualifiés, a fondu de près de 30%» note le site Stoptafta, opposé aux accords europe-USA 

Mise en avant d'effets négatifs du libre-échange
Un thème devenu très débattu en Amérique. «Des fortunes sans précédent ont été bâties sur la cannibalisation (au travers des licenciements), la sous-tarification (par l’immigration) et le contournement (par le libre-échange) de l’ancienne économie. Mais cela ressemble à un jeu à somme nulle. Nous sommes aux tout premiers stades d’une insurrection contre ce jeu. Trump est probablement la forme la plus bénigne qu’une telle insurrection pourrait prendre », a écrit le journaliste Christopher Caldwell du FT. 


«Le constat d'une mondialisation "gagnant-gagnant" qui était fait il y a dix ans doit être minimisé, relativisé. Il est, certes, quasiment incontestable que la mondialisation a permis d'accroitre la production de richesses des pays en voie de développement. Il est cependant intéressant de constater que la mondialisation a généré un accroissement très marqué des inégalités à l'intérieur des pays développés, notamment», confime l’économiste de l’OFCE Eric Heyer.

Les échanges mondiaux pèsent plus que le PIB américain
Il faut dire que le commerce mondial a explosé changeant profondément la donne. Aujourd'hui, les échanges mondiaux de biens et services représentent près de 19.000 milliards de dollars, soit 1.000 milliards de plus que le PIB des États-Unis. En 1950, ces échanges ne pesaient que 62 milliards de dollars.


Certes ce commerce stagne aujourd'hui pour des causes conjoncturelles (croissance en berne en Europe, prix du pétrole) mais selon certains aussi pour des causes structurelles liées à une stabilisation des délocalisations. Mais difficile d’imaginer que le monde va se refermer même si dans tous les pays, les perdants et les gagnants de la mondialisation s’affrontent.  

Une fracture pourrait se dessiner entre pays voulant s'ouvrir et ceux qui veulent désormais se protéger. Il n'est pas sûr que les pays qui ont profité de la mondialisation pour enclencher leur développement soient tous d'accord pour la voir se limiter.  

D'ailleurs dans ce débat, Pékin, qui a ouvert de nouvelles zones de libre-échange, aimerait bien voir figurer la lutte contre le protectionnisme dans le communiqué final du G-20...qui se tient à  Hangzhou, près de Shanghaï.

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