La fabuleuse histoire du pétrole... une fin proche ?
Journaliste spécialsé dans les question d'énergie et d'environnement, Matthieu Auzanneau revient pour Géopolis sur quelques aspects de cette histoire du pétrole.
Vous avez écrit un remarquable livre sur l’histoire de l’or noir. Il s’agit d’une histoire relativement récente même si le pétrole est connu depuis la nuit des temps. A quand remonte l’histoire moderne du pétrole ? Où a-t-elle commencé ?
L’histoire du pétrole remonte à la nuit des temps. Mais l’histoire moderne du pétrole, en tant que source «industrielle» remonte à 1859, en Pennsylvanie, près de Cleveland. Pas loin de là où s’était installé un certain monsieur Rockfeller. L’autre «naissance» du pétrole a lieu quelque temps après à Bakou, dans l’empire tsariste, développée par les frères Nobel.
Cette nouvelle matière première qui jaillit du sol devient rapidement indispensable. Elle permet au monde de s’éclairer, de lubrifier les machines, avant de devenir une source d’énergie. Le pétrole se mondialise rapidement, très vite il est exporté vers l’Europe.
Son exploitation (extraction et raffinage) permet de dégager des profits monumentaux. Cette matière première a un statut particulier. Elle ne nécessite pas, comme disent les économistes, d’investissements marginaux. C'est-à-dire qu’une fois l’investissement de départ fait, le coût de l’extraction reste quasi identique, quelle que soit le niveau de production. C’est une véritable rente.
Une rente dont on mesure encore les résultats. Les deux plus grandes banques mondiales, américaines, la Chase Manhattan et la City Bank, sont issues du monde du pétrole.
Pouvez-vous nous raconter deux ou trois anecdotes liées à l’histoire du pétrole ?
L’une des conséquences méconnue de l’arrivée du pétrole est la survie… des baleines. L’apparition de l’industrie du pétrole a sans doute sauvé les baleines, les cachalots, les phoques pourchassés pour leur graisse, «l’huile des rois», comme on l’appelait.
Les baleiniers faisaient face à une diminution de la ressource lorsque le pétrole est apparu de façon massive. Un puits de pétrole produisait autant qu’une année de pêche. Un dessin paru en 1861 dans Vanity Fair représente un bal donné par les baleines en l’honneur de la découverte des puits de pétrole.
Vous tenez un blog intitulé «oil man, chroniques du début de la fin du pétrole» sur le site du Monde et vous pensez que la planète va rapidement manquer d’hydrocarbures. Les événements actuels, avec une chute des prix record, confirment-ils ce scénario ?
Le déclin de certaines zones de production pétrolière a déjà commencé. En mer du Nord, par exemple, la production a déjà commencé à baisser.
Cela ne semble pas visible actuellement en raison de l’apparition des pétroles de schistes. Mais la tendance peut s’aggraver à cause du recul des investissements dans la recherche et l’exploitation. Un recul dû à la baisse des prix du brut. Or, si on arrête d’investir, la production décroît. Aujourd’hui, les 4/5e de la production sont assurés par des champs anciens.
La guerre des prix menée par l’Arabie saoudite –qui possède d’énormes réserves pétrolières et financières- limite fortement les investissements dans le secteur. Pourtant, l'industrie de la recherche nécessite des investissements importants car les coûts de production des nouveaux puits sont beaucoup plus élevés. Total a ainsi perdu plus d’un tiers de sa production tout en triplant ses investissements.
Les capacités pétrolières sont limitées…les arbres ne montent pas au ciel. Aujourd’hui, on va chercher le pétrole très loin ; fini le temps du pétrole qui suintait du sol. La production ne pourra plus augmenter.
Aujourd'hui pour contourner les limites géologiques sur les réserves de pétrolières, on se tourne vers l'exploitation des pétroles non-conventionnels, comme les pétroles de schiste (qui ne représentent que 3 millions de barils sur 90) . Or, là, on ne sait pas très bien où on va. L’administration américaine voit un déclin de ces pétroles vers les années 2020.
Nous approchons donc inexorablement de ce que l'on appelle le «peak oil» (le moment où la production mondiale de pétrole plafonne avant de commencer à décliner du fait de l'épuisement des réserves de pétrole exploitables.). La question n’est plus de savoir si la production de pétrole va diminuer, mais quand.
Le livre
«Or noir», raconte l'histoire d'une matière première, le pétrole, qui a révolutionné la croissance économique de la planète comme aucune autre et qui a permis la constitution de fortunes colossales. Les noms qui sont accolés au pétrole sont connus de tous: de Rockfeller, à Esso, en passant par les frères Nobel, Royal Dutch, Shell...Une histoire extraordinaire...
«Or noir» ton univers impitoyable... bien plus passionnant que la série télévisée, le livre retrace l'histoire des 150 années du pétrole roi. Fascinant.
Le livre se fait géographe et historien. Il emmène le lecteur à travers le monde, d'est en ouest, du nord au sud. Le pétrole sort de partout. Au fil des années, la production s'installe sur de nouveaux territoires. Après avoir faconné l'industrie, l'or noir nourrit les guerres, les révolutions, les coups d'Etat. Il ne cesse de redessiner la géostratégie mondiale. Des territoires depuis toujours pauvres et isolés deviennent des puissances incontournables.
Historien, l'auteur raconte les crises économiques, les ententes, les cartels, l'Urss, l'Allemagne nazie, la naissance de l'Opep, la crise du pétrole en 1973...
Matthieu Auzanneau multiplie les portraits des personnages hors du commun qui jalonnent la saga de cette matière première, de Rockfeller à Mattei, de Tariki (le cheikh rouge) à Pompidou. Quoi de commun entre Henry Kissinger, le conseiller des Rockfeller et Mossadegh, le premier ministre iranien renversé par la CIA... On apprend aussi que celui qui fit renverser Mossadegh, premier ministre iranien considéré comme trop proche des communistes, est le père de celui qui mena la guerre en Irak, le général Schwarzkopf...
L'histoire du pétrole commence donc en 1869.. Nous sommes en 2015. Le pétrole (de schiste ou non) coule à flot, les prix sont bas. Pourtant, Matthieu Auzanneau parle déjà de la fin du pétrole et évoque les risques pour la planête qui nous «impose de tourner le dos à l'avidité, de ralentir». Le livre nous aide à comprendre la «menace» qui pèse sur nous.
Or noir,
La grande histoire du pétrole
Ed Découverte
700 pages, 26 euros
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