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Guerre en Ukraine : quelles sont les matières premières que la France importe de Russie ?

Les tensions entre Paris et Moscou après l'invasion de l'Ukraine se traduisent aussi sur le plan commercial, avec un risque de rupture des importations de métaux industriels, de combustibles et de produits chimiques, notamment.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un ouvrier empile des lingots d'aluminium dans une usine de Sayanogorsk, en Russie.  (ALEXANDR KRYAZHEV / SPUTNIK)

Couper le cordon avec la Russie ne serait pas sans conséquence pour l'économie française. Comme pour le pétrole et le gaz, la France compte depuis des décennies sur le plus grand pays du monde pour lui fournir certaines matières premières essentielles à de nombreuses industries, l'aéronautique en tête. Mais cette relation risque d'être compromise par l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes.

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Alors que l'armée de Vladimir Poutine poursuit son offensive, les sanctions de la communauté internationale pleuvent en effet contre le régime de Moscou. Côté français, la "guerre économique" déclarée (puis relativisée) par le ministre de l'Economie, Bruno Lemaire, pourrait bien menacer l'approvisionnement en certains produits venus du géant de l'Est. Pour y voir plus clair, Franceinfo dresse la liste des importations critiques, leur importance pour l'économie française et les alternatives envisagées par les industriels. 

Le gaz et le pétrole

Si environ 46% du gaz importé par les Etats de l'Union européenne provient de Russie, la consommation de gaz russe en France est bien plus réduite – et en baisse depuis plusieurs années. Elle se situait autour de 25% en 2007, selon un rapport d'information du Sénat de l'époque, et elle est aujourd'hui d'environ 17%. En cas de coupure totale des trois gazoducs russes vers l'Europe, la France a d'autres partenaires vers qui se tourner, comme la Norvège ou l'Algérie, qui n'ont toutefois pas les capacités de production de la Russie.

Pour ce qui est du pétrole, ce sont surtout l'Arabie saoudite et le Kazakhstan qui fournissent la France en or noir, d'après les chiffres de l'Insee. Le pétrole russe compte pour un peu moins de 13% du pétrole importé en France, mais pour des formes d'hydrocarbures qui restent difficiles à trouver ailleurs.

"C'est surtout une dépendance en produits raffinés, notamment en gazole routier, en diesel", détaillait à France 2 Nicolas Mazzucchi, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Un besoin-clé pour la France donc, qui explique pourquoi des tankers russes chargés de pétrole avaient encore le droit d'accoster dans les ports du pays ces derniers jours.

Le charbon

Même si la France a réduit sa dépendance aux énergies fossiles, le pays reste friand de charbon russe. En 2020, environ 30% du charbon importé dans l'Hexagone provenait de la Russie, d'après les chiffres du ministère de la Transition écologique. Le reste provenait surtout d'Australie (environ 30% également) et des Etats-Unis (autour de 10%). 

Cette situation est encore plus marquée au niveau européen. En 2021, d'après l'agence Eurostat, la Russie a en effet fourni à l'Union européenne 56,1 millions de tonnes de combustibles solides, ce qui représente 46,7 % des importations de l'UE en la matière.

Les métaux industriels (aluminium, titane...)

Un rapide coup d'œeil sur le registre des échanges entre la France et la Russie montre que, ces trois dernières années, les produits (hors hydrocarbures) arrivant de Russie sont principalement des minerais de fer et des métaux non-ferreux, comme l'aluminium. Parmi ces métaux, on retrouve surtout du palladium (qui sert notamment à fabriquer des pots catalytiques de voitures), du titane (aviation), du nickel, du cobalt (batteries, éoliennes), du tungstène (électronique), du platine ou encore du cuivre. 

"Sans ces métaux, certaines industries françaises ne pourraient tout simplement plus assurer leur production", explique à franceinfo Sarah Guillou, directrice du département innovation et concurrence de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais attention, l'approvisionnement français est loin de se faire exclusivement auprès de la Russie. Pour certains secteurs, comme l'aéronautique, la situation est assez claire : le titane utilisé pour l'aviation française est à 50% russe a rapporté La Tribune (article payant). Pour l'automobile ou l'électronique française, c'est un peu moins net. 

"La dépendance aux métaux russes est difficile à quantifier, souligne Sarah Guillou, car les chiffres des douanes ne précisent pas forcément d'où viennent les matières premières. Officiellement, la France importe 3% de ses métaux non-ferreux depuis la Russie mais ce chiffre est certainement sous-évalué." Par exemple, du palladium acheté aux Pays-Bas ou en Suisse peut très bien avoir été produit en Russie, et avoir changé de mains à plusieurs reprises. 

Pour l'heure, la France a pris des mesures restrictives envers la Russie, mais n'a pas déclaré d'embargo sur les importations de matières premières. "On note toutefois que certaines entreprises prennent position vis-à-vis de l'opinion, ou répondent à des pressions politiques, et renoncent donc à commercer avec la Russie", rappelle Sarah Guillou. A cela s'ajoute l'arrêt des liaisons aériennes avec la Russie, qui limite l'importation de certains métaux, comme le palladium.

"Sur ces marchés, il y a des tensions déjà bien présentes sur les prix", détaille la spécialiste en économie industrielle. En 2021, le pays a produit 43% du palladium fabriqué dans le monde. Le groupe russe Rusal est le deuxième producteur industriel d'aluminium au monde. Le pays est troisième pour ce qui est du minerai de nickel, et deuxième producteur de nickel raffiné.

"Si la Russie décide de restreindre ses ventes, les prix mondiaux vont fortement augmenter, alerte Sarah Guillou, et l'inflation sur ces produits primaires va forcément impacter toute la chaîne de production." Pour les industriels, l'heure est à la constitution de stock de matières premières, un défi que les plus petites entreprises pourraient avoir du mal à relever.

D'après Sarah Guillou, les importateurs qui travaillent avec la Russie (un peu moins de 2 000 en France) ont "l'habitude d'être face à des conflits, des restrictions". "La grosse incertitude, ce que tout le monde cherche à estimer, c'est la durée du conflit en Ukraine."

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