Une chauve-souris à la tête de la Commission européenne ?
Je dis « celui » car à priori aucune femme ne postule à ce poste suprême. La rumeur a laissé courir le bruit que Christine Lagarde, l’actuelle directrice générale du FMI, pourrait être désignée. Elle a fait flop.
Il y a aujourd’hui trois postulants : un Français, Michel Barnier, l’actuel Commissaire européen en charge du marché intérieur et des marchés financiers. Un Luxembourgeois, Jean-Claude Juncker qui fut le Premier Ministre de son pays pendant plus de 18 ans et un Letton, Valdis Dombrovskis, ancien Premier Ministre lui aussi.
Un retournement de dernière minute n’est pas à exclure mais il semble que Jean-Claude Juncker ait toutes les chances de remporter la bataille.
Michel Barnier a pour lui d’être très impliqué dans l’Union européenne et depuis longtemps. Il n’est pas le benêt décrit un jour comme tel par Jean Quatremer. Il fait partie de ceux que le microcosme journalistique et politique considère comme des « besogneux normaux » avec un total mépris en oubliant qu’on a besoin de ces besogneux pour faire avancer les dossiers contre vents et marées. Il vient ainsi de mener de main de maître la création de l’Union bancaire européenne ; Il fut Ministre de l’agriculture sous Nicolas Sarkozy et la PAC, la principale Politique commune n’a plus de secret pour lui ; Il fut également Ministre des Affaires étrangères du temps de Jacques Chirac et a du gérer le Référendum sur le Traité européen de 2005… et son échec.
Voilà pour ses qualités. Ses défauts sont plus nombreux aux yeux de ses pairs, y compris Français. Il parle mal les langues étrangères ce qui risque de le gêner pour faire campagne ailleurs qu’en France. Il est tellement pro-européen qu’il en devient « langue de bois ». Un handicap dans les futurs débats avec son adversaire socialiste, le bouillant Martin Schulz. Il a surtout le défaut d’être… Français ! Et donc, mal ou peu soutenu par ses compatriotes de l’UMP. Ne parlons même pas du casse-tête qu’il représenterait pour François Hollande en cas de victoire du PPE. Pensez donc : le Président de la Commission européenne est forcément un Commissaire choisi par son gouvernement. Dur pour le Président de la République de le désigner, non ?
Jean-Claude Juncker a pour lui un atout maître dans sa manche : il est soutenu par Angela Merkel, la Chancelière allemande qui règne sur la toute puissante CDU et qui fait la pluie et le beau temps au PPE pourtant dirigée désormais par un Français, le député européen Joseph Daul. Oubliées les rumeurs autour du goût pour l’alcool de Monsieur Juncker, oublié le fait qu’il a maintenu son pays parmi le groupe maudit des paradis fiscaux, oubliée sa relative inaction à la tête de l’Eurogroupe au plus fort de la crise. Ceux qui le défendent privilégient son grand savoir-faire à la tête du Luxembourg, sa connaissance parfaite des rouages des Institutions européennes, sa bonhomie et ses qualités de diplomate nécessaires pour faire avancer une Union européenne qui ne marche que par consensus (compromis diront certains).
Jean-Claude Juncker a surtout l’avantage d’être une chauve-souris, avance l’un des cadors du PPE. Allemands avec les Allemands. Français avec les Français. Rappelez-vous la fable de La Fontaine, celle de la chauve-souris et des deux belettes. Le mini vampire dit à la belette qui aime les souris : « Je suis oiseau, voyez mes ailes » et obtient la vie sauve. Il dit ensuite à la belette qui croque les oiseaux : « Je suis souris : vivent les rats » et sauve sa peau une deuxième fois. Etre frère des deux frères ennemis peut s’avérer précieux c’est sûr ! Seul bémol : la dérive schizophrène guette…
A l’heure qu’il est, on ne sait pas encore si le PPE réussira à éviter une bataille entre les deux hommes et à élire par acclamations un seul et unique candidat comme l’a fait il y a plusieurs mois le groupe socialiste avec Martin Schultz. On imagine que Michel Barnier fait monter les enchères auprès d’Angela Merkel pour obtenir quelque chose en échange de son désistement. Rien n’est en fait moins sûr. Les Savoyards ont un sacré sens de l’honneur.
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