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Grèce: Panos Kammenos, l'étrange allié de Tsipras

Dimanche 20 septembre 2015, 22h. Alexis Tsipras salue ses partisans à Athènes après sa victoire aux législatives. Arrive sur la scène le patron du parti Anel. Les deux hommes tombent dans les bras l’un de l’autre. Le signe que Syriza a décidé de reconduire la coalition qu’il avait formée en janvier 2015 avec Panos Kammenos. Mais qui est ce leader que l’on a du mal à classer.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
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Alexis Tsipras et Panos Kammenos, le dimanche 20 septembre au soir après la victoire de Syriza, symbolisent le renouvellement de leur alliance. (Ayhan Mehmet / ANADOLU AGENCY)

«Mariage de la carpe et du lapin», disait Libération à propos de cette coalition entre un parti venu de l'extrême gauche et un homme venu de la droite la plus classique. Déjà en janvier, la décision d'Alexis Tsipras de former une coalition avec Panagiotis Kammenos, leader des Grecs indépendants (Anel, en grec) avait surpris. Aujourd'hui encore, la gauche officielle européenne regrette la reconduction de cette alliance au détriment de son représentant disqualifié en Grèce, le Pasok.

Economiste et francophone
A 50 ans, Panagiotis Kammenos est un poids lourd de la politique grecque. Il était déjà le ministre de la Défense du précédent gouvernement Tsipras, à qui il a apporté les voix nécessaires pour s’assurer une majorité au Parlement. 

Economiste, francophone – il a fait des études en France –, venu de la Nouvelle Démocratie, Panos Kemmenos n’est pas un homme de gauche. Mais le personnage est complexe.

Elu sans interruption depuis 1993 député ND, puis ministre dans les gouvernements conservateurs, il a été exclu de sa formation pour avoir refusé de voter la confiance au gouvernement Papadimos (gouvernement d’union nationale) sur un programme d’austérité demandé par la Troïka en 2011.

Après son départ de Nouvelle Démocratie, Panos Kammenos a fondé le mouvement politique Grecs Indépendants, mouvement qui se positionne contre l'austérité et refuse la tutelle de la Troïka.

Symboliquement, son mouvement a été lancé dans le village grec de Distomo, l’Oradour-sur-Glane grec, dont la population avait été massacré par les nazis en 1944.

Nationaliste, il n’hésite pas à se promener dans les couloirs de la Vouli (le Parlement) en tee-shirt barré du slogan «La Grèce n'est pas à vendre» ou à pourfendre l’idée que la Macédoine puisse porter ce nom censé appartenir à l’histoire grecque.

Au niveau européen, les Grecs indépendants ont fait alliance avec les Francais de Debout la République de Dupont-Aignan ou les Anglais de Ukip.


Tout a été fait pour discréditer son image. Il a été accusé d’antisémitisme pour avoir affirmé que «les bouddhistes, les juifs et les musulmans ne payaient pas d’impôts», contrairement à l’église orthodoxe, qui «risquait de perdre ses monastères». Une phrase qu'il fallait remettre dans le contexte des débats sur la taxation des biens de l'église orthodoxe. Il a aussi été accusé de malversations sans que ces accusations ne débouchent sur une affaire judiciaire. 

Malgré les critiques, cet homme de droite, ex-apparatchik de la ND, a validé des réformes voulues par Syriza. Notamment sur des thèmes éloignés de la droite comme la sécurité (libérations de détenus) ou l'immigration, avec une évolution du code de la nationalité. 

En tant que ministre de la Défense, il a signé un accord historique avec Israël. Une entente juridique mutuelle permettant aux forces armées d’Israël de stationner en Grèce, et inversement. 

Alors que les dissidents de gauche de Syriza ont été battus aux législatives en n'obtenant aucun siège, la stratégie d'alliance de Kammenos a payé. Il apporte ses 10 députés à Syriza pour constituer une nouvelle majorité. Le mariage de la carpe et du lapin va pouvoir continuer.

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