Migrants : les bateaux continuent d'affluer vers la Sicile, bientôt saturée
L'Italie est à nouveau sous pression migratoire. Chaque jour dans le canal de Sicile, les garde-côtes italiens et la marine militaire secourent de nouveaux migrants, essentiellement africains. Luigi Ammatuna, le maire de Pozzallo, l'un des grands ports de Sicile, vit son troisième été successif de surchauffe. "C’est sans aucun doute la période très chaude pour nous, juillet et août, témoigne-t-il. Chaque jour, ils secourent en mer 3 000 à 4 000 personnes. Ils les débarquent dans les différents ports de Sicile. Ici à Pozzallo ces derniers jours, 1 500 personnes ont été débarquées. Rien que dans notre commune. Ç a devrait devenir de la routine, mais ce n’est pas le cas. Voir chaque jours ces personnes débarquer, ces corps brûlés par le soleil, ces femmes enceintes, ces bébés, ces jeunes sans parents… je ne m’habitue pas."
Les maires de Sicile ont en charge en particulier la sécurité des mineurs isolés. On les voit en ce mois de juillet déambuler par groupes sur le bord de mer aux côtés des touristes qui profitent du soleil sicilien. Ils sont pour la plupart de nationalité égyptienne. "Nos parents sont restés au pays , racontent certains. Nous on a pris la mer en Egypte, à Alexandrie. On a passé huit jours en mer. On a eu beaucoup de problèmes, on nous a frappé et menacé avec des armes."
"Mon neveu s'appelle Sultan [...] Je sais que son bateau s'est renversé en mer. Je ne sais pas s'il a été secouru" - L'oncle d'un migrant égyptien.
Les migrants qui ont posé le pied en Sicile se perçoivent comme des miraculés : tous n’arrivent pas à destination. Sur le port de Pozzallo, en marge d’un débarquement, nous avons croisé un homme égyptien. Une valise à la main, il va de port en port à la recherche de son neveu. "Mon neveu s’appelle Sultan il a 20 ans , explique-t-il. Je sais que son bateau s’est renversé en mer il y a un mois. Je ne sais pas s’il a été secouru. Je fais le tour des ports, je ne le trouve pas… "che cosa posso fare ? (qu'est-ce que je peux faire ?)"
Ces six derniers mois, près de 3 000 personnes se sont noyées en Méditerranée : le semestre le plus meurtrier jamais enregistré selon l’Organisation internationale pour les migrations. D'autant plus que les places en centres d’accueil sont devenues insuffisantes. Le gouvernement italien lance des appels d’offre pour construire de nouvelles structures. En Sicile, le plus grand centre pour demandeurs d’asile, celui de Mineo, est surchargé. Il a une capacité maximum de 2 000 lits, mais ils sont beaucoup plus nombreux à l’intérieur comme le raconte Mohamed, migrant de Sierra Leone : "Nous sommes en moyenne 3 000 personnes à Mineo. C’est intenable. On ne peut pas rester longtemps dans ce centre. Moi, j’ai décidé de rester en attendant la réponse à ma demande d’asile. Beaucoup partent quand ils reçoivent une réponse négative. Ils essaient de poursuivre la route en Italie ou de rejoindre d’autres pays en Europe."
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"Les autres pays ne nous ouvrent pas les quotas qui étaient prévus" - Le chef du bureau des migrations du ministère de l'Intérieur
Ce qui a changé ces derniers mois c’est que sur leur route, les migrants trouvent des frontières de plus en plus opaques. Ils sont donc contraints de rester en Italie. Le pays héberge en ce moment 130 000 demandeurs d’asile : une progression de 30 % en 6 mois. Le ministère de l’Intérieur admet que la situation est préoccupante. "On ne peut pas le nier, le nombre de migrants que nous hébergeons progresse, avoue Mario Morcone, chef du Bureau Immigration du ministère. Pourquoi ? A cause de la relocalisation des migrants, qui a été décidée à l’agenda européen. L’agenda Juncker de l’an dernier ne fonctionne pas. Les autres pays ne nous ouvrent pas les quotas qui étaient prévus ! Je suis malgré tout très fier de mon pays qui, en dépit des difficultés, remplit son devoir avec beaucoup de dignité et il n’est pas question que nous revenions sur cette politique."
Depuis le début de l’année 71 000 migrants sont arrivés en Italie. Ni plus ni moins que l’année passée. Mais l’été 2016 s’annonce déjà comme un été record et les Italiens commencent à douter de la capacité de leur pays à gérer à long terme cette crise migratoire qui n'en finit pas.
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