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Pourquoi Ayrault a piqué une colère contre le projet de budget européen

Le budget de l'Europe est colossal : 1 000 milliards d'euros sur sept ans. En période de crise, la présidence du Conseil européen envisage de l'alléger de 80 milliards d'euros, en s'attaquant aux aides agricoles et au développement des régions défavorisées. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre britannique, Nick Clegg, et le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, à l'Hôtel de Matignon, jeudi 14 novembre. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

ECONOMIE – Cette fois, c'est la guerre. Le projet de compromis sur le budget 2014-2020 dévoilé mercredi 14 novembre (et disponible sur le site Euractiv) a déclenché la colère de Jean-Marc Ayrault jeudi. Sur les 1 000 milliards d'euros de dotation sur sept ans, le texte prévoit d'amputer 75 milliards, en s'attaquant notamment aux aides agricoles. Le Premier ministre a réagi par un communiqué (pdf) dans lequel il juge que ce texte ne "constitue en aucun cas une base de négociation acceptable par la France".

Mais les aides de cohésion, qui profitent notamment aux régions défavorisées, pourraient également baisser. Avec les aides agricoles, elles représentent en effet les deux principales dépenses de l'Union européenne.

Répartition des dépenses européennes en 2011. (FRANCETV INFO )

Comme le fait remarquer un proche du dossier à l'AFP, ce projet "tape beaucoup dans la cohésion et dans la Politique agricole commune (PAC), moins dans les politiques pour la recherche et l'innovation, la compétitivité et les dépenses administratives". En clair, il semble épargner des Etats comme le Royaume-Uni ou la Suède, qui militent depuis longtemps pour un budget allégé de 100 à 200 milliards d'euros.

Francetv info revient sur les grands gagnants et les grands perdants du futur budget pluri-annuel européen, alors que les Etats et le Parlement se réunissent les 22 et 23 novembre sur fond de crise. 

Le Royaume-Uni impose la rigueur... mais garde son chèque

Les aides européennes attaquées. "Il nous faut un modèle clair de réduction des subventions agricoles", a jugé la ministre suédoise des Affaires européennes, Birgitta Ohlsson. Pour mener son combat, elle peut compter sur le Royaume-Uni. Selon le gouvernement britannique, les coupes dans le budget doivent atteindre 100 à 200 milliards d'euros pour espérer alléger efficacement la facture. Le nouveau projet ne prévoit "que" 75 milliards de coupes, mais il est déjà bien plus sévère que le document de travail préparé par la présidence chypriote le 18 septembre, qui prévoyait 50 milliards d'économie tout en ménageant les aides agricoles. 

Le Royaume-Uni garde son rabais. Le pays devrait pouvoir conserver son chèque annuel de compensation de 3,5 milliards d'euros, obtenu en 1985 en contrepartie de l'aide agricole versée à d'autres Etats. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, milite en effet pour le maintien de ce "remboursement existant", fait remarquer le site de L'Expansion. Autres bénéficiaires de ce dispositif de compensation, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Suède devraient être épargnés, à l'inverse de l'Autriche.

La France craint pour son agriculture

La France a le plus à perdre... Elle est la première bénéficiaire des aides de la PAC. A elle seule, elle a bénéficié de près de 10 milliards d'euros en 2011. Et pour le gouvernement, il n'est pas question de faire bouger les lignes. Herman Van Rompuy préconise pourtant de diminuer le budget de la PAC de 25 milliards d'euros, dont une part importante sur les aides directes aux exploitants. Mais le ministre français délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, a défendu sa position à l'Assemblée nationale, mercredi 14 novembre : "Nous n'acceptons pas les propositions qui nous sont faites de diminution à hauteur de 25 milliards d'euros de la PAC".

... et tente de contre-attaquer. Certes, la France s'était entendue avec l'Allemagne, le 9 octobre, pour réclamer le maintien des aides agricoles. Elle a également trouvé une oreille attentive chez la Bulgarie. Pourtant, aujourd'hui, elle semble relativement isolée. Mais face au durcissement du Conseil européen, elle monte au créneau. Pour faire pression sur le Royaume-Uni et les contributeurs nets au budget, Bernard Cazeneuve a menacé les adversaires de la PAC : "Nous ne souhaitons pas que ces rabais [accordés à certains pays] se poursuivent parce qu'ils sont une manière de penser antieuropéenne." Cette année, Paris a d'ailleurs signé au Royaume-Uni un chèque de 1 milliard d'euros. Mais dans ces conditions...

Les pays de l'Est font bloc pour la cohésion

Les aides régionales menacées. Ce sont les autres perdants du projet. Car le futur budget ne s'attaque pas seulement aux aides agricoles. Il prévoit également de rogner 29 milliards d'euros sur les fonds de cohésion, qui permettent de financer des projets d'infrastructures dans les régions les moins développées de l'Union européenne.

Les "Amis de la cohésion"se rebiffent. Contrairement à la France, quelque peu isolée sur l'échiquier européen, les pays concernés par cette aide sont nombreux, comme le souligne le site des Echos. Au total, dix-neuf Etats militent pour le maintien de ces aides régionales. Ces "amis de la cohésion" redoutent de servir de "variable d'ajustement" pour les Etats contributeurs nets menés par le Royaume-Uni. Après avoir tenu une réunion mardi 13 novembre à Bruxelles, ces pays espèrent peser dans les discussions, précise le site du Monde. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, doit justement rencontrer Herman Van Rompuy jeudi.

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