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Quitte ou double ?

On peut parier que le débat entre les candidats aux élections européennes portera essentiellement sur cette question : « faut-il plus ou moins d’Europe ? ». Quitte ou double ? Dans la réalité, il n’y a probablement déjà plus de marge de manœuvre. L’intégration européenne avance en marche forcée. La preuve... par le foot !
Article rédigé par Véronique Auger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Pillule bleue ou pillule rouge ?

Longtemps le foot est resté une aimable compétition durant laquelle les peuples s’écharpaient via leurs équipes nationales. Depuis 20 ans tout a changé. En France par exemple, le foot fait maintenant vivre 25.000 personnes dans 40 clubs professionnels. C’est une activité économique à part entière et en tant que telle doit être régulée par la Cour de Justice européenne… Et oui ! La Cour vérifie si le jeu de la concurrence entre les équipes n’est pas faussée et si la libre circulation des joueurs est réelle (d’où l’arrêt Bosman en 1995).
 
Depuis 2007, l’Union européenne a encore accentué son pouvoir sur le foot professionnel.
Peu de gens le savent (et encore moins les supporters) mais, grâce à l’article 165 du Traité de Lisbonne la Commission européenne possède désormais des compétences en matière de régulation des sports. Et comme toute institution à qui on donne un pouvoir, elle s’est empressée de s’en servir. Elle a déjà sorti un livre blanc sur le sport en général et elle se penche actuellement plus précisément sur le foot.
 
En collaboration avec l’UEFA, elle s’apprête, qu’on le veuille ou non, à mettre un peu plus son nez dans l’organisation de la planète foot en Europe. Les plus anti Européens tenteront de faire croire qu’on peut l’en empêcher. Il est probablement déjà trop tard tant les dérives ont conduit le système au bord de l’implosion.

L'UEFA gère et développe le football à l'échelon continental. (SportBusiness)

 
Première dérive : chaque pays d’Europe applique encore ses propres règles à ses clubs de foot. Ainsi les Britanniques sont très libéraux et les Français imposent la réglementation la plus stricte d’Europe. Résultat : certains clubs richissimes sont capables de s’acheter les meilleurs joueurs. Une possibilité qui, non seulement remet en cause le suspens des matchs et cette « glorieuse incertitude » qui plaît tant aux spectateurs et téléspectateurs mais aussi nuit à cette fameuse concurrence, dogme européen.
 
Deuxième dérive : Les chiffres d’affaire des clubs explosent, leurs dettes aussi. « Nous sommes rentrés dans une bulle spéculative » affirme Philippe Diallo, Président de l’Union des clubs professionnels de foot. Les chiffres avancés par Pim Verschuuren, chercheur à l’IRIS, parlent d’eux-mêmes : depuis 1995, le nombre des transferts de joueurs en Europe a été multiplié par 3 pour une valeur multipliée par 7. Il y a maintenant 665 clubs dans l’Europe du foot (53 pays). Leur chiffre d’affaire a augmenté de 42% entre 2006 et 2010 mais les 2/3 perdent de l’argent. Et beaucoup : 7, 8 milliards d’euros en 2011, d’après Frédéric Bolotny, consultant en économie du sport. On peut se faire beaucoup d’argent et vite et le secteur attire maintenant les fonds d’investissement. Certains achètent même des parts de joueur. La Commission européenne, échaudée par les dernières crises financières n’a pas envie d’en affronter une autre d’un type totalement inconnu.
 
Troisième dérive, enfin : la gangrène de l’argent sale investit le secteur notamment via les paris sportifs sur internet. Les clubs connaissent de plus en plus de difficultés pour payer leurs joueurs les mieux rémunérés et les risques de matchs truqués s’aggravent. Là encore la Commission européenne peut agir.
 
J’aurai pu présenter le même schéma dans de tout autre domaine comme les télécoms, par exemple. A l’heure où nos opérateurs s’écharpent sous le regard de l’Autorité nationale de régulation c’est une Autorité européenne de régulation du secteur qui est en marche. Même chose dans le secteur de l’aérien etc, etc. L’Européanisation de l’organisation de l’économie semble inéluctable. Si les états ne l’anticipent pas elle risque d’être incontrôlable et donc antidémocratique.

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