Cet article date de plus d'onze ans.
L'affaire du prisonnier X en Israël
Le communiqué officiel du ministère israélien de la Justice est tombé le 13 février 2013 dans la soirée, à la fin du journal télévisé de la chaîne 2. Le fameux prisonnier X est bien l’Australo-Israélien Ben Zygier.
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«Le service pénitentiaire d'Israël (IPS) a détenu un prisonnier qui était un ressortissant israélien mais qui possédait aussi la nationalité étrangère. Pour des raisons de sécurité, l'homme a été incarcéré sous une fausse identité en vertu d’un mandat délivré par une cour de justice. Sa famille a été immédiatement informée de son arrestation.» La procédure contradictoire a été respectée. Il a été représenté par trois avocats et les plus hautes autorités de la Justice ont veillé à ce que ses droits soient respectés. Il a été précisé que le mystérieux prisonnier avait été retrouvé mort dans sa cellule il y a deux ans. La juge Daphna Blatman Kedrai a ordonné une enquête sur les circonstances de son décès. Elle a conclu qu’il s’agissait d’un suicide et une seconde enquête a été ouverte afin de déterminer s’il y a eu négligence de la part de l’administration pénitentiaire.
L’affaire a en fait commencé mardi 12 février. Le quotidien Haaretz révélait sur son site qu’un citoyen australien détenu sous un faux nom s’était suicidé, le 15 décembre 2010, dans le quartier à haute sécurité de la prison Ayalon près de Tel Aviv. Moins d’une heure plus tard, l’article disparaissait du site comme s’il n’avait jamais existé. Pourtant, l’histoire provenait du web de la chaîne publique australienne ABC.
La même mésaventure avait frappé, en juin 2010, le site Ynet, appartenant au quotidien Yediot Aharonot. Il ne fallait pas être professeur de relations internationales pour comprendre qu’il y avait là une affaire d’espionnage sous une forme ou une autre. Visiblement, la censure interdisait toute publication à ce sujet. En début d’après-midi, une information passe malgré tout : les patrons des principaux médias israéliens sont convoqués à la Présidence du conseil à propos d’une affaire concernant la sécurité de l’Etat.
On n’en saura guère plus jusqu’au moment où en séance plénière, trois députés de l’opposition posent la question au ministre de la Justice. Qui leur conseille de s’adresser à son collègue de la Sécurité intérieure qui est responsable de l’administration pénitentiaire. Problème : les débats au Parlement sont diffusés en direct et il est impossible de les censurer. Les députés disposent de l’immunité parlementaire. L’ensemble de la presse a donc emboîté le pas, le soir même, et le lendemain, mercredi 13 février. À noter que la censure israélienne a d’abord tenté de faire effacer toute discussion à ce sujet du procès-verbal des débats de la Knesset…
Les autorités n’avaient plus le choix. Les médias israéliens ont l’autorisation de citer les informations de la chaîne australienne, mais pas plus. Il est toujours interdit de révéler les raisons de l’incarcération de ce «prisonnier X» et son maintien à l’isolement total, sous un faux nom.
Voici donc, ce que l’on savait avant le communiqué officiel israélien :
Né à Melbourne, X s’appelait en fait Ben Zygier. Après avoir immigré en Israël en 2000, il a effectué un service militaire durant lequel il aurait été blessé. Il a attiré l’attention des services de contre-espionnage australiens car, à trois reprises, il a demandé de nouveaux passeports en changeant de nom, de Ben Alon en Ben Alen puis Benjamin Borroughs. Le tout pour voyager en Iran, en Syrie et au Liban. Trois autres membres de la communauté juive australienne étaient ainsi soupçonnés d’appartenir au Mossad. Les services de sécurité de Camberra étaient particulièrement vigilants depuis l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh, un responsable du Hamas, à Dubaï en janvier 2010, par un groupe de «touristes» dont trois disposaient de passeports australiens. Le gouvernement israélien avait dû promettre solennellement que cela ne se reproduirait plus…
La famille, son épouse israélienne – ils ont deux enfants- et ses parents et ses proches à Melbourne gardent le silence et refusent de rencontrer la presse. On ne connaît pas les raisons de son arrestation. En juin 2010, après la brève diffusion de l’information sur le site Ynet, Nitzan Horowitz, député du parti de gauche Meretz, a écrit au conseiller juridique du gouvernement car il s’inquiétait des conditions de détention extrêmement sévères de Ben Zygier : l’isolement total sous un faux nom. On lui avait répondu qu’il s’agissait d’une affaire très grave concernant la sécurité de l’Etat. La censure a interdit la publication de la lettre d’Horowitz. C’est hier seulement qu’il a appris la mort de Zygier. Le fait qu’il ait pu se suicider par pendaison, dans une cellule surveillée en permanence sous tous les angles, suscite, évidemment, des questions auxquelles l’administration n’a pas encore répondu.
Zygier était avocat. Il avait fait des études en Israël, à l’issue desquelles, un stage au cabinet Herzog-Neeman, qui l’a représenté avec deux autres avocats dans la procédure engagée contre lui.
Que faisait-il au Mossad ? Selon une source australienne, citée par Ynet, il aurait participé à une société écran créé par les services israéliens et qui aurait vendu du matériel électronique à l’Iran.
Politiquement, l’affaire fait du bruit en Israël. Avigdor Lieberman, l’ancien ministre des Affaires étrangères accuse la gauche de porter atteinte à la sécurité de l’Etat et Miri Regev, députée Likoud, veut traduire en justice, pour trahison, ses trois collègues qui ont enfreint la censure.
L’affaire a en fait commencé mardi 12 février. Le quotidien Haaretz révélait sur son site qu’un citoyen australien détenu sous un faux nom s’était suicidé, le 15 décembre 2010, dans le quartier à haute sécurité de la prison Ayalon près de Tel Aviv. Moins d’une heure plus tard, l’article disparaissait du site comme s’il n’avait jamais existé. Pourtant, l’histoire provenait du web de la chaîne publique australienne ABC.
La même mésaventure avait frappé, en juin 2010, le site Ynet, appartenant au quotidien Yediot Aharonot. Il ne fallait pas être professeur de relations internationales pour comprendre qu’il y avait là une affaire d’espionnage sous une forme ou une autre. Visiblement, la censure interdisait toute publication à ce sujet. En début d’après-midi, une information passe malgré tout : les patrons des principaux médias israéliens sont convoqués à la Présidence du conseil à propos d’une affaire concernant la sécurité de l’Etat.
On n’en saura guère plus jusqu’au moment où en séance plénière, trois députés de l’opposition posent la question au ministre de la Justice. Qui leur conseille de s’adresser à son collègue de la Sécurité intérieure qui est responsable de l’administration pénitentiaire. Problème : les débats au Parlement sont diffusés en direct et il est impossible de les censurer. Les députés disposent de l’immunité parlementaire. L’ensemble de la presse a donc emboîté le pas, le soir même, et le lendemain, mercredi 13 février. À noter que la censure israélienne a d’abord tenté de faire effacer toute discussion à ce sujet du procès-verbal des débats de la Knesset…
Les autorités n’avaient plus le choix. Les médias israéliens ont l’autorisation de citer les informations de la chaîne australienne, mais pas plus. Il est toujours interdit de révéler les raisons de l’incarcération de ce «prisonnier X» et son maintien à l’isolement total, sous un faux nom.
Voici donc, ce que l’on savait avant le communiqué officiel israélien :
Né à Melbourne, X s’appelait en fait Ben Zygier. Après avoir immigré en Israël en 2000, il a effectué un service militaire durant lequel il aurait été blessé. Il a attiré l’attention des services de contre-espionnage australiens car, à trois reprises, il a demandé de nouveaux passeports en changeant de nom, de Ben Alon en Ben Alen puis Benjamin Borroughs. Le tout pour voyager en Iran, en Syrie et au Liban. Trois autres membres de la communauté juive australienne étaient ainsi soupçonnés d’appartenir au Mossad. Les services de sécurité de Camberra étaient particulièrement vigilants depuis l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh, un responsable du Hamas, à Dubaï en janvier 2010, par un groupe de «touristes» dont trois disposaient de passeports australiens. Le gouvernement israélien avait dû promettre solennellement que cela ne se reproduirait plus…
La famille, son épouse israélienne – ils ont deux enfants- et ses parents et ses proches à Melbourne gardent le silence et refusent de rencontrer la presse. On ne connaît pas les raisons de son arrestation. En juin 2010, après la brève diffusion de l’information sur le site Ynet, Nitzan Horowitz, député du parti de gauche Meretz, a écrit au conseiller juridique du gouvernement car il s’inquiétait des conditions de détention extrêmement sévères de Ben Zygier : l’isolement total sous un faux nom. On lui avait répondu qu’il s’agissait d’une affaire très grave concernant la sécurité de l’Etat. La censure a interdit la publication de la lettre d’Horowitz. C’est hier seulement qu’il a appris la mort de Zygier. Le fait qu’il ait pu se suicider par pendaison, dans une cellule surveillée en permanence sous tous les angles, suscite, évidemment, des questions auxquelles l’administration n’a pas encore répondu.
Zygier était avocat. Il avait fait des études en Israël, à l’issue desquelles, un stage au cabinet Herzog-Neeman, qui l’a représenté avec deux autres avocats dans la procédure engagée contre lui.
Que faisait-il au Mossad ? Selon une source australienne, citée par Ynet, il aurait participé à une société écran créé par les services israéliens et qui aurait vendu du matériel électronique à l’Iran.
Politiquement, l’affaire fait du bruit en Israël. Avigdor Lieberman, l’ancien ministre des Affaires étrangères accuse la gauche de porter atteinte à la sécurité de l’Etat et Miri Regev, députée Likoud, veut traduire en justice, pour trahison, ses trois collègues qui ont enfreint la censure.
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