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Pourquoi la Grèce doit de l'argent à la BCE ?

La Grèce doit a remboursé ce jeudi 3.2 milliards d’euros d’obligations à la BCE. Théoriquement la banque centrale ne finance pas les déficits des Etats. Un principe battu en brèche depuis la première crise grecque de 2010 qui lui a rapporté de l'argent.
Article rédigé par Marie Viennot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (La BCE est l'un des principaux créanciers de la Grèce © Reuters/Yiannis Kourtouglou)

A l’origine était… le déficit

Quand les Etats ont des dépenses supérieures à leurs recettes, ils empruntent la différence sur les marchés financiers. Comment ? En émettant des bons du trésor (aussi appelé obligations souveraines ou titres de dette) que les marchés financiers (investisseurs, assurances, banques, fonds de pension, fonds d’investissement) vont acheter lors d’une procédure qui s’apparente à des enchères.

Les investisseurs ont alors deux possibilités. Soit ils gardent le bon du trésor jusqu’à la fin. Dans ce cas, ils touchent les intérêts chaque année, et en août 2015 (pour reprendre notre exemple), ils récupèrent ce qu’ils ont prêté (qu’on appelle le principal).Soit ils revendent le bon du trésor sur ce qu’on appelle le marché secondaire, c’est-à-dire une sorte de marché de l’occasion des bons du trésor. Celui qui rachète peut à son tour revendre le bon du trésor en question ou le garder. Si la santé financière de l’Etat ou la perception de sa santé financière (car en finance les croyances sont plus fortes que les faits) s’est améliorée entre la première vente et la revente, il y a des chances que le bon du trésor se vende plus cher. Dans ce cas, le premier acheteur fait un bénéfice. Si au contraire, sa situation financière s’est dégradée, le bon se vendra moins cher. Voilà pourquoi il est possible de spéculer sur ces titres de dette.

Pourquoi la BCE a des obligations grecques ?

En mai 2010, la crise avait déjà commencé pour la Grèce et elle devenait contagieuse. Les pays affectés par la crise financière de 2008 faisaient peur aux investisseurs privés ; les "PIGS" comme on les surnomma (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) avaient de plus en plus de mal à vendre leurs titres de dette aux marchés financiers pour financer leur déficit. Parallèlement tous les investisseurs cherchaient à vendre les bons du trésor de ces PIGS qu’ils avaient achetés auparavant, leur cours s’effondrait sur le marché secondaire, et cela faisait bondir les taux d’intérêt auquel ces pays pouvaient alors emprunter.

Securities Markets Program : une petite révolution

En mai 2010, la BCE lance alors le programme, intitulé SMP : Securities Markets Program. Le programme SMP fit grand bruit dans le monde de la finance. Il permettait à la BCE d’acheter des titres de dette des Etats de la zone euro : façon d’éviter l’effondrement de leur valeur sur les marchés. Même si ces titres n'étaient pas achetés directement aux Etats, mais sur le marché secondaire, cette pratique s'apparentait à un financement indirect du déficit des Etats. Les circonstances l'exigeait, se défend encore aujourd'hui la BCE, mais ce faisant, elle a tout de même eu une interprétation très large des traités, ce que l'Allemagne a peu apprécié.

La BCE a toujours entretenu un certain secret autour du programme SMP, cela faisait partie de sa stratégie. Si elle avait dit quels pays elle aidait et quand, les marchés financiers auraient pu spéculer sur la dette de ce pays. La BCE a utilisé le programme SMP pour d’autres pays que la Grèce, mais elle n’a jamais précisé quand et combien exactement elle avait acheté pour chaque pays. La BCE détient aujourd’hui 23 milliards d’obligations grecques.

La BCE a fait des profits avec la Grèce

Les titres de dettes comportent un taux et une maturité. Le taux fixe les intérêts que touchera le prêteur. La maturité détermine le moment où l'emprunteur devra rembourser le "principal" c'est à dire le montant du prêt qui a été consenti. C’est le principal que la Grèce a remboursé ce jeudi : 3.2 milliards d’euros.

Cependant, comme tout possesseur de bons du trésor, la BCE a touché des intérêts sur la dette grecque. De source proche de la BCE, on estime que ces bons du trésor grecs ont rapporté plus de deux milliards d’euros par an en intérêt les trois premières années. 

Le 27 novembre 2012, l’Eurogroupe a décidé que ces intérêts seraient reversés à la banque centrale grecque à partir de 2013. Cette décision faisait partie d’un ensemble plus large de mesures destinées (déjà) à rendre la dette grecque soutenable. 2 milliards 98 millions d'euros ont ainsi été versé à la Grèce pour les intérêts de 2013, dont 450 millions par la France à lire la page 9 du Bleu budgétaire de la mission: Participation de la France au désendettement de la Grèce. En revanche, pour les intérêts touchés en 2014, le paiement n’a pas encore eu lieu.

D’autres remboursements à venir

La BCE est le troisième créancier de la Grèce, derrière le Fonds Européen de Stabilité Financière et les Etats de la zone euro qui ont accordé des prêts bilatéraux à la Grèce.

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Les premières échéances qu’Athènes doit rembourser au FESF ne sont qu’en 2023. En revanche, c’est dans les cinq années à venir que les obligations détenues par la BCE arrivent à maturité (et doivent donc être remboursés). La BCE a donc un rôle clef dans de futures négociations sur la restructuration de la dette grecque. 

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