Scrutin européen: un processus électoral complexe
L’affaire désole les pro-Européens. En 1999, le taux de participation pour les élections au PE est passé sous la barre des 50 %. Parmi les anciens pays membres, c’est au Royaume-Uni qu’on enregistre le plus faible chiffre : 34,5 % en 2009 (contre 38,5 % en 2004). Et dans les nouveaux (depuis l’élargissement de 2004), le record de faible déplacement des électeurs est détenu par la Slovaquie avec 19,6 % ! L’Hexagone se situe dans la moyenne : on est passé de 60,71 % en 1979 à 40,63 % en 2009.
Difficile de fournir une explication clef en main dans la mesure où les contextes nationaux déteignent largement sur les résultats. Ainsi, outre-Manche, on connaît l’europhobie d’une partie de l’opinion, chauffée à blanc par certains journaux. A tel point que le Premier ministre conservateur, David Cameron, a décidé d’organiser, d’ici à 2017, un référendum sur la participation de son pays à l’UE.
La complexité du processus électoral
Le mode de scrutin, les circonscriptions, les conditions d’éligibilité restent déterminés par pays. Dans la plupart des Etats membres, les élections sont organisées dans une unique circonscription nationale. Mais en Belgique, en Irlande, en Italie et au Royaume-Uni, elles le sont au niveau régional.
En France, le scrutin est interrégional. Avant 2003, il avait lieu au sein d’une seule circonscription nationale. Mais depuis cette époque, il est organisé dans huit entités regroupant plusieurs régions : Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Massif central-Centre, Ile-de-France, Outre-Mer. Objectif affiché : assurer un lien rapproché entre les votants et les élus. Mais ce faisant, le législateur a parfois regroupé des régions qui n’ont pas forcément grand chose à voir entre elles. «Ces ‘‘grandes régions’’ restent des regroupements artificiels, sans cohérence d’aucune sorte. Le ‘‘lien’’ entre l’électeur et l’élu est inexistant», constate Le Monde. Dans le même temps, le système «favorise (…) les ‘‘grands’’ partis».
Revenu au pouvoir avec François Hollande en 2012, les socialistes avaient décidé d’abandonner ce système. Mais dans un climat défavorable pour eux, ils ont préféré y renoncer de crainte de «nationaliser» le scrutin. La réforme pour simplifier l’ensemble a donc été renvoyée aux calendes grecques.
Un enjeu qui reste national
Mais la complexité du système électoral et l’opportunisme électoral national n’expliquent pas tout. «A partir du moment où les modes de scrutin, les listes et les circonscriptions régissant les élections européennes sont nationales, ces dernières ne peuvent porter que sur des enjeux nationaux», analyse dans Le Monde Christian Lequesne, directeur du Centre d’études des relations internationales (CERI) à Sciences Po. En clair, rien n’est fait pour faire du scrutin un enjeu proprement européen, commun à tous les citoyens de l’Union.
Pour Christian Lequesne, le scrutin devrait donc «être organisé autour de listes plurinationales, obligeant les partis politiques à présenter des candidats de plusieurs pays, dans des circonscriptions qui seraient elles-mêmes plurinationales».
Le système institutionnel ne facilite pas les choses. «L’Europe n’est pas un régime politique organisé autour du principe majoritaire. Il n’existe pas à Bruxelles de vrai gouvernement de l’Europe qui serait soutenu par une majorité clairement identifiée au sein du Parlement européen», poursuit le spécialiste. Dans ce contexte, il est difficile «pour les électeurs de s’identifier à des enjeux européens lors de l’élection» au PE. .
Des institutions européennes peu lisibles
Visiblement, le système politique de l’UE n’a pas encore été assimilé par les différentes cultures politiques nationales. On pourrait formuler les choses de manière plus directe en estimant que l’ensemble des institutions de l’UE est perçu comme peu lisible par les citoyens de l’UE. Peu lisible et, là encore, complexe.
Conséquence : les opinions des 28 pays membres perçoivent mal le rôle du Parlement. Comment expliquer simplement à l’opinion le principe de «codécision» entre PE et Commission quand cette dernière est incapable de l’expliquer… simplement ? De ce point de vue, la lecture de son site est édifiante ! La «codécision», appelée «procédure législative ordinaire» ( !), concerne «plus de 80 domaines relevant du premier pilier», précise ainsi le site. Une explication de texte s’impose…
Dès lors, on comprend mieux le décalage entre les préoccupations des électeurs et le travail quotidien des eurodéputés. Comme l’expliquait la Fondation Robert Schuman (citée par L’Express) après le scrutin de 2009, «les enjeux politiques n’ont pas été suffisamment mis en avant, beaucoup d’électeurs ne percevant pas le lien entre leur vote et la politique européenne».
Autre problème : le Parlement de Strasbourg semble n’avoir qu’un pouvoir limité. Ainsi, le président de la Commission est choisi par les chefs d’Etat et de gouvernement «en tenant compte» du scrutin européen, en vertu du traité de Lisbonne. Il n’est donc désigné que très indirectement par les électeurs…
Pas de pouvoir, le Parlement ? Posez donc la question à Gérard Onesta, ancien vice-président français de l’institution ! «Aujourd’hui, tous les problèmes sont globaux : la délocalisation et le dumping social, l’environnement… Quand on est candidat à l’Assemblée à Paris, on se garde bien de dire que deux tiers du travail d’un député français consistent à mettre à la sauce nationale des directives venues de Bruxelles (et discutées notamment à Strasbourg, NDLR). Ce n’est plus la France qui décide ! On cache combien l’UE surdétermine notre quotidien», répond-il.
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