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Election présidentielle en Iran: le bilan mitigé des réformateurs

Vendredi 19 mai 2017 a lieu le 1er tour de l’élection présidentielle en Iran. L’enjeu est la reconduction du président réformiste Hassan Rohani. Son mandat a été marqué par l’accord sur le nucléaire qui a sorti l’Iran de son isolement. La suppression progressive de l’embargo a relancé l’économie, mais les effets en sont encore bien maigres.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une supportrice de Hassan Rohani tient le portrait du président. ( Fatemeh Bahrami / ANADOLU AGENCY)

«Quand le pétrole va, tout va», serait-on tenté de parodier, pour qualifier l’économie iranienne. Ainsi, la croissance a bondi de 6,5% en 2016, grâce à la reprise des exportations d’or noir. Selon Hassan Rohani, l’Iran «peut exporter deux millions de barils par jour. Sans l’accord, nous n’aurions pu en exporter que 200.000». La levée des sanctions internationales était la contrepartie de l’engagement de l’Iran à travailler sur un nucléaire strictement civil.

Cet accord international, largement autorisé par le guide suprême Ali Khameinei, est le principal fait d’armes de Rohani. Le camp des réformateurs en attendait beaucoup. Il devait rouvrir la porte aux investissements étrangers nécessaires à la relance économique du pays. En fait, sur les 50 milliards de dollars espérés, le pays n’a profité, selon le premier vice-président Es-Hagh Jahanguiri, que d'un à deux milliards d’investissements directs.
 
Un léger mieux
En 2013, l’administration Rohani a hérité d’une économie en ruines, épuisée par les sanctions internationales et l’embargo sur les ventes de pétrole. L’inflation galopait à 40% l’an. Elle est passée sous les 10%, une première en un quart de siècle, selon Financial Tribune, un quotidien économique iranien.

En revanche, le chômage est encore massif à 12,5%, touchant près d’un jeune sur trois. Rohani a promis un plan de lutte s’il est réélu. «Nous pensons que le secteur du tourisme peut générer un million d’emplois chaque année», a-t-il déclaré. D’ailleurs, dès 2015, le groupe hôtelier français Accor a fait son retour en Iran, annonçant la possibilité de gérer à terme une centaine d’hôtels.

A supposer que le grand Bazar de Téhéran soit le pouls économique du pays, les marchands n’y sont pas optimistes. Le journaliste Megan O’Toole, pour Al Jazeera, en a rencontré quelques-uns. «Il n’y a pas eu de changement notable», explique Daliri, un marchand de tapis. «Il y avait l’espoir que les choses changent, en réalité, ça n’a pas bougé. Mon commerce stagne».
 
L’ouverture vers l’Occident
Certains expert iraniens demandent de laisser du temps au temps pour que les effets de l’accord sur le nucléaire puissent progressivement monter en puissance. Le secteur automobile est en ce sens révélateur. Entre 2013 et 2016, la production iranienne a augmenté de 50% pour atteindre 1,2 millions d’exemplaires. Début mai, Peugeot a lancé la production de la 2008 dans le pays. Le président Rohani a d’ailleurs salué l’offensive des constructeurs français, insistant sur le fait que tout cela sera profitable pour la société.

Mais depuis l’élection de Donald Trump, un vent glacial souffle entre Washington et Téhéran. Les tirs de missiles iraniens du début d’année ont passablement énervé la Maison Blanche. «L'Iran joue avec le feu. Ils ne se rendent pas compte combien le président Obama était gentil avec eux. Pas moi!», avait tweeté Trump à l’occasion.

Aussi, les plus pessimistes des observateurs craignent un retour des sanctions internationales, ce qui ruinerait la politique de Rohani. Les adversaires du président sortant utilisent ce point pour l’affaiblir aux yeux de l’opinion. Ibrahim Raisi, son plus dangereux adversaire, n’y va pas par quatre chemins, attaquant l’ouverture vers l’Occident et le bilan économique. «Qu’est-ce qui a changé après l’accord? Le quotidien des gens?», lance -t-il.
 
Raisi en embuscade
Ibrahim Raisi est un dignitaire religieux, proche du guide suprême. Il est l’un des quatre juges islamiques à avoir supervisé l’exécution en 1988 de milliers d’opposants politiques. Certains le donnent comme possible successeur du guide suprême. Pour l’heure, dans cette élection présidentielle, il est désormais débarrassé de la concurrence dans le camp conservateur de Mohamad Bager Qalibaf, le maire de Téhéran. Raisi a également obtenu le soutien de l’aile radicale de son camp.

Il y a quatre ans, Hassan Rohani l’avait emporté au premier tour avec 51% des voix. Une certaine déception populaire pourrait, cette fois, lui imposer un second tour.

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