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GrĂšce: Yanis Varoufakis, un Ă©conomiste au style atypique

Le 6 juillet 2015, le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, annonce sa dĂ©mission sur Twitter. Retour sur celui qui a cristallisĂ© les critiques des droites europĂ©ennes contre le pouvoir grec sorti des urnes en janvier 2015. Et, avec son look de motard et ses discours sans concession, a personnalisĂ© le rejet par l’UE et le FMI des revendications sociales grecques.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Yanis Varoufakis arrive pour sa conférence de presse à AthÚnes, le 5 juillet 2015, aprÚs les premiers résultats du référendum. (ANDREAS SOLARO / AFP)

Un doigt, justement, symbolise le niveau d'incomprĂ©hension qui a envenimĂ© les relations entre Yanis Varoufakis et les Allemands. Une vidĂ©o le montrant faisant un doigt d'honneur a fait le tour du monde, accrĂ©ditant cette mĂ©fiance entre Grecs et Allemands. Or, semble-t-il, elle Ă©tait le fruit d'un trucage. Il faut dire qu'entre temps, il Ă©tait devenu la bĂȘte noire des conservateurs europĂ©ens.


Rarement ministre de l'Eurogroupe a été autant critiqué, voire insulté. Avec son crùne rasé, ses chemises sans cravate sortant du pantalon, Yannis Varoufakis détonne dans le cercle étroit des ministres des Finances. Contrairement à ses homologues, il a le verbe facile et continue à twitter tout en étant ministre et à alimenter son  blog.

Un blog sur lequel il rend compte de ses interventions devant ses collùgues de l’Eurogroupe, alors que le secret semble de mise dans ces conclaves (voir ainsi son discours lors du dernier Eurogroupe).

Il n'hésite pas non plus à se mettre en scÚne, quitte à le regretter par la suite. Il a ainsi posé dans Paris Match.


Economiste devenu ministre 
Mais Yannis Varoufakis n’est pas que ministre. Il est aussi Ă©conomiste, et mĂȘme un Ă©conomiste rĂ©putĂ©. Aux yeux de Christian Arnsperger, chercheur FNRS Ă  la Chaire Hoover et professeur Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne, qui est loin d’ĂȘtre seul Ă  ĂȘtre de cet avis, «Yanis Varoufakis, ĂągĂ© de 54 ans, est l’un des Ă©conomistes "anti-nĂ©oclassiques" les plus brillants de sa gĂ©nĂ©ration».

Yanis Varoufakis est nĂ© le 24 mars 1961 Ă  AthĂšnes. De nationalitĂ© grecque et australienne, il a suivi des Ă©tudes de mathĂ©matiques et de statistiques appliquĂ©es Ă  l’économie en Angleterre. Il a enseignĂ© Ă  Cambridge, notamment. En 1990, au troisiĂšme mandat de Margaret Thatcher («C'en Ă©tait trop», raconte-t-il), il part Ă  Sydney en Australie, oĂč il enseigne une douzaine d'annĂ©es Ă  l'universitĂ©.
 
Il est ensuite revenu enseigner l’économie Ă  AthĂšnes. Conseiller du Premier ministre socialiste Georges Papandreou entre 2004 et 2006 avant d’en devenir l’un des plus virulents critiques. Il quitte Ă  nouveau la GrĂšce pour enseigner Ă  Austin (Texas) et travailler pour une entreprise de jeu vidĂ©o, pour laquelle il apporte ses connaissances sur la thĂ©orie des jeux.
 
«Marxiste libertaire»
Elu député Syriza en janvier 2015, il devient ministre des Finances du gouvernement Tsipras. 

Sur le plan idĂ©ologique, le ministre, qui continue Ă  utiliser sa moto et n’hĂ©site pas Ă  jouer des mĂ©dias, est loin d’ĂȘtre un dangereux gauchiste, mĂȘme s’il aime Ă  se dire «marxiste occasionnel ou libertaire». 

Pourtant, dans son action et ses propos, Varoufakis se montre un économiste classiquement keynésien. Pour preuve, il est l'auteur avec Stuart Holland et James K.Galbraith de Modeste proposition pour sauver la zone euro, qui a été préfacé en France par Michel Rocard. Dans ce livre, ils proposent «de financer par un outil financier commun des travaux d'infrastructures permettant un rattrapage des pays les moins développés». 

Yanis Varoufakis, descend de sa moto, en arrivant aux bureaux du Premier ministre (21 juin 2015). (ANGELOS TZORTZINIS / AFP)

A propos de la crise grecque, il estime que la dette grecque est insoutenable et que la politique d’austĂ©ritĂ© imposĂ©e Ă  son pays est contre-productive. Ce que quasi tous les Ă©conomistes affirment. «Ce qu'ils sont prĂȘts Ă  te donner, ce sont des cordes pour te pendre (extension, rĂ©Ă©chelonnement plus souple des paiements). Tu dois les refuser et demander Ă  la place une Ă©chelle sur laquelle ils pourront eux aussi grimper», avait-il Ă©crit Ă  son prĂ©dĂ©cesseur de droite. Aujourd’hui, gouverneur de la banque de GrĂšce rappelait Le Monde.

«La GrĂšce n’a rien Ă  perdre»
«En 2010, la GrĂšce s'est retrouvĂ©e en faillite, expliquait-il au Monde la veille du scrutin lĂ©gislatif. Et l'Europe a prĂ©tendu que ce n'Ă©tait pas le cas et qu'il s'agissait d'un problĂšme de liquiditĂ©s. l'Europe a mis en place le plus grand prĂȘt de l'Histoire Ă  un pays en faillite, en nous demandant de faire des coupes budgĂ©taires. Cela ne pouvait pas bien se finir.»

Une position sur laquelle il n'a jamais variĂ©, malgrĂ© toutes les concessions qu'il a prĂ©sentĂ©es devant les «institutions», Ă  savoir les crĂ©diteurs du pays. Yanis Varoufakis dĂ©fend l'idĂ©e d'une solidaritĂ© interne qui serait le pendant logique du pacte budgĂ©taire. Ses idĂ©es sont Ă©videmment Ă  l'exact opposĂ© de celles de Wolfgang SchĂ€uble et de sa vision morale de l'Ă©conomie. Yanis Varoufakis dĂ©fend une vision pragmatique et rĂ©aliste, notait Romaric Godin dans La Tribune. Journal dans lequel il disait avant d'ĂȘtre Ă©lu: «La GrĂšce n’a rien Ă  perdre.» 

Il avait rĂ©ussi Ă  se rendre insupportable aux yeux de ses collĂšgues europĂ©ens. Au point que pour arranger les choses, Alexis Tsipras l'avait un temps mis sur la touche lors des sĂ©ances de nĂ©gociations. Il avait alors donnĂ© son opinion, citant Roosevelt, en pleine politique du New Deal, via un tweet dont voici la traduction «Franklin Delano Roosevelt, 1936: "Ils sont unanimes de leur haine pour moi, et je salue leur haine." Une citation proche de mon cƓur (& de la rĂ©alitĂ©) ces jours-ci.»


Une position partagée par le prix Nobel Paul Krugman pour qui les Européens «ont fait à Tsipras une offre qu'il ne pouvait pas accepter, et l'ont sans doute fait sciemment.» D'aprÚs l'économiste, qui s'exprime sur son blog du New York Times, «l'ultimatum (des créanciers) était une stratégie pour remplacer le gouvernement grec», qui appelle à rejeter les conditions des créanciers. 
 
FidÚle à son style, le jour de sa nomination, sur CNN, Varoufakis comparait la zone euro à l'HÎtel California (de la chanson), «dont on ne sort jamais». Aujourd'hui, alors qu'Il n'est plus sûr que ce soit vrai, le ministre au look de Bruce Willis semble toujours populaire dans AthÚnes.
 

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