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Le vendeur ambulant de 26 ans, qui s'était immolé à Sidi Bouzid le 17 décembre, y a été inhumé mercredi

Il a succombé à ses blessures mardi à Tunis. 5.000 personnes ont marché derrière sa dépouille en criant vengeance, selon le syndicaliste M. Laabidi.Des heurts ont éclaté à Sidi Bouzid (200km au sud-ouest de Tunis) après le geste de Mohamed Bouazizi, jeune diplômé qui protestait contre la confiscation de la charrette qui lui servait de gagne-pain.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Membres des forces de l'ordre lors d'une manifestation à Tunis le 27 décembre 2010 (AFP - FETHI BELAID)

Il a succombé à ses blessures mardi à Tunis. 5.000 personnes ont marché derrière sa dépouille en criant vengeance, selon le syndicaliste M. Laabidi.

Des heurts ont éclaté à Sidi Bouzid (200km au sud-ouest de Tunis) après le geste de Mohamed Bouazizi, jeune diplômé qui protestait contre la confiscation de la charrette qui lui servait de gagne-pain.


Le mouvement, d'une ampleur sans précédent, avait ensuite gagné d'autres villes du pays.

Des milliers d'avocats ont observé jeudi une grève très suivie dans tous les tribunaux tunisiens pour dénoncer la répression le 31 décembre d'une manifestation de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid. "La grève a été suivie par 95% des avocats dans l'ensemble des tribunaux", à l'appel du Conseil national de l'Ordre des avocats (CNOA), le bâtonnier Abderrazak Kilani. "Cela s'est déroulé dans le calme et aucun incident n'a été enregistré dans les régions ni dans Tunis, les avocats démontrant qu'ils peuvent riposter avec sagesse et responsabilité", a-t-il affirmé.

Le 31 décembre, le CNOA avait dénoncé "un usage sans précédent" de la force pour "faire taire les avocats". Des avocats avaient été "frappés, pourchassés et insultés" à Tunis, Grombalia, Sousse, Monastir, Mahdia, Gafsa et Jendouba. L'un d'eux avait eu le
nez fracturé et un autre avait été "gravement blessé à l'oeil", selon le CNOA.

Une journaliste du Monde, qui tente de se rendre en Tunisie depuis une semaine, n'a pas été autorisée par les autorités tunisiennes
à entrer dans le pays, a annoncé le quotidien dans son édition datée
de vendredi.

Des témoignages
Un mouvement de protestation parti de l'acte désespéré de Mohamed a dégénéré provoquant à ce jour quatre morts, dont deux manifestants tués par balles à Menzel Bouzaiane et deux suicides, celui de Mohamed et d'un autre jeune qui s'était jeté d'un pylone sur des cables électriques, en lançant un cri contre la misère et le chômage, selon un autre témoin, Ali Zari. Le gouvernement a contesté la thèse de ce deuxième suicide et affirme mener une enquête.

De nombreux blessés et d'importants dégâts matériels ont été enregistrés au cours de ces protestations. Selon l'oncle de la victime, Mehdi Horchani, la police massivement présente a empêché le cortège de s'approcher du siège du Gouvernerat (préfecture), là où Mohamed s'était aspergé d'essence pour s'immoler par le feu.

"Mohamed est devenu le symbole du refus du chômage et du mépris et son décès risque d'exaspérer la tension déjà vive à Sidi Bouzid et dans les régions alentours", a dit à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.

Le drame est devenu un symbole pour les chômeurs diplômés et au-delà pour les militants des droits de l'homme.

Vendeur ambulant de fruits et de légumes, Mohamed Bouazizi s'était fait confisquer sa marchandise et humilier par la police municipale. Grièvement brûlé après sa tentative de suicide, il avait été transporté dans un centre médical près de Tunis. Son décès mardi soir a été confirmé par sa famille.

Des sites internet gouvernementaux attaqués
Plusieurs sites du gouvernement tunisien ont subi des cyber-attaques de groupes d'internautes solidaires du mouvement de protestation sociale qui se développe dans le pays, et certains d'entre eux demeuraient inaccessibles mercredi, a encore constaté l'AFP.

Les sites de l'agence tunisienne de l'internet, le site officiel du gouvernement tunisien ou celui de la banque Zitouna, étaient bloqués mercredi.

Ces attaques répondent à un mot d'ordre répandu sur internet par les "Anonymes" (Anonymous) qui se présentent comme un groupe d'internautes attachés à la liberté d'expression et reprochent aux grands médias de ne pas évoquer suffisamment la situation en Tunisie.

"Il est de la responsabilité de la presse libre et ouverte de relater ce que la presse soumise à la censure ne peut pas rapporter. Le peuple de Tunisie nous a demandé son aide et nous avons répondu en lançant une nouvelle opération, Opération Tunisie", annonce une lettre ouverte des "Anonymes" sur internet.

Plusieurs sites internet tunisiens non-officiels se faisaient l'écho mercredi de cette cyber-attaque.

Les manifestations
Deux civils ont été tués lors d'affrontements avec les forces de l'ordre dans la ville de Bouziane, dans le sud du pays. Selon Libération, un jeune s'est par ailleurs suicidé le 22 décembre "sous les yeux de la foule à Menzel Bouzaiane, en s'accrochant à une ligne haute tension: 'Je ne veux plus de la misère et du chômage'", a-t-il crié à la foule.

Le mouvement a ensuite gagné d'autres villes comme Soss, Sfax et Tunis, la capitale, où un millier de jeunes protestataires ont été dispersés il y a une semaine. Mardi 4 janvier, la police a fait usage de lacrymogènes pour disperser une manifestation de plusieurs milliers d'étudiants à Thala (ouest). "Des chômeurs se sont joints à la manifestation qui s'est transformée en affrontements avec la police", selon deux témoignages recueillis par Reuters.

La réponse du pouvoir
Le gouvernement accuse ses opposants de manipuler ces rassemblements pour discréditer le pouvoir. Des rassemblements rares dans un pays dirigé depuis 23 ans d'une main de fer par le président Ben Ali. Ce dernier avait averti la semaine dernière que toute manifestation violente était inacceptable et contraire à l'intérêt national.

Le président tunisien a nommé un nouveau ministre de la Jeunesse et un nouveau gouverneur de Sidi Bouzid. Selon la presse locale, il a ordonné le déblocage de 6,5 milliards de dinars (3,4 milliards d'euros) en faveur de l'emploi des diplômés. Leur taux de chômage pourrait atteindre 30 %.

Réactions en France
Le PCF "demande la suspension de l'accord d'association UE/Tunisie" tant que "ce régime ne respectera pas les droits humains et les exigences élémentaires d'un État de droit".

Le Parti de gauche "appelle le gouvernement tunisien à cesser larépression" et "exige" "que soit utilisée la menace de rétorsion dans le domaine des accords financiers comme dans le cadre de la politique dite de 'coopération et de développement durables'".

Le NPA, "avec les autres organisations et associations engagées dans ce mouvement de solidarité, dénonce la répression du pouvoir tunisien".

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