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L'Italie de Renzi joue la relance dans une Europe en proie à l'austérité

Alors qu’en Europe le discours sur l’austérité est omniprésent, le nouveau Premier ministre italien, Matteo Renzi, affiche une politique de relance assumée pour l’Italie. Et cela semble être accepté par tous. Y a-t-il un changement de philosophie en Europe, alors que les économistes brandissent le spectre de la déflation ?
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Matteo Renzi et Angela Merkel à Berlin, le 17 mars 2014. (BERND VON JUTRCZENKA / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE/AFP)

«On ne peut pas dépenser d'argent en raison du pacte de stabilité, qui est un pacte de stupidité», a affirmé le 13 mars 2014 à Rome le nouveau Premier ministre italien, fidèle à son style direct. Il venait auparavant d’annoncer une politique de relance à coups de milliards d’euros. Il avait notamment promis une baisse d’impôts pour 10 millions d’Italiens, pour un coût de 10 milliards d’euros. S’ajoutait à cela des allègements de charges en faveur des entreprises. Bref, le contraire de ce qui se fait partout en Europe. Et même en France, où le président élu en 2012 avait promis le changement.

«Le paramètre des 3% est, objectivement, un paramètre anachronique», a redit le Premier ministre italien, adepte du blitz (il se donne quatre mois pour réformer la pays) devant les élus italiens. Mais cependant, pas question de violer la règle, affirme-t-il prudent.

Et pourtant, cette politique a un coût. Le déficit public va passer de 2,6% du PIB à 3%. L'Italie est ainsi le seul pays à revendiquer une augmentation de son déficit alors que tous les pays affirment serrer la vis budgétaire. Si Paris applaudit (tout en menant une politique peu lisible entre relance et économies), la presse allemande se montre plus sceptique. «Le programme de Renzi se lit comme une déclaration de guerre à la politique européenne allemande», a écrit Die Welt

Merkel se dit «impressionnée»
Pourtant, Berlin n'a rien reproché à la politique de Rome et a enregistré les engagements de Renzi à respecter les règles européennes. «Angela Merkel a assuré n'avoir "aucune raison de douter" de cet engagement. Un peu comme une maîtresse d'école qui décide finalement de faire confiance à un cancre sur la voie du repentir, la chancelière a ainsi annoté le bulletin de l’élève Renzi que, fine mouche, elle avait invité à venir la voir l'été dernier quand il n'était que maire de Florence: "Il m'est apparu clairement que l'Italie se souciait tout à fait du pacte de stabilité et de croissance. L'optimisme est une composante de l'économie. Le verre n'est pas à moitié vide mais à moitié plein, et le gouvernement italien travaille à le remplir." Et de délivrer in fine son satisfecit: "Je suis très impressionnée"», notait le correspondant du Monde à Rome.

Officiellement, personne en Europe ne critique le choix de Renzi. Il faut dire que les élections européennes ne sont pas loin et que les politiques d'austérité ne sont guere populaires. «Je n'ai pas de raison de douter des engagements de l'Italie à respecter les règles du pacte fiscal et du pacte de stabilité», a simplement indiqué Angela Merkel, alors que Renzi venait de réaffirmer la volonté de Rome de respecter les traités.

«La Commission européenne a placé l'Italie sous surveillance renforcée, estimant que la péninsule fait face à des "déséquilibres excessifs" persistants», rappelle Natacha Valla, directrice adjointe du CEPII, dans lExpansion qui ajoute: «L'exécutif européen, qui fera des recommandations spécifiques pour chaque Etat membre début juin, ne sera "pas clément" avec Rome.» Cette dernière ajoute que «toutefois, dans les faits, Bruxelles devrait donner six mois de sursis à Renzi pour faire les preuves de sa politique de relance.»

«Les dents vont grincer à Bruxelles»
La presse italienne a cependant noté «une forme d'arrogance» dans la réaction de Bruxelles au plan de Matteo Renzi. Au point que le chef du gouvernement a dû affirmer à la presse après un conseil européen à Bruxelles : «J'ai trouvé les articles assez éloignés de la réalité». Barroso et Van Rompuy ont aussi voulu calmer le jeu.

C'est dans Le Figaro qu'on peut lire une analyse défendant l'engagement de Matteo Renzi. «Le candidat Hollande avait promis la fin de l'austérité, Renzi le fait. Les dents vont grincer à Bruxelles, mais les électeurs italiens vont bénéficier d'une reprise plus franche que leurs collègues français. Il faut une (petite) dose de courage pour défier ainsi la Commission, mais il est rafraîchissant de voir un gouvernement revendiquer sa pleine souveraineté en matière budgétaire», écrit en effet l'économiste Charles Wyplosz.

Le jeune Premier ministre italien, qui a promis de bouleverser la politique italienne, a donc choisi de privilégier la croissance aux problèmes de dette. Il faut dire que la croissance italienne est en panne depuis deux ans. Le PIB a reculé de 9% en trois ans (même s'il a crû au dernier trimestre 2013 de 0,1%), tandis que le taux de chômage atteint 12,9%.

«Renzi joue gros. S'il échoue, l'Italie va se retrouver en crise financière et politique. S'il réussit, l'Italie émergera comme la "success story" européenne de cette décennie. On ne peut que constater le contraste entre un dirigeant qui ose et un François Hollande qui hésite, louvoie et recule face aux critiques. Quelle est la bonne méthode? Les paris sont ouverts», écrit toujours dans Le Figaro l’économiste Charles Wyplosz. Même son de cloche chez l'économiste Philippe de Sertine qui affirmait sur France 5 : «Oui, on peut remettre un pays sur les rails en quatre mois. Mais c'est pas sûr que cela marche là. Mais il ne faut jamais negilger l'effet psychologique que peuvent avoir des réformes radicales.»

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