: Reportage "Une question de responsabilité historique" : 90 ans après la fin de l'Holodomor, l'Ukraine se souvient et veut faire reconnaître un génocide
Dans la famille de Petrov, 24 ans, l'Holodomor a un visage : celui de son grand-père, qui a survécu et a raconté à ses descendants. "En 1933, il a commencé à y avoir du cannibalisme, les gens devenaient fous et se sont mis à se manger les uns les autres, jusqu'à voler des enfants, raconte Petrov, qui rapporte les propos de son ancêtre. Mon grand-père en a été témoin. Il a vu des fosses communes creusées et des cadavres y être jetés, à moitié vivants, comme il le disait, couverts d'œdèmes."
Cela fait 90 ans cette année que s'est terminée cette famine, orchestrée par Moscou dans les régions agricoles de l'URSS. Selon les historiens, entre deux et cinq millions d'Ukrainiens sont morts entre 1932 et 1933. Staline souhaitait faire taire le nationalisme qui s'exprimait dans ce qui n'était alors qu'une région de l'Union soviétique.
"Il n'y avait pas de chats, pas de chiens, pas d'oiseaux, pas d'animaux, plus rien dans le village."
Petrov, 24 ans, rapporte les propos de son grand-pèreà franceinfo
Minimisée à l’époque soviétique, puis par les pouvoirs pro-russes du pays, l’Holodomor est aujourd’hui un marqueur de l’identité ukrainienne, pour lequel des monuments mémoriels sont érigés dans le pays. ''Il s'agit d'une famine artificielle créée pour détruire la nation. Et le mot même de génocide, qu'il faut prendre à la lettre, en tant que destruction d'une nation, correspond à ce que les autorités soviétiques ont fait aux Ukrainiens, explique Rostyslav Karandieiev, le ministre de la Culture de l'Ukraine. Le gouvernement soviétique n'avait pas d'identité nationale. Il n'appartenait ni aux Russes, ni aux Géorgiens, ni à personne d'autre. C'était une entité absolument non ethnique, absolument antihumaine, en fait, qui n'était même pas fondée sur des valeurs humaines. Et les Ukrainiens qui voulaient être une nation, dans la formation qui existait sur notre territoire, ont été les cibles de l'idéologie de l'Union soviétique, l'idéologie de l'absence d'une nation en tant que telle. Il fallait donc détruire les Ukrainiens en tant que tels."
L'indifférence face "à cette extermination de masse"
La diplomatie ukrainienne s'active donc pour faire reconnaître l’Holodomor comme un génocide. En 2023, le Parlement français, l'Assemblée d'abord puis le Sénat, a d'ailleurs reconnu cette famine organisée comme un génocide. "Reconnaître l'Holodomor aujourd'hui, c'est avant tout une question de responsabilité historique", estime Yana Hrynko, directrice du département Holodomor du musée national d'Ukraine. Les Européens, à l'époque, "sont restés indifférents à cette extermination de masse, à ce génocide".
"Les Européens n'ont rien fait pour arrêter Staline. Et aujourd'hui, ils sont confrontés au défi d'arrêter Poutine."
Yana Hrynko, directrice du département Holodomor du musée national d'Ukraineà franceinfo
"Dans les années 1930, les pays européens n'ont pas aidé l'Ukraine", rappelle Yanna Renkoz. Le président ukrainien Volodomyr Zelensky a de son côté jugé dans un communiqué, samedi 25 novembre, "impossible" de pardonner "les horribles crimes de génocide" commis par les Soviétiques à l'époque de Staline.
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