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Dette : le bras de fer entre Athènes et Berlin réveille les histoires du passé

Le nouveau Premier ministre, Alexis Tsipras, entend obtenir une renégociation de la dette grecque. L’Allemagne, principal créancier à hauteur de 60 milliards d’euros, ne veut plus sortir son carnet de chèques. Le bras de fer entre Berlin et Athènes fait ressurgir un contentieux qui remonte à l'occupation allemande.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le nouveau Premier ministre grec alexis Tsipras s'adresse à ses partisans le soir de sa victoire, le 25 janvier 2015. (photo de Kostis Ntantamis/NurPhoto)

 
Epuisés par les licenciements et la baisse des salaires, les Grecs ont de nouveau dit non à la politique d'austérité prônée par Bruxelles et Berlin. Les réductions dans les dépenses publiques imposées depuis cinq ans à la Grèce ont échoué. Elles ont plongé le pays dans la récession et la pauvreté, aggravant un peu plus l’endettement du pays (+30% depuis 2010). 

L'Allemagne exclut un nouvel allègement de la dette grecque. «Un rééchelonnement est possible mais la Grèce doit respecter ses engagements. Tout défaut sur la dette aurait un coût pour les Etats et les contribuables européens» déclarait Marianne Kothe porte-parole du ministère allemand des Finances. Même fin de non-recevoir à la Banque Centrale Européenne : «Une restructuration des titres de la dette grecque est impossible selon les règles de notre institution», affirme Benoit Coeuré membre du directoire de la BCE.

Athènes (Grèce), janvier 2015. Slogans contre la dette et le FMI dans une rue.  (AFP PHOTO/LOUISA GOULIAMAKI)

Histoire : une mémoire douloureuse
Excédés par l’inflexibilité allemande, les Grecs n’hésitent plus à ressortir les histoires du passé. Le premier geste d'Alexis Tsipras, au lendemain de son élection, a été de déposer une gerbe au mémorial de la résistance grecque. Le leader du parti Syriza a évoqué à plusieurs reprises le pillage en 1941 des stocks d’or de la Grèce par la Wehrmacht. Un impôt forcé de 476 millions de reichsmarks au titre de l’effort de guerre, jamais remboursé par l'Allemagne.

Un argument repris cette semaine par Jean-Luc Mélenchon fondateur du Parti de Gauche : «Les Allemands ont occupé la Grèce et lui ont fait payer des frais d'occupation... Alors, si vous voulez que la Grèce paye sa dette, les Allemands doivent payer la leur». Daniel Cohn-Bendit devant le Parlement européen en avril 2012 ne disait pas autre chose. «Les Allemands, qui rechignent à financer un second plan de sauvetage pour la Grèce, devraient se souvenir de tout ce qu'ils ont pillé dans ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale (...)», affirmait l'ancien député européen. Il ne faut pas oublier que l'économie allemande a bénéficié après guerre de l'annulation de la moitié de sa dette. Un accord signé à Londres en 1953 qui a permis une reconstruction rapide de la RFA.   

Mémorial de Kaisariani (Grèce), le 26 janvier 2015. Alexis Tsipras dépose une gerbe en mémoire des 200 résistants communistes grecs exécutés par les nazis en mai 1944.

 (AFP PHOTO / INTIME NEWS / CHALKIOPOULOS NIKOS)

Le réel et la vertu
Un bras de fer oppose deux visions de l’Europe. Pour l'éthique protestante allemande, Athènes paye son dilettantisme passé: «La Grèce n' a-t-elle pas maquillé ses comptes pour rentrer dans la zone euro. La Grèce doit payer, elle s'est engagée à rembourser ses prêts à la Troïka», affirmait au lendemain de la victoire de Syriza la presse allemande. Cette vision punitive ne passe plus à Athènes. Le peuple grec a déjà payé un lourd tribut aux erreurs du passé : chômage, pauvreté, récession.

Alexis Tsipras laisse entendre qu'il peut se passer de l'aide internationale, il affirme vouloir lutter contre la corruption et la fraude fiscale pour financer son programme social. Augmentation du salaire minimum, un treizième mois pour les petites retraites, fin des coupures d'électricité imposées aux ménages. Syriza s' engage à combattre une certaine oligarchie grecque (pas seulement les armateurs), qui à développé une aversion pour l’impôt et cache son argent dans les banques suisses. Cela ne sera sans doute pas suffisant.

La vertueuse Allemagne, grande bénéficiaire du marché unique européen, demande à la grèce de poursuivre ses efforts pour assainir ses finances publiques. Pas seulement une question de principe et de «morale», Berlin redoute qu'une défaillance grecque ne donne des idées à d’autres pays. L’Espagne, par exemple, où le parti Podemos, réclame lui aussi une remise des dettes privées et publiques. Une dure négociation commence, elle pourrait se finir par une explosion la zone Euro.

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