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Les «robots tueurs» vont-ils bientôt faire la guerre à la place des hommes?

Plusieurs milliers de chercheurs et personnalités ont lancé le 30 juillet 2015 un appel mondial pour l'interdiction des «robots tueurs». En clair, des armes offensives capables d’agir de manière autonome. Donc de tuer. Terminator est-il sur le point de prendre la tête de nos armées?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Représentation d'un «robot tueur» devant le Parlement de Londres dans le cadre de la «Campagne pour arrêter les robots tueurs» (photo prise le 23 avril 2013)  (REUTERS - Luke MacGregor)
«Les armes autonomes choisissent et frappent des cibles sans intervention humaine (…). Elles ont été décrites comme la troisième révolution dans la pratique de la guerre, après la poudre et les armes nucléaires», relèvent les signataires de l’appel, publié à l'ouverture de la Conférence internationale sur l'intelligence artificielle (IJCAI) à Buenos Aires. Le texte a été signé par de nombreux chercheurs américains (comme le Nobel de physique, Frank Wilczek du MIT) et européens, des représentants du secteur privé, comme le confondateur d'Apple, Steve Wozniak, le cofondateur de Skype, Jaan Tallinn…
 
Mais au fait, c’est quoi, exactement les «robots tueurs»? S’agit-il de science-fiction ou de réalité? Sur un théâtre d’opération, ces équipements seraient capables «de sélectionner des cibles et de mener des attaques sans intervention humaine» (The Guardian). A la différence des drones télécommandés pour lesquels l’intervention de l’homme reste nécessaire.

Pour le chercheur en intelligence artificielle de l'université de Buenos Aires, Ricardo Rodríguez, les signataires croient «que nous sommes au bord de l'Apocalypse avec la robotique et qu'au final, l'intelligence artificielle va entrer en concurrence avec l'intelligence humaine»«On est loin de faire des robots belliqueux assassins», soutient celui qui est aussi l’un des organisateurs de la conférence IJCAI.

«Terminator» 
Alors, de telles armes existent-elles déjà, ou sont-elles sur le point d'exister? Comme dans Terminator avec Arnold Schwarzeneger…
 
Arnold Schwarzenegger à côté de Terminator à Hollywood le 28 juin 2015, lors de la première du film Genisys ( REUTERS - Mario Anzuoni)

«Dans certaines circonstances, en cas de perte de liaison par exemple, les drones, comme ceux utilisés par les Américains, sont susceptibles de prendre de manière autonome la décision de faire feu», observe le roboticien français Jean-Pierre Merlet, de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), cité par Rue89.

Il en va de même pour un sous-marin nucléaire actuel : «Une fois les bonnes données rentrées dans sa base, comme le modèle des sous-marins utilisés par l’ennemi», il n’est pas forcément difficile pour un tel engin de «détecter (cet ennemi) et d’ouvrir le feu», ajoute Jean-Pierre Merlet.
 
Un autre scientifique scientifique, Raja Chatila, directeur de recherches au CNRS, lui aussi interviewé par Rue89, cite le système de défense naval américain Aegis ou l’équipement de défense aérien mobile israélien Dôme de fer. Ces systèmes «détectent tout seuls les missiles ennemis et font un tir d’anti-missile pour les empêcher d’arriver à destination. (Ils) existent depuis plusieurs décennies, ils sont les premiers ancêtres des armes intelligentes», explique Raja Chatila.
 
De tels propos tendent à prouver que les «robots tueurs» ne sont pas encore forcément tout à fait au point. 
 
D’ici 20 ans ou d’ici quelques années ?
S’ils n'ont «pour l'heure pas dépassé le stade de la planche à dessin, (de telles armes) pourraient voir le jour sur le terrain militaire d'ici deux décennies, compte tenu des avancées rapides en matière d'intelligence artificielle», rapporte cependant le site des Echos. Un délai de 20 ans donné également par The Telegraph. Mais les scientifiques de l’appel cité plus haut sont, eux, plus pessimistes. A les écouter, «le déploiement de tels systèmes peut se faire d’ici quelques années». D’où leur inquiétude.  

Policiers canadiens enquêtant sur un crime avec un robot dans l'Ontario le 11 juillet 2012 (REUTERS - J.P. Moczulski)

Quoiqu’il en soit, les entreprises d'armement des grands pays industrialisés ont considérablement avancé dans le développement d'applications militaires, a expliqué à l’AFP Toby Walsh, professeur d'Intelligence artificielle à l'Université New South Wales (Australie), lui-même signataire de l'appel. Aux Etats-Unis, le Pentagone est l’un des plus grands soutiens de la recherche robotique. «Le Bureau de la recherche navale a accordé en 2013 une bourse de 7,5 millions de dollars à des chercheurs des grandes universités américaines», rappelle Les Echos.

Avantages et inconvénients
Les Etats-Unis, et les pays occidentaux en général, inquiets de se voir devancés par la Chine en la matière, sont intéressés par un système d’armes qui présentent l’«avantage» de réduire le risque de pertes humaines. Des armes, dépourvues d’émotions, qui peuvent entrer en action là où l’être humain se débattra dans «la peur, la haine, le sens de l’honneur, la dignité, la compassion et l’amour», constate le Guardian.

De plus, à la différence des engins nucléaires, elles «ne nécessitent pas de matières premières coûteuses ou difficiles à obtenir, permettant ainsi à toutes les  puissances militaires significatives de les produire en masse», souligne l’appel. Beaucoup d’avantages, donc, aux yeux des responsables politiques et des chefs d’état-major. Mais elles présentent aussi des inconvénients. Comme le risque de relancer la course aux armements, de tomber dans des mains terroristes, de dictateurs…

Outre les signataires de l’appel, les «robots tueurs» inquiètent de plus en plus l'ONU, la communauté scientifique et les défenseurs des droits de l'Homme. Deux réunions d'experts se sont déjà tenues à Genève sur ce sujet dans le cadre de la Convention de l'ONU sur certaines armes classiques. Résultat : les Nations Unies ont appelé à «prendre des actions préventives afin de s’assurer que la décision de mettre fin à une vie reste sous contrôle de l’homme».

L'aube des «robots tueurs»

Vidéo mis en ligne par Motherboard le 16 avril 2015

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