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"Nous avons peur " : en Inde, le parti majoritaire exploite le sentiment anti-musulman en vue de la réélection du Premier ministre Modi

Alors que les Indiens votent pendant près de six semaines pour élire leurs députés, le parti BJP tente de rallier l’électorat majoritaire hindou avec des discours extrémistes.

Article rédigé par Sébastien Farcis
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des partisans du BJP à Siliguri, en Inde. (DIPTENDU DUTTA / AFP)

Des centaines de personnes sont agglutinées sur l’esplanade de Ghaziabad, en banlieue de New Delhi, pour le meeting du parti nationaliste hindou du BJP. L’Inde renouvelle en effet son parlement à partir du jeudi 11 avril : plus de 900 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Depuis cinq ans, ce sont les nationalistes hindous du parti du BJP, ou "parti du peuple indien", qui détiennent la majorité absolue à la chambre basse.

La politique hindouiste contestée par l'opposition

Le Premier ministre Narendra Modi, aussi charismatique que controversé, a imposé des réformes économiques et sociales radicales au pays. Mais c’est surtout sa politique hindouiste qui est contestée par l’opposition, car elle a tendu à réprimer, voire à entraîner le meurtre de dizaines de musulmans. Et pendant cette campagne, le BJP a plus que jamais tenté de rallier cet électorat majoritaire hindou avec un discours extrémiste.

Yogi Adithyanath, moine radical hindou et chef du gouvernement de cette région de l’Uttar Pradesh, attaque l’opposition du Congrès d’un ton martial : "Le parti du Congrès collaborait avec les terroristes et leur offrait du biryani à manger, explique-t-il. L’armée de Modi, elle, leur fait manger des balles et des bombes. Nous avons réduit les terroristes en cendres et brisé le dos du Pakistan. Tout ce qui était impossible avant est possible aujourd’hui, car c’est Modi qui commande." Le BJP exploite ici l’opération de l’armée indienne, qui a bombardé des camps terroristes pakistanais en février.

Des centaines de musulmans attaqués par des hindouistes

"Le conflit sert le discours anti-musulman du BJP, explique Nilanjan Mukhopadhay, spécialiste du nationalisme hindou. Le BJP assimile les musulmans indiens avec le Pakistan, afin d’entrainer la crainte de la population. Et le BJP a besoin de nourrir  cette animosité antimusulmane pour entraîner l’adhésion de tous les hindous, qui représentent 80% de la population." Pour les nationalistes hindous, l’hindouisme  représente la culture de l’Inde. Et tout Indien doit donc se soumettre à ses préceptes, tel que le respect de la vache sacrée. Depuis cinq ans, des hindouistes ont ainsi attaqué des centaines de musulmans. Ils les accusaient de transporter illégalement des vaches vers l’abattoir.

Le BJP nie tout lien avec ces extrémistes, mais un de ses ministres a félicité huit hommes condamnés pour l’un de ces meurtres de musulmans. La crainte grandit donc dans la communauté, comme en témoigne Maqbool Khan, un tisserand musulman de la ville de Bénarès, la circonscription de Narendra Modi. "Avant, nous pouvions aller dans les quartiers hindous très peuplés. Mais maintenant nous avons peur. Les hindouistes décident de ce que nous devons manger, pour qui nous devons prier. Et si nous disons que le BJP agit contre les musulmans, ils nous accusent d’être des traitres. Donc nous nous taisons et nous endurons les attaques." Selon Amnesty international, 79 musulmans sont morts en cinq ans dans ces attaques d’hindouistes. Narendra Modi n’a jamais directement condamné ces crimes.   

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