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"La Russie est en train de déployer une activité très intense dans toutes les anciennes républiques soviétiques", explique un spécialiste

Alors que Washington et Moscou se retrouvent dimanche 9 janvier à Genève pour des discussions autour de la situation en Ukraine, le professeur à Sciences Po Paris Cyrille Bret analyse la stratégie de la Russie pour étendre son influence.

Article rédigé par franceinfo
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Face au déploiement de troupes russes à la frontière avec l'Ukraine, les réservistes ukrainiens prennent part à de plus en plus d'entraînements, comme ici, non loin de Kiev, le 25 décembre 2021. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

"La Russie est en train de déployer une activité très intense dans toutes les anciennes républiques soviétiques", explique dimanche 9 janvier sur franceinfo Cyrille Bret, professeur à Sciences Po Paris, auteur de "Dix attentats qui ont changé le monde, comprendre le terrorisme au XXIe siècle" (Armand Colin), alors que les États-Unis et la Russie se retrouvent ce dimanche soir à Genève pour tenter de désamorcer la crise explosive qui se joue autour de l'Ukraine.

franceinfo : Que peut faire l'administration américaine dans ce contexte ?

Les marges d'actions des États-Unis sont aujourd'hui réduites, pour des raisons de politique intérieure. Depuis plus d'un mois, le président russe est passé à l'offensive dans tous les domaines. Dans le domaine militaire en organisant des exercices sur son propre territoire à proximité de l'Ukraine. Dans le domaine médiatique avec une conférence de presse qui a eu un retentissement international. Et depuis quelques jours avec le déploiement de troupes russes au Kazakhstan. On voit que la Russie est en train de déployer une activité très intense dans toutes les anciennes républiques socialistes soviétiques : Kazakhstan, Biélorussie et l'Ukraine bien sûr.

L'objectif de Moscou, c'est d'avoir les mains totalement libres en Europe de l'Est ?

Oui, c'est de laver l'affront des années 1990 et d'arriver à la table des négociations avec les États-Unis en position de force, en exerçant une pression maximale avant de discuter. Réduire la pression apparaît déjà comme une concession de la part de la Russie et incitera les Russes à demander des concessions en retour de la part des États-Unis. Ce que veulent les Russes, c'est non seulement d'avoir les mains libres en Europe orientale et occidentale, mais surtout de se débarrasser de toute perspective d'adhésion à l'Otan ou à l'Union européenne dans les anciennes républiques socialistes.

Parmi les dossiers qui seront abordés, il y a évidemment le soutien russe au pouvoir kazakhstanais, très critiqué par les États-Unis. En dehors des déclarations, est-ce que Washington peut agir sur cette situation ?

Elle a essayé. Durant les années 2000, le Kazakhstan a nourri un dialogue assez important avec les États-Unis dans le cadre de la guerre internationale contre le terrorisme à proximité du Moyen-Orient. Aujourd'hui, le régime qui dirige le Kazakhstan se trouve dans une dépendance plus grande à l'égard de Moscou, ce qui réduit d'autant l'influence américaine et ce qui empêche Joe Biden de s'investir pleinement dans ce dossier. Et n'oublions pas que l'Asie centrale est non seulement un enjeu de puissance pour la Russie, mais également pour la Chine car la route de la soie transite par cet immense pays qu'est le Kazakhstan. Les États-Unis sont confrontés à la rivalité russe, évidemment, mais aussi à d'autres puissances.

Le groupe Wagner a été récemment suspecté de se déployer au Mali. Est-ce que ce groupe est une autre offensive russe ?

C'est un groupe de mercenaires constitué d'anciens soldats russes. La panoplie d'intervention de la Russie dans les affaires du monde est désormais beaucoup plus complexe qu'il y a 10 ans. L'arsenal des sites d'informations et de chaînes de télévision russes pour peser sur l'information de l'opinion est extrêmement fort. L'arme économique grâce à la remontée des cours du gaz est très importante. Et il y a ce vecteur des compagnies militaires privées, qui permet de tenter des coups d'influence en Afrique, mais aussi en Amérique latine. Il ne faut pas se figurer que ce groupe est directement actionné par la présidence russe, mais comme en Ukraine, des acteurs russes font valoir des intérêts russes, parfois au prix de la déstabilisation de pays et de régimes.

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