Sommet européen à Bruxelles : "La fracture Est-Ouest est redevenue importante", selon un spécialiste des questions de politique européenne
Le professeur Lequesne cite en exemple la position des uns et des autres sur la loi hongroise ciblant la communauté LGBT inscrite à l'ordre du jour des 27.
Un sommet européen a débuté jeudi 24 juin à Bruxelles. Invité de franceinfo, Christian Lequesne, professeur à Science Po Paris, spécialisé dans la politique européenne, souligne que "la fracture Est-Ouest est redevenue importante". Il ajoute, en référence à la récente loi hongroise discriminant la communauté LGBT, que l'"on voit bien qu’à l’exception des pays baltes, aucun des pays d’Europe centrale et orientale n’a soutenu la déclaration contre la Hongrie". C'est à l'aune de ce contexte que plusieurs autres sujets importants seront abordés. Ainsi, selon Christian Lequesne, il s'agira de "réflechir au passage le 1er juillet au certifcat sanitaire commun", à la "question de ce variant Delta", à celle de "la migration en Italie", au "plan de relance" et "au sujet de la Turquie, puis de la relation avec Poutine".
franceinfo : Quels sont les sujets qui fâchent qui seront abordés lors de ce sommet européen ?
Christian Lequesne : Il va y avoir plusieurs sujets à aborder. Le premier, ce sera bien évidemment le Covid. Il va falloir réfléchir au passage le 1er juillet au certificat sanitaire commun, qui permettra aux Européens de circuler à travers les frontières. Il y a aussi la question de ce variant Delta, qui pose le problème de la réouverture de la circulation, notamment aux personnes provenant de Grande-Bretagne. Il y a également la question de la migration en Italie, et puis il y aura le plan de relance, puisque madame Von der Leyen (présidente de la Commission européenne) est allée dans les États membres et a validé les plans nationaux. À travers la migration, vous avez le sujet de la Turquie et puis la question de la relation avec Poutine qui s’est sérieusement détériorée depuis l’annexion de la Crimée en 2014.
Est-ce-que les dirigeants européens vont parler aux dirigeants hongrois de cette loi décrite comme discriminatoire envers les personnes de la communauté LGBT ?
Tout à fait. Charles Michel, le président du Conseil européen, a inscrit cette question à l’ordre du jour. Il y a déjà 17 États membres qui ont signé une déclaration, dont la France, dénonçant le caractère grotesque de cette loi qui est en train d’être votée à Budapest. Pour faire court, elle consiste à considérer qu’il n’y a pas de différence entre homosexualité et pédophilie.
"On est face à cette provocation permanente d’Orban (Premier ministre hongrois) qui est à l’origine d’une véritable révolution réactionnaire. Son but est de contester toutes les avancées et les valeurs libérales qui sont promulguées par l’Union européenne."
Christian Lequesne, professeur à Science Po Parisà franceinfo
Elle pourrait prendre des sanctions d’après les textes, puisqu’un fameux article dans les traités permet de bloquer les droits de vote de la Hongrie, mais les conditions de cette décision sont telles qu’il faut l’unanimité. On ne peut jamais arriver au bout du processus. Ce que l’on peut faire, c’est simplement dénoncer. C’est ce que les Anglais appelaient le blaming and shaming, c’est-à-dire porter sur la place publique haut et fort la question pour dire que l’on ne partage absolument pas cette approche. Il ne faut pas oublier que les États de l’Union européenne sont souverains, donc là, il s’agit du droit national, mais qui est quand même en contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Avons-nous aujourd'hui des Europe irréconciliables au sein de l'Union européenne ?
Irréconciliables, je ne sais pas. Mais, je pense que la fracture Est-Ouest est redevenue importante. On voit bien qu’à l’exception des pays baltes, aucun des pays d’Europe centrale et orientale n’a soutenu la déclaration contre la Hongrie. À l’égard de la Russie et de la Chine, on n’a pas toujours sur les mêmes positions. Le retour de Joe Biden va paradoxalement creuser les différences entre ceux qui voudront se réaligner sur la politique transatlantique et ceux au contraire qui, comme la France, parlent de souveraineté européenne. Mais ce n’est pas nouveau, ça fait des années que c’est comme ça.
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