: Reportage "C'est notre mission, mais on ne peut pas s'habituer à ce genre de chose" : le désarroi des sauveteurs après un nouveau naufrage dans la Manche
Alignés sur le Port de calais, certains secouristes ont la mine fatiguée, marqués par une nuit de sauvetage après le naufrage d'un bateau transportant des personnes migrantes cherchant à traverser la Manche la nuit du 11 au 12 août. Les pompiers et secouristes de la protection civile sont salués par le secrétaire d’Etat à la mer, Hervé Berville, venu les remercier. "Heureusement qu’il y a des gens comme vous", leur dit-il.
>> Migrants : six personnes sont mortes après le naufrage d'un bateau dans la Manche
Les sauveteurs en mer de la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) sont là aussi, ils racontent leur intervention dans la nuit.
"On ne voyait rien du tout. Ils étaient dans l'eau mais on ne les voyait pas. Il n’y avait aucun gilet de sauvetage. Ils traversent maintenant même sans gilet de sauvetage. Donc, pour nous, pour les repérer, ce n'est pas facile", nous explique Régis Holy, qui était à la barre du bateau de la SNSM.
Les équipes de sauvetage ont repêché cinq personnes inanimées, déclarées mortes un peu plus tard.
"Je ne peux pas dire que c'est un sauvetage. C'est une récupération. Nous sommes des sauveteurs, on veut sauver des vivants. On ne veut pas ramasser des morts".
Régis Hollyà franceinfo
"Ce coup-ci j'en ai ramené cinq. Ce sont des humains, ils tentent le tout pour le tout. Ce sont des jeunes en plus. Ce matin, l'âge maximum, c'était 25, 30 ans. Ils ont tout donné pour traverser".
Régis est sauveteur à la SNSM depuis près de 20 ans et pourtant, il ne s’habitue pas à intervenir sur des drames comme ceux-là. "Ce n'est pas possible. On est dans notre mission, mais on ne peut pas s'habituer à ce genre de chose. Un retour, c'est un retour avec des vivants".
Les traversées sont de plus en plus longues
Le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, accuse les passeurs d’être des "criminels". C’est aussi le résultat de la politique menée par la France, répond Adèle Stouffs, coordinatrice de l’association humanitaire Utopia 56 qui aide les migrants à Calais.
"Si on ne crée pas des voies de passage légales et sûres, il y a des passeurs qui vont zigzaguer et arriver à faire traverser les personnes. Quoiqu'il soit mis en place pour bloquer les traversées, les gens veulent passer et ils vont passer par tous les moyens. Donc nous, on constate que les politiques mises en place actuellement ne font qu'augmenter les risques pour les personnes parce que du coup, elles doivent partir du Touquet, de Dunkerque et c'est plus loin. Plus la traversée est longue, plus on met les personnes en danger".
"Les choses se reproduisent indéfiniment"
Aux côtés du secrétaire d'Etat, la maire de Calais Natacha Bouchart est présente. Le drame aurait pu être évité, selon elle. Elle estime ne pas être écoutée par le gouvernement depuis des années : "Les choses se reproduisent indéfiniment. Je suis très énervée parce que je vois le deuxième ministre qui vient en deux ans ; c'est pour venir saluer les forces de l'ordre et de sécurité parce que des migrants sont décédés en mer".
Natacha Bouchart réclame un éloignement d'office des migrants de la ville de Calais pour empêcher les passeurs d'organiser des traversées, et éviter ainsi de futurs drames.
En tout, 36 personnes qui ont traversé sur cette embarcation ont été ramenées sur le sol français samedi. Les associations craignent des drames dans les prochains jours à cause d’une météo propice aux traversées vers l’Angleterre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.