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Pourquoi l'accord du sauvetage de la zone euro est incomplet

Si les dirigeants de la zone euro sont parvenus à trouver un terrain d'entente jeudi 27 octobre au petit matin, de nombreuses questions restent en suspens.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président du Conseil européen (à dr.), Herman Van Rompuy, et le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso donnent une conférence de presse après le sommet européen le 27 octobre 2011 à Bruxelles (Belgique).  (VIRGINIA MAYO/AP/SIPA)

Les responsables politiques se félicitent, les bourses s'envolent : l'accord obtenu à l'arraché, dans la nuit du mercredi au jeudi 27 octobre à Bruxelles, pour sauver la zone euro, semble ravir tout le monde.

Pourtant, après ces dix heures de négociations, des observateurs pointent les limites du plan européen. Pourquoi ce rendez-vous ne suffira-t-il pas à régler la crise de la dette ? Décryptage.

• Parce que le sort de la Grèce reste incertain

L'accord prévoit de ramener la dette grecque à 120 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2020, soit l'équivalent du niveau italien, contre plus de 160 % actuellement. Pour y parvenir, les banques ont consenti à renoncer à 50 % de leurs créances. Une décote lourde de conséquence pour elles ainsi que pour les caisses de retraite grecques, exposées à la dette.

De plus, cet effort du secteur privé n'est pas suffisant pour soulager la Grèce. Athènes recevra de nouveaux prêts de la part de l'Europe et du FMI à hauteur de 100 milliards d'euros d'ici à fin 2014. Un montant jugé élevé dans le dernier rapport rapport de la "troïka" (constituée de l'Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, les bailleurs de fonds du pays). Pourtant, il ne permettra pas, selon certains, de régler tous les emprunts grecs qui courent jusqu'à 2035.

Pour contribuer à cet effort, la Grèce devra trouver 15 milliards d'euros en procédant à des privatisations, en plus des 50 milliards déjà programmés dans ce cadre, estime le quotidien économique britannique Financial Times. Un objectif jugé difficilement atteignable (article disponible sur inscription)

• Parce que celui de l'Italie est loin d'être réglé

Plusieurs médias qualifient de "vagues promesses" les engagements pris par Silvio Berlusconi lors du sommet pour réduire la dette colossale du pays de 120 % du PIB à 113 % en 2014. Le chef du gouvernement italien ne présentera que le 15 novembre les grandes lignes d'un plan de relance de la croissance, axé sur une libéralisation du marché du travail.

• Parce que les besoins des banques pourraient être plus élevés

Pour compenser la décote de la dette grecque, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) apportera aux banques 30 milliards d'euros de garanties sur ces nouvelles créances.

Au regard de l'effort qui leur a été demandé, les établissements financiers doivent, d'ici au 30 juin 2012, être recapitalisés à hauteur de 106 milliards d'euros. Premières visées : les banques grecques, mais aussi des établissements étrangers comme en France, dont 8,8 milliards sont prévus pour ses banques. Toutefois, les marchés estiment que ces besoins sont nettement supérieurs. Le FMI a lui-même parlé de 200 milliards d'euros.

L'accord prévoit ainsi que les fonds propres des banques atteignent 9 % au 30 juin 2012 et non en 2019, comme cela avait été acté dans les accords de Bâle III. "A un moment où les banques sont fragiles, accélérer leur calendrier de recapitalisation dépasse l’entendement", dénonce Georges Ugeux, PDG de la banque d'affaires Galileo Global Advisors sur son blog

• Parce que le renforcement du FESF paraît insuffisant

Les pays de la zone euro ont décidé de démultiplier la puissance de feu du FESF en la portant à 1 000 milliards d'euros via "un effet de levier". Objectif : inciter les investisseurs à acheter de la dette publique d'Etats fragiles, tout en garantissant une partie de cette dette, une sorte d'assurance-crédit. Un système qui permet à ces pays en difficulté d'emprunter de l'argent à des taux moins élevés.

Mais il n'est pas certain que ces 1 000 milliards d'euros suffisent à rassurer durablement les marchés financiers. Ils attendaient à l'origine le double. Les responsables européens "sont juste très bons pour présenter les choses, mais ils n'ont fait que gagner du temps et les problèmes de dettes sont loin d'être terminés", a estimé Masanobu Ishikawa, de la maison de courtage Tokyo Forex et Ueda Harlow.

• Parce que l'aide des pays émergents reste floue

Autre mécanisme annoncé : un ou plusieurs fonds spéciaux adossés au FMI et destinés à accueillir les contributions de pays émergents comme la Chine et la Russie. Mais le sujet est politiquement très sensible et impossible, en l'état, à chiffrer. Le texte évoque, sans plus de précision, "une coopération encore plus étroite avec le Fonds monétaire international".

Reste une question, soulevée par l'Agence économique et financière : "quelles contreparties les investisseurs souverains, notamment les Chinois, exigeront-ils pour y participer ?"

• Parce que le rôle de la BCE n'a pas été écrit noir sur blanc

Dans le communiqué final du sommet, rien n'oblige la Banque centrale euopéenne à poursuivre son aide à l'Italie et l'Espagne en rachetant leur dette publique sur les marchés. Malgré tout, l'Italien Mario Draghi, qui doit succéder début novembre à Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE, a signifié qu'il poursuivrait sur cette voie. Le rôle de cet organisme dans la crise reste donc à préciser.

• Parce que rien n'a été acté sur la gouvernance économique de l'Europe

Cet "accord sur les outils de gestion de la crise ne répond pas à la question de fond qui mine l'Union européenne : voulons-nous encore vivre ensemble ?", s'interroge l'éditorialiste Nicolas Barré dans Les Echos.

Le pas qui devait être fait vers plus de fédéralisme, comme le souhaitent l'Allemagne et la France, n'a pas été franchi mercredi 26 octobre. Seules décisions prises en ce sens : un sommet de la zone euro organisé deux fois par an et un commissaire européen chargé de la gestion de l'euro.

 

Faut-il en conclure, comme Philippe Mabille que "gagner cette bataille ne suffira pas pour gagner la guerre" ? Comme d'autres, le journaliste de La Tribune attire l'attention sur le fait que la croissance est la grande oubliée de ce sommet, au profit d'une politique d'austérité si chère à l'Allemagne.

Angela Merkel a d'ailleurs promis à son Parlement que tous les Etats membres de la zone euro devraient s’engager à inscrire dans leur Constitution une règle d’or pour freiner la dette. Au risque de s'engager dans une nouvelle récession ?

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