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Guerre en Ukraine : trois questions sur la difficile organisation d'un convoi humanitaire vers Marioupol

Le Comité international de la Croix-Rouge a dû renoncer vendredi à escorter des bus ukrainiens dans la ville assiégée, faute d'un accord sur un cessez-le-feu. L'ONG a repoussé l'opération à samedi.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Un bus transportant des réfugiés de Marioupol arrive à Zaporijia (Ukraine), le 1er avril 2022, malgré l'annulation d'un convoi humanitaire organisé par la Croix-Rouge. (ANDREA CARRUBBA / ANADOLU AGENCY / AFP)

Assiégés et bombardés depuis un mois, plongés dans une situation humanitaire critique, les quelque 160 000 habitants restants de Marioupol verront-ils une aide arriver, samedi 2 avril ? Le Comité international de la Croix-Rouge doit à nouveau tenter d'obtenir des garanties de sécurité pour organiser un convoi humanitaire vers la ville, après y avoir renoncé vendredi.

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L'ONG espère sécuriser le passage des civils vers Zaporijia, située à plus de 200 km de Marioupol, et acheminer de l'eau, des vivres et des médicaments. Pourquoi est-ce toujours en suspens et comment certains habitants ont-ils malgré tout réussi à fuir ? Voici ce que l'on sait de la situation.

Quel est l'objectif de la Croix-Rouge ?

Depuis un mois et le début du siège de Marioupol, les tentatives de ravitailler les habitants et de les aider à fuir ne manquent pas. Elles ont connu ce qui ressemblait à une avancée, mercredi soir, avec l'annonce par le ministère russe de la Défense d'un cessez-le-feu local à partir de 10 heures jeudi matin. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui revendique sa neutralité sur tous les terrains de guerre, a joué un rôle dans cet accord : le ministère russe l'affirmait mercredi et la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, disait elle avoir appris la nouvelle de l'ONG.

L'objectif du CICR est d'"acheminer du matériel et faciliter la sortie de personnes souhaitant quitter la ville" pour les amener jusqu'à la ville de Zaporijia, expliquait Alyona Synenko, une de ses porte-paroles, à franceinfo. La présence de la Croix-Rouge "en tant qu'intermédiaire neutre" offrirait "une protection supplémentaire" aux habitants fuyant la ville en "rappelant à toutes les parties la nature civile et humanitaire de cette opération", explique le CICR dans son communiqué de vendredi soir.

Dans ce texte, le CICR explique que son équipe est "constituée de trois véhicules et de neuf membres du personnel". Elle devait revenir de Marioupol accompagnée de 45 cars envoyés par le gouvernement ukrainien pour transporter les habitants. Jeudi, un membre du CICR sur place, cité sur le site de l'ONG (en anglais), affirmait que deux camions "remplis de nourriture, d'eau et de médicaments" devaient les accompagner. Mais selon le New York Times, leur présence a finalement été refusée par la Russie. Le communiqué publié vendredi soir n'en fait pas mention.

Pourquoi ce convoi est-il bloqué ?

"L'équipe de la Croix-Rouge a dû retourner à Zaporijjia vendredi, les dispositions et conditions actuelles rendant l’intervention impossible", a annoncé le CICR vendredi soir. Sans exprimer de griefs précis, l'organisation rappelait la nécessité "que les parties respectent les accords prévus et fournissent les conditions et garanties de sécurité nécessaires".

Contactée par franceinfo, Alyona Synenko a refusé samedi de détailler les facteurs qui avaient empêché l'opération la veille, justifiant ce refus par le caractère sensible des négociations. Jeudi, elle listait par anticipation les nombreux points qui devaient être clarifiés, et ne l'étaient pas encore : "Quelles routes ? À quelle heure ? Pour combien de personnes ?"

"On parle de zones dangereuses où il y a eu des combats intenses. Il faut des accords très concrets pour que la route ne soit pas minée. Il doit y avoir des instructions très claires pour les militaires."

Alyona Synenko, porte-parole de la Croix-Rouge

à franceinfo

Vendredi, un homme ayant fui Marioupol par ses propres moyens affirmait à France Télévisions avoir vu une quinzaine de bus du convoi de la Croix-Rouge bloqués sur la route, sans connaître la raison de ce blocage. Un autre habitant, arrivé dans sa voiture hors de tout couloir humanitaire, montrait les impacts sur son pare-brise de pierres projetées par l'explosion d'un obus, attestant que des frappes continuent de tomber dans la région.

Comment certains civils ont-ils réussi à fuir ?

Vendredi soir, alors que la Croix-Rouge déplorait l'annulation de son convoi, le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky annonçait dans une vidéo diffusée en ligne que 3 071 personnes avaient réussi à fuir Marioupol dans la journée. Selon Libération, la municipalité de Zaporijia revendique l'arrivée de 2 000 à 3 000 personnes tous les jours depuis les zones attaquées par la Russie.

Ces réfugiés, filmés par France 2 vendredi, ont gagné Zaporijia dans leur voiture ou dans des bus, affrétés par des volontaires, parallèlement à l'opération du CIRC. Certains expliquent avoir quitté Marioupol à pied avant de trouver un véhicule. D'autres racontent les nombreux barrages de soldats russes qui se sont dressés sur leur route, mais qu'ils ont réussi à traverser, au prix de fouilles et de vols.

Mais les 3 000 personnes évoquées par Volodymyr Zelensky n'arrivent pas toutes directement de la ville assiégée, a en revanche précisé la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk : "771 d'entre elles venaient de Marioupol", auxquels s'ajoutaient 42 bus chargés d'habitants de la ville mais partis de Berdiansk, une ville contrôlée par l'armée russe.

Ces décomptes soulignent cependant que l'opération de la Croix-Rouge, si elle aboutit, ne sauvera pas tous les habitants de Marioupol, mais seulement ceux qui trouveront une place dans la cinquantaine de bus qui doivent l'accompagner, ou qui arriveront à suivre le convoi avec leur véhicule.

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