Berlusconi est de retour : qui veut la peau du Cavaliere ?
L'idée de voir l'ex-président du Conseil revenir au sommet à l'occasion des prochaines législatives ne réjouit pas grand monde en Italie.
ITALIE - "Bye Bye Silvio" ; "Disparais !" ; "Enfin !" La foule en liesse rassemblée à Rome devant le palais présidentiel en novembre 2011 a bien cru assister à la mort du "berlusconisme" en Italie. A l'intérieur du bâtiment, le président du Conseil des ministres donnait sa démission au président de la République, Giorgio Napolitano. Remplaçant "Il Cavaliere" au pied levé, "Il Professore", l'économiste Mario Monti, était appelé pour faire marcher la botte au rythme de l'Union européenne.
Un an et trois semaines après cet épisode, voici que "le caïman" de 76 ans revient. D'outre-tombe, disent certains - Libération parle de "zombie" et de "momie" -, mais offensif, comme à son habitude, annonçant sa candidature aux prochaines législatives début 2013. Lundi 10 décembre, les marchés ont sanctionné ce retour en fanfare de Silvio Berlusconi dans la vie politique, qualifié de mauvaise blague par nombre d'observateurs, voire d'attitude irresponsable par l'Eglise. Francetv info a dressé la liste des personnes et institutions que ce "Berlusconi 2013" met dans l'embarras.
Mario Monti, le remplaçant poussé vers la sortie
En un week-end, Silvio Berlusconi a eu raison de son successeur. Sans le soutien du Peuple de la liberté (PDL), le parti du Cavaliere, "Monti ne peut plus se prévaloir de la majorité parlementaire", explique Marc Lazar, historien et sociologue, spécialiste de la vie politique italienne à l'Institut d’études politiques de Paris, interrogé par francetv info. Sa coalition, qui rassemblait également le Parti démocrate (gauche) et l'UDC (centre), ainsi fragilisée, le président du Conseil a remis sa démission dimanche.
Reculer pour mieux sauter ? Pour Marc Lazar, Mario Monti s'écarte "soit pour mieux revenir" à l'occasion des législatives, soit ,"hypothèse plus probable (...), pour apparaître comme recours dans une autre élection, celle du président de la République, en avril", prédit le chercheur.
Les marchés, qui n'ont aucune confiance en lui
Il n'y a pas un an, ils l'avaient poussé vers la sortie. "Berlusconi a démissionné sous la pression de ses pairs (...) lors d’une attaque puissante des marchés sur la dette italienne alors qu’ils craignaient une faillite du pays", rappelait en octobre Fabio Liberti, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) dans une interview au site atlantico. Dès lors, la possibilité de son retour aux affaires s'accompagne de la crainte d'une nouvelle tempête financière.
Sans surprise, l'indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, a ouvert en forte baisse et a chuté de 3,67%, à 15 123 points à la mi-journée lundi. Quant aux taux italiens des emprunts à dix ans, thermomètre de la confiance des marchés dans la capacité du pays à maîtriser la crise de la dette, ils ont bondi lundi matin.
L'Union européenne, qui craint la contagion
L'UE n'a nul besoin d'une crise politique au sein de la troisième économie de la zone euro. Il suffit de faire le tour d'Europe des unes de la presse pour constater que le vétéran de la vie politique italienne n'a plus la cote chez ses anciens partenaires européens. "Aujourd'hui, le signal est une fois de plus lancé que les hommes politiques de ce pays ne sont pas fiables", a d'ailleurs déploré le chef du Mécanisme européen de stabilité (MES), Klaus Regling, interrogé par le journal allemand Süddeutsche Zeitung.
"L'Italie ne doit pas s'arrêter sur le chemin des réformes alors qu'elle a fait les deux-tiers du chemin à parcourir, a prévenu Guido Westerwelle, le ministre des Affaires étrangères allemand, dans Der Spiegel. Cela plongerait non seulement l'Italie, mais aussi l'Europe dans une zone de turbulences." Autrement dit : pas d'alliés pour le Cavaliere. "Ce bouffon-là, j’espère vraiment qu’il va se ramasser aux élections", a même lâche la députée européenne belge Isabelle Durant, interrogée par RTL.be.
Une partie des Italiens, qui ont tourné la page
Sur Twitter, l'annonce de sa candidature a été immédiatement suivie d'une vague de critiques, toutes identifiées par le mot clé "#nonlovoto" (je ne vote pas pour lui), a rapporté samedi La Stampa.it. Ses frasques personnelles et ses casseroles judiciaires, comme le procès Mills, l'affaire Ruby... ont sérieusement entaché l'image du sulfureux septuagénaire qui fut neuf ans président du Conseil.
Selon Libération, "seuls 7% des Italiens disent préférer Berlusconi comme futur président du Conseil". Son parti, le PDL "est aujourd’hui crédité de 15% contre 37,4%, en 2008." Surtout, l'Italie n'est plus tout à fait la même : "Mario Monti a mené une politique très impopulaire [que détaille Libération] mais reste très apprécié en tant qu’homme, note Marc Lazar. Il y a eu un changement de climat : les Italiens ont pris conscience que la situation était grave et demandait un certain nombres de sacrifices."
Dans ce contexte, Silvio Berlusconi a peu de chance de reconquérir la présidence du Conseil, estime l'expert, lequel invite tout de même à ne pas sous-estimer l'animal politique :"Il est un formidable homme de campagne. Il la mènera sur des thèmes auxquels sont sensibles les Italiens : la situation économique, la fiscalité, l'austérité etc."
Une partie de la classe politique
A sa gauche, Il Cavaliere affrontera Pier Luigi Bersani et sa formation, le Parti démocrate (centre gauche), donnés favori. Autre force en présence, le jeune parti du comédien Beppe Grillo rassemble déjà près de 15% d'intentions de vote.
"Si le centre gauche peut gagner les législatives, il n’est pas du tout assuré de disposer de la majorité au Sénat." Une chance pour le parti de Silvio Berlusconi de garder un peu de son influence ? En effet, "dans ce cas, le PDL a une carte à jouer", poursuit le chercheur.
Mais au sein même d'un PDL déconfit, "Berlusconi va faire des mécontents, notamment chez les plus modérés", souligne encore Marc Lazar. Car il pourrait être tenté de tendre de nouveau la main aux populistes de la Ligue du Nord.
Toutefois, au-delà des considérations politiques, pour le correspondant du Monde (pour les abonnés) à Rome, Philippe Ridet, "les motivations de M. Berlusconi sont avant tout personnelles". Selon Marc Lazar, "il veut d'abord échapper aux poursuites judiciaires." En étant candidat, Il Cavaliere gagne en effet du temps dans les différentes affaires judiciaires qui le concernent. Un sursis de plus dans des dossiers qui traînent déjà depuis des années.
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