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Migrants syriens : "La France, non merci"

L'Europe, submergée par un exode massif de Syriens  ? En France, les chiffres racontent une autre histoire. 5000 demandes d'asile ont été déposées, soit 1,3% des demandes faites dans l'Union européenne.
Article rédigé par Jacques Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Migrants en gare de Vienne (Autriche), en septembre 2015. Photo CC BY-SA 4.0 by Bwag, via Wikimedia Commons)

"L’Europe submergée par un exode massif de Syriens", c'était, à l’automne 2015 en France, une crainte exprimée dans les médias et dans certains débats politiques. Mais les chiffres décrivent une autre réalité : selon l’Union européenne, sur un million de demandes d’asile en 2015, 315 000 émanent de Syriens. Et sur ces 315 000 demandes, seules 5 000 ont été faites en France. Cela représente à peine 1,3% de la demande globale en Europe. Une goutte d’eau comparée aux 100 000 demandes d’asile de Syriens en Allemagne, aux 65 000 en Hongrie et aux 40 000 en Suède.

Les demandeurs d'asile syriens boudent la France

Au plus fort de la crise des migrants, à l’été 2015, la maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, avait mobilisé près de 130 logements sur son agglomération pour accueillir des réfugiés. "Sont arrivés uniquement sept nouveaux réfugiés syriens, constate-t-elle. Et je suis surprise, comme la plupart de mes collègues maires, que nous n’ayons pas été forcément plus rapidement et plus massivement sollicités." 

Même constat en Haute-Garonne. Avec les maires de onze communes, le député socialiste Christophe Borgel avait identifié des logements disponibles. Six mois plus tard, seule une famille a été envoyée par la préfecture.

Entre le flot de réfugiés fortement médiatisé à l’été 2015, les craintes qui s’étaient exprimées, le débat politique enflammé qui s’en était suivi et, enfin, la réalité, il y a donc un gouffre. Les réfugiés syriens boudent la France, et les chiffres officiels de demandes d'asile le montrent. Vincent Bourgeais, porte-parole d’Eurostat, l'oganisme de l'UE qui centralise les statistiques européennes à Luxembourg : "Il y a eu 5000 demandes d’asiles de Syriens en France en 2015. C’est à peine 1,3 % de la demande globale en Europe. Ils ont été 100 000 à demander l’asile en Allemagne, 65 000 en Hongrie et 40 000 en Suède. Même la Bulgarie, les Danemark, la Belgique et l’Espagne ont accueilli plus de réfugiés que la France."

La plupart d’entre eux sont des hommes, jeunes, bénéficiant d’un haut niveau de formation et qui viennent seuls, en éclaireurs pour beaucoup, dans l’espoir de faire ensuite venir leur famille.

20% des réfugiés Syriens en France ne sont pas venus par leurs propres moyens. L’OFPRA (Office pour les réfugiés et apatrides) et le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés) se rendent dans les camps de réfugiés au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Egypte. Ils proposent aux plus vulnérables de venir en France. Pour Céline Schmitt, la porte-parole du HCR en France : "C’est un devoir de solidarité envers les pays limitrophes de la Syrie qui portent la charge de l’accueil des réfugiés. C’est aussi une façon d’éviter qu’ils risquent leur vie en se lançant sur la route des Balkans."

La mauvaise réputation de la France

Si la France n’attire pas les Syriens c’est pour plusieurs raisons. Ils préfèrent d’abord se rendre dans des pays où leur communauté est déjà installée et où des proches parlant leur langue sont à même de les accompagner. C’est le cas de l’Allemagne, mais aussi de la Suède.

Ils choisissent ensuite des destinations où ils ont plus de chance de trouver un travail et où les logements sont plus spacieux.

Mais la France souffre aussi d’une mauvaise réputation comme le raconte cette journaliste allemande Verena Von Derschau, qui a suivi de près en France la crise des migrants : "L’Allemagne a accueilli un million de personnes en 2015 et il n’y en a pas un qui vit sous une tente, dans la boue, sans médecin et sans eau courante, comme c’est le cas à Calais ou à Grande-Synthe. Ils ont tous leurs smartphones, ça va hyper vite sur les réseaux sociaux et ils vous disent tous que la France a vraiment mauvaise réputation." 

Confirmation donnée  par cette Syrienne aujourd’hui hébergée dans un centre d’accueil de Créteil : "Vous avez l’image d’un pays peu accueillant, qui ne donne pas le statut de réfugié. Quand j’ai dit à mes amis que je voulais venir ici, ils m’ont tous dit, non, va en Allemagne mais pas en France."

Pascal Brice, le directeur général de l’OFPRA reconnait que notre pays souffre d’une mauvaise image : "Jusqu’à il y a trois ans, lorsque vous demandiez l’asile en France, vous aviez plus de chance d’être reconnu comme réfugié par le juge en appel, que par l’OFPRA en première instance. C’était une anomalie."   Une réforme de l’asile a été votée en juillet 2015. Elle simplifie les démarches et raccourcit les délais des demandes d’asiles. 97 % des demandes de Syriens ont été satisfaites. Mais le message n’est apparemment pas encore passé.

Une tendance qui pourrait s’inverser

Cette sous-représentation des Syriens en France pourrait cependant évoluer. D’une part, se met en place une politique dite de "relocalisation". Des centres d’accueil et d’enregistrement des migrants (hotspots) déployés en Grèce ont pour but de les répartir en fonction d’objectifs fixés dans chaque pays européens. La France s’est ainsi engagée à en accueillir 30 000 à échéance de deux ans. 1 600 logements, soit 5 000 places, ont déjà été identifiés pour les recevoir : dans des centres de vacances, des centres de formation de l’AFPA ou des monastères.

Dans le même temps, certains pays perçus comme attractifs par les Syriens se ferment. Les événements de Cologne ont tendu le débat en Allemagne. Le Danemark a voté la loi dite des "bijoux" qui permet à l’Etat de confisquer les biens des migrants pour financer leurs séjours. L’afflux vers ces pays pourrait donc se tarir et se réorienter vers d’autres pays, dont la France.

Une immigration souterraine

Reste le problème des migrants clandestins. L’association Revivre qui accompagne les Syriens dans leurs démarches reçoit sept familles en moyenne par jour. Le président d’honneur de l’association Michel Morzière constate que "certains passent 15 jours à dormir dans des parcs avec leurs valises et ils nous disent qu’ils n’en peuvent plus. Eux échappent à l’organisation de cette relocalisation des réfugiés. Pour eux, c’est le régime des sans-abris. Or il n’y a pas de place dans les foyers d’urgence." 

 

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