A Paris, Duflot, Mélenchon et le PCF rêvent d'un Syriza à la française
Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent ou encore Cécile Duflot étaient réunis lundi pour un meeting de soutien au parti anti-austérité grec, en passe d'accéder au pouvoir à Athènes.
L'image est inédite. Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste, mais aussi l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot et l'eurodéputé socialiste Guillaume Balas, réunis lundi 19 janvier à Paris pour applaudir debout l'eurodéputé George Katrougalos, membre de Syriza, le parti anti-austérité en passe de remporter les élections législatives en Grèce organisées dimanche.
Avant le discours de clôture de l'invité vedette du soir, tous se sont relayés sur la scène du gymnase Japy, dans le 11e arrondissement, pour louer "l'espérance" que fait naître chez les gauches européennes le parti d'Aléxis Tsípras. Crédité dans les sondages de 3 points d'avance sur la droite du Premier ministre sortant Antónis Samarás, le parti a réussi à fédérer la quasi-totalité de l'opposition de gauche aux mesures de rigueur prises par Athènes depuis 2010.
Duflot se "sent à sa place"
Moins chaleureusement accueillie par le public que les autres orateurs au moment de monter sur scène, Cécile Duflot veut croire que l'ascension de Syriza en Grèce, comme celle des anticapitalistes de Podemos en Espagne, peut "forger une voie pour un espoir en France". "Bien sûr, il y aura des débats entre nous", lance celle qui était encore dans les rangs du gouvernement il y a un an, tout en assurant se "sentir à [sa] place". "Mais nous devons faire bouger les lignes pour faire naître une nouvelle politique", conclut-elle, sans oublier de rappeler que les écologistes grecs se sont alliés à Syriza.
Avec sa fougue habituelle, Jean-Luc Mélenchon ne dit pas autre chose. Sous des applaudissements nourris, il évoque son désir que la victoire annoncée de Syriza entraîne un "grand élan, qui permettra de renverser la table à Athènes, à Madrid, et à Paris !" Au fond de la salle, derrière les caméras qui retransmettent l'évènement sur internet, Polo, militant communiste de 44 ans, semble convaincu. "Un succès de la gauche en Grèce peut créer un appel d'air important ici", assure-t-il, appuyé sur son drapeau du PCF. "Regardez ce soir : il y a des socialistes, des Verts… Je suis heureux de voir que tous ces gens se retrouvent autour d'une alternative à la politique de rigueur que l'Europe impose en Grèce, mais aussi en France."
"Des ouvriers de la dernière heure"
Sur l'estrade, l'eurodéputé PS Guillaume Balas lui répond indirectement. "Au printemps dernier, j'ai répété durant toute la campagne des européennes que l'austérité n'était pas la solution", raconte ce proche de Benoît Hamon, qui comprend que sa présence "en étonne certains". "Mais une fois élu, on m'a dit que nous n'avions pas le choix, que nous étions minoritaires, et donc alliés avec nos adversaires, s'excuse-t-il presque. Mais de qui suis-je le plus proche ? De ceux dont on m'explique aujourd'hui qu'ils sont nos alliés au niveau européen, ou de ceux qui disent ce que je racontais lorsque j'étais en campagne ?"
Mais si Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche, souffle dans un sourire à un journaliste du Monde qu'il voit défiler sur la scène "le futur gouvernement de la France", dans la salle, les militants ne semblent pas tous emballés par l'alliance rouge-verte-rose qui s'affiche au premier rang. "J'ai un peu l'impression de voir des ouvriers de la dernière heure", confesse, gênée, Françoise. Derrière son comptoir du Parti communiste des ouvriers de France, allié du Front de gauche, cette militante de 64 ans se dit "contente de constater que certains soutiennent aujourd'hui la lutte contre l'austérité". Mais elle n'arrive pas à chasser de son esprit "l'idée qu'ils ont contribué à sa mise en place".
L'alliance rouge-verte, "un créneau à 15%"
Les formations réunies dans ce lieu historique de la gauche parisienne ont, en tout état de cause, encore du chemin à parcourir avant de réaliser la synthèse qu'a su trouver Syriza. Dans les colonnes du Monde (article abonnés), le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé ne cache pas ses doutes sur la stratégie de rapprochement avec le Front de gauche adoptée par Cécile Duflot. "C'est un créneau à 15% [d'intentions de vote]. Les idées sont intéressantes, mais il n’y a pas de débouchés", affirme-t-il.
L'intéressée elle-même ne semble pas complètement à l'aise au moment de monter une dernière fois sur la scène. Après avoir applaudi et salué sur Twitter le "beau moment de politique transnationale" offert par l'eurodéputé George Katrougalos, l'ancienne ministre s'éclipse discrètement du gymnase Japy. Jean-Luc Mélenchon la cherche du regard pour la dernière photo de famille, avant de se retourner vers ses partenaires de toujours. Ce soir-là, L'Internationale se chante sans elle.
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