Reportage "J'aimerais que ça se termine vite" : après deux ans de conflit, la Russie entre soutien et lassitude

En Russie, après deux ans d'invasion de l'Ukraine, les habitants semblent désabusés et se désintéressent de plus en plus de la politique. Mais la majorité de la population continue de soutenir l'offensive.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des personnes passent devant un panneau avec l'inscription "Notre pays, notre victoire" à Saint-Petersbourg le 16 janvier 2024. (OLGA MALTSEVA / AFP)

Après deux ans de guerre, les Ukrainiens apparaissent déterminés mais aussi fatigués par cette guerre d'usure. En Russie, la situation n'est évidemment pas comparable : mis à part quelques zones frontalières avec l'Ukraine, le territoire n'est pas sous la menace de bombardements. Et la plupart des Russes l'admettent, leur vie n'a pas fondamentalement été bouleversée. "Les prix ont peut-être augmenté, mais nos vies n'ont pas changé. J'attends que tout cela se termine, cela va prendre du temps", dit un Russe.

Mais on peut aussi dire que de nombreux Russes sont fatigués de cette guerre qui dure. Cela s'exprime évidemment de façon plus discrète ou plus ambiguë qu'en Ukraine. Car en Russie, la loi interdit formellement de contester "l'opération militaire spéciale", comme l'appelle le Kremlin, de quelque façon que ce soit. Franceinfo a tendu son micro dans les rues de Moscou, en veillant à garantir l'anonymat aux Russes interrogés.

"Nous sommes dans une impasse"

Officiellement, une majorité d'habitants continuent à soutenir l'armée. "J'aimerais que ça se termine vite et par une victoire, et rien d'autre. Si comme on nous le dit à la télévision, (les Ukrainiens) ont déjà essayé de négocier mais nous ont trompé, alors il n'y a que la forme", soutient cet homme au discours va-t-en guerre. Mais la majorité des Russes le disent : ils veulent que cette guerre se termine, sans trop y croire. "Oui nous attendons, mais quand cela finira-t-il ?, demande une Moscovite. En dehors de l'horreur, que peut-on attendre ? Nous sommes dans une impasse désormais, c'est le désespoir total." 

Ce sentiment de fatigue, de ras-le-bol ou de lassitude, se ressent et se retrouve, par exemple, dans les sondages du dernier institut indépendant en Russie. L'institut Levada observe que plus la guerre dure, plus la part des Russes qui se prononcent pour l'ouverture de négociations augmente. Ils sont plus de la moitié des sondés à souhaiter des pourparlers aujourd'hui, comme une façon de dire qu'il faut que ce conflit cesse. Cette lassitude se ressent aussi dans la consommation d'antidépresseurs, qui a augmenté. "Dans une telle situation, les citoyens ne peuvent pas faire grand-chose. Tout le monde autour de moi est déprimé et la plupart ne soutiennent pas la guerre", assure une Russe.

Des sondages aux résultats contestés

Les sondages de l'institut Levada disent également que les trois quarts des Russes pensent que leur armée finira par être victorieuse dans ce conflit, et qu'une très large majorité des Russes soutient le pouvoir. Ces résultats sont parfois contestés par certains spécialistes de l'opinion qui disent que les sondages ne peuvent pas être pris en considération en Russie, vu la répression et la censure. La détermination du Kremlin se traduit aussi dans les discours des politiques et dans les prévisions de budget de l'État pour 2025, qui prévoit toujours de très fortes dépenses militaires.

Le 24 février 2024 marque l'entrée dans la troisième année de conflit, mais peut-être pas la dernière. D'après ces mêmes sondages, 50% des Russes pensent que la guerre va durer encore plus d'un an. Dans les faits, beaucoup de Russes ne s'informent plus et les audiences de la télévision sont en baisse. Ils regardent ailleurs, ni vraiment soutiens ni vraiment opposants. Ce désintérêt aura peut-être un effet sur la participation à l'élection présidentielle, prévue dans trois semaines. C'est la seule crainte du Kremlin : que la mobilisation soit faible. Car quand on pose aux Russes une question qui tourne plus ou moins autour de la guerre, beaucoup répondent : "Je ne m'intéresse pas à la politique".

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