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Pologne: retour sur 10 mois de politique ultra-conservatrice

Fort des ses victoires aux élections présidentielle et législatives de 2015, le parti conservateur Droit et Justice, proche de l'Église catholique polonaise, s'est solidement installé à la tête de la Pologne. Retour sur un an de politique aux relents populistes, voire révisionnistes.
Article rédigé par Valentin Pasquier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Beata Szydło, Première ministre de Pologne, accompagnée du chef du parti Droit et Justice, Jarosław Kaczyński, le 9 novembre 2015. (Kacper Pempel / Reuters)

Depuis sa création en 2001, le parti Droit et Justice («Prawo i Sprawiedliwość» en polonais, PiS) est incontournable dans la politique polonaise. Cette formation conservatrice, a longtemps été personnifiée par les jumeaux Lech et Jarosław Kaczyński. Le premier, président de la République de 2005 à 2010, est décédé brutalement dans ses fonctions dans un accident d'avion. Le second, brièvement Premier ministre de son frère, préside toujours aux destinées de PiS.

Un parti omniprésent à la tête de l'État
Absente du pouvoir entre 2007 et 2015, la formation de Jarosław Kaczyński détient à nouveau tous les leviers de commande. Le 6 août 2015, le candidat du PiS, Andrzej Duda, prenait ses fonctions de président, au terme du scrutin le plus serré de l'histoire du pays. Quasiment inconnu avant la campagne, ce quadragénaire a fait l’essentiel de sa carrière politique dans l’ombre de Jarosław Kaczyński, qui avait préféré se retirer de la course pour le soutenir. 
 

Le 14 avril 2016, le président Andrzej Duda (à gauche) assiste à la messe célébrant les 1050 ans de catholicisme en Pologne à Gniezno, en compagne de Beata Szydło (premier plan) et Jarosław Kaczyński (deuxième rang, à droite). (JANEK SKARZYNSKI / AFP)

Trois mois après, le PiS triomphe aux élections législatives et remporte la majorité absolue à la Diète – équivalent de l'Assemblée nationale française -, privant même de sièges la gauche polonaise. La vice-présidente du parti, Beata Szydło, devient alors Première ministre du pays. Les opposants à Droit et Justice accusent cependant Jarosław Kaczyński d'être à l'origine des décisions de l'éxécutif. 
Depuis la formation du nouveau gouvernement en novembre, Varsovie applique une politique visant notamment à réduire la séparation des pouvoirs et à rétablir la morale religieuse. De plus, Droit et Justice dirige la Pologne comme si elle n'était pas membre de l'Union Européenne.

Dix mois après le retour aux affaires du FiS, nous avons dressé leur bilan à la tête de l'État polonais en quatre mesures phares.

 L’autonomie de la justice mise à mal

Date : loi votée le 19 novembre 2015
Les faits : Avant l'arrivée de Duda au pouvoir, les cinq juges du Tribunal constitutionnel avaient tous été désignés par l’ancienne majorité libérale en 2015.
Après son élection, Andrzej Duda aurait dû confirmer leur nomination. Il a attendu la victoire de son parti aux législatives de novembre 2015. Puis, profitant de sa confortable majorité, il a fait voter une nouvelle loi, permettant au Parlement actuel de désigner les juges, censés être indépendants.
Pour le nouvel exécutif polonais, cette juridiction représente un bastion de l’opposition, qui serait décidée à bloquer ses réformes.
Conséquence : La Commission européenne s'est élevée à plusieurs reprises contre cette réforme, craignant pour la séparation des pouvoirs en Pologne. Le 12 janvier, Bruxelles a entamé une «procédure de contrôle d’État de droit». Le 27 juillet, la Commission a donné trois mois à Varsovie pour réviser le fonctionnement du Tribunal constitutionnel. Sous peine de retirer le droit de vote aux Polonais lors des prochains scrutins au sein de l’UE. Malgré ces mises en garde, le président Andrzej Duda a promulgé la loi litigieuse le 30 juillet 2016.




 Un contrôle accru sur les médias polonais

Date: loi votée les 30 et 31 décembre 2015
Les faits : Par cette loi, le nouveau pouvoir a modifié les règles de désignation du Conseil de surveillance des médias publics, et les directions de ces mêmes médias. Désormais, ces dirigeants sont directement nommés par le ministre du Budget et sont révocables selon son bon vouloir. Ils étaient auparavant nommés par un conseil audiovisuel public indépendant.
Les conséquences : Nombre de journalistes critiques vis-à-vis de la ligne politique du PiS ont été licenciés. Le 8 janvier 2016, c'est un proche du PiS, Jacek Kurksi, qui a été nommé président de la Télévision publique polonaise. Le parti Droit et Justice entend faire diffuser des programmes revalorisant les valeurs religieuses et familiales.




 Une nouvelle «politique historique» révisionniste

Date : 21 juillet 2016
Les faits : Le 20 janvier, le ministre de la Culture et du Patrimoine, Jarosław Sellin, a annoncé à la presse vouloir mener une «nouvelle politique historique», basée « sur le fait que ce soit nous qui racontons notre interprétation de l’Histoire (…) La politique historique devrait être offensive et forcer le monde à penser et respecter les Polonais ». Le ministre et a annoncé la création de plusieurs «musées patriotiques» dans le pays.
Les conséquences : l’historien Jarosław Szadek a été élu le 21 juillet par le Parlement polonaiis à la tête de l’Institut national de la mémoire. Le chercheur est connu pour ses positions révisionnistes, notamment sur la responsabilité des Polonais dans le génocide juif pendant la Seconde guerre mondiale. Jarosław Kaczińsky souhaite stopper la réalisation en cours du musée de l’Histoire de la Seconde guerre mondiale à Gdańsk, comme le révèlent nos confrères du Monde. À ses yeux, le projet met trop en avant la libération du pays par les troupes soviétiques en 1945. L'Institut national de la mémoire était connu pour sa vision critique du passé de la Pologne.

Le 10 avril 2010 devant le palais présidentiel, Jarosław Kaczyński assiste à la cérémonie commémorant le sixième aniversaire du crash de Smolensk, au court duquel périt son frère jumeau Lech ainsi que 95 autres personnes. (REUTERS/Kacper Pempel)


 Une taxe sur les groupes étrangers de supermarchés

Date : loi promulguée le 31 juillet 2016
Les faits : Un «impôt sur les supermarchés» s'applique désormais aux entreprises de distribution exerçant en Pologne, et aux revenus excédant 17 millions de złotys (4 millions d'euros). Avec cette nouvelle mesure, le PiS souhaite garantir l'«égalité des droits et des chances» des petits commerçants polonais face aux grands groupes étrangers. Elle doit entrer en vigueur le 1er septembre 2016.
  (Valentin Pasquier / graphisme: Picons.me)

Les conséquences : Les principales chaînes de distribution opérant en Pologne (Auchan, Carrefour, Lidl, Tesco...) ont qualifié le projet de «discriminatoire» et «xénophobe». Le nouvel impôt s'inscrit dans la politique anti-libérale prônée par Jarosław Kaczyński. Les recettes publiques engendrées devraient permettre au gouvernement de financer une allocation mensuelle de 500 złotys (112 euros) par enfant, à partir de deux. Une mesure nataliste, chère au PiS, très lié à l'Église catholique.

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