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Guerre en Ukraine : on vous explique les enjeux de la réunion à Ramstein, où les alliés de Kiev négocient la livraison de chars d'assaut

Le groupe de contact sur la défense de l'Ukraine, qui rassemble une cinquantaine de pays alliés, se réunit vendredi sur cette base militaire américaine en Allemagne. L'envoi potentiel de centaines de chars d'assaut Leopard 2 sera notamment au cœur des discussions.
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Un soldat slovaque conduit un char Leopard 2 à Münster (Allemagne), le 24 novembre 2022. (PHILIPP SCHULZE / DPA / AFP)

Un événement pour "discuter de la crise en cours en Ukraine", et de "divers problèmes de sécurité auxquels les partenaires et alliés des Etats-Unis font face". Le groupe de contact sur la défense de l'Ukraine, qui réunit une cinquantaine de pays alliés de Kiev, se retrouve sur la base aérienne américaine de Ramstein (Allemagne), vendredi 20 janvier, près de 11 mois après le début de l'invasion russe. Ministres de la Défense et hauts responsables militaires y seront reçus par le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, selon un communiqué des forces aériennes américaines en Europe (en anglais).

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Le matériel militaire fourni à l'Ukraine sera un sujet clé des discussions. "La fourniture de nouveaux équipements anti-aériens, une nouvelle batterie de missiles Patriot" et, surtout, la question de "l'envoi des chars d'assaut" seront au cœur des débats, estime auprès de franceinfo Ulrich Bounat, analyste en relations internationales et auteur de La guerre hybride en Ukraine, quelles perspectives ? (éd. du Cygne, 2016).

Cette nouvelle rencontre du "groupe de Ramstein" pourrait ainsi marquer une nouvelle étape et un changement de stratégie dans le soutien apporté à Kiev face aux forces russes. "Le message principal sera un soutien accru, avec des armes plus lourdes et plus modernes", a déclaré mercredi le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, lors du Forum économique mondial à Davos. 

Convaincre Berlin d'envoyer ses chars Leopard

Cette réunion en Rhénanie-Palatinat s'inscrit dans un contexte d'accélération, ces derniers jours, des déclarations sur des "livraisons d'armement lourd" à l'Ukraine, a souligné dimanche le secrétaire général de l'Otan, dans un entretien au quotidien allemand Handelsblatt. Des promesses "importantes – et je m'attends à ce qu'il y en ait davantage dans un futur proche", a ajouté Jens Stoltenberg, insistant sur la nécessité de fournir "à l'Ukraine les armes dont elle a besoin pour gagner".

La France a annoncé début janvier l'envoi de chars de combat légers AMX-10 RC, tandis que Washington et Berlin se sont engagés à fournir respectivement à Kiev des véhicules Bradley et Marder. Depuis, d'autres pays ont promis des chars lourds à l'Ukraine : 14 Challenger 2 de la part du Royaume-Uni et l'envoi de chars de combat Leopard 2 du côté de la Pologne. Mais pour ce faire, il faut que Berlin autorise Varsovie à livrer ces véhicules de conception allemande.

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Actuellement, ces chars sont présents au sein des forces armées de 13 Etats européens tels que l'Espagne, le Portugal, la Grèce ou la Hongrie, rappelle le Conseil européen pour les relations internationales (en anglais). Un parc non négligeable de 2 000 blindés, dont certains pourraient partir vers Kiev en cas de feu vert de l'Allemagne.

Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a mis lundi la pression sur Berlin, appelant à "des actions décisives de la part du gouvernement allemand, à la livraison de toutes sortes d'armes". Le nouveau ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius, et son homologue américain, Lloyd Austin, se sont rencontrés jeudi matin, à la veille de la rencontre de Ramstein.

Selon plusieurs informations de presse, l'Allemagne réfléchirait à conditionner son accord pour les chars Leopard à l'envoi de chars américains Abrams. "Je ne pense pas que nous en soyons là", a de son côté affirmé Colin Kahl, sous-secrétaire américain à la politique de défense. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a quant à lui déclaré jeudi qu'"il y a des moments où l'on ne devrait pas hésiter ou se comparer". "Tout est en train de se mettre en place pour contraindre l'Allemagne à donner son feu vert pour l'envoi de Leopard 2", souligne Ulrich Bounat.

"Reprendre l'initiative" avant les Russes

Si Berlin n'hésite plus et donne finalement son accord, cela constituera un changement notable. Car depuis le début de la guerre, "les Occidentaux ont plutôt fourni des chars soviétiques à l'Ukraine", poursuit l'analyste. L'envoi de chars lourds était même vu par certains comme une ligne rouge à ne pas franchir, de peur d'une escalade avec le Kremlin. Mais l'évolution du conflit pourrait finalement changer cette donne.

Ces récentes déclarations et la réunion de Ramstein interviennent "dans une phase décisive de la guerre" en Ukraine, a relevé dimanche Jens Stoltenberg. La livraison de chars lourds à Kiev est liée au fait que "le spectre de la mobilisation russe approche", pointe auprès de franceinfo Léo Péria-Peigné, chercheur au centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri). "A Ramstein, soit le sujet des Leopard est réglé et l'autorisation des envois sera annoncée, soit une pression maximale sera mise sur [le chancelier allemand] Olaf Scholz pour que ce soit le cas."

Les alliés de Kiev se préparent à une nouvelle phase offensive russe à l'approche du printemps. Le temps presse donc pour apporter aux forces ukrainiennes les armements nécessaires. "Aucun des deux belligérants n'arrive à prendre le dessus. Il va falloir reprendre l'initiative, poursuit Ulrich Bounat. Les Russes se préparent à le faire, et pour permettre à Kiev d'encaisser une offensive russe et de contre-attaquer, il faut bien fournir des armes à l'Ukraine."

L'analyste en relations internationales note que les forces russes "ont bâti de nombreuses fortifications, notamment dans le sud de l'Ukraine". "Pour détruire ces fortifications, il va falloir des blindés, des chars d'assaut." Et en la matière, les Leopard sont "beaucoup plus performants" que les chars fournis jusqu'à maintenant. 

En parallèle, les Occidentaux "réalisent que l'année 2023 doit être décisive pour l'Ukraine", estime Liana Fix, chercheuse au sein du think tank Council on foreign relations (CFR). "Plus le conflit dure, plus il y a un risque que l'opinion publique n'ait plus envie de soutenir l'Ukraine." 

Une aide décisive et une décision stratégique

Quel rôle jouera la réunion de Ramstein vendredi ? "L'importance de cette réunion dépendra de ce qui y est décidé, répond Léo Péria-Peigné. Si l'Allemagne lève son veto sur l'envoi de chars Leopard, cela veut dire que des pays comme la Pologne ou l'Espagne pourront envoyer des véhicules en quantité importante. Avec cette annonce, la réunion sera importante", développe-t-il.

Pour le chercheur, l'envoi de chars Leopard serait "un coup de pouce intéressant et un symbole fort", car "c'est le seul parc [de chars] qui permettrait de dégager suffisamment de véhicules pour être vraiment pertinent en Ukraine. Cela permettrait d'y envoyer au moins 100 chars, voire 200..." En décembre, le chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, déclarait à The Economist (en anglais, article réservé aux abonnés) avoir besoin d'une aide d'environ 300 chars. 

Si cet envoi est acté, ce sera à la fois une aide décisive pour Kiev et un changement de cap pour Berlin. Le discours du chancelier Scholz sur un changement d'époque, trois jours après le début de la guerre en Ukraine, marquait déjà une rupture avec la doctrine de défense de l'Allemagne. Jusqu'à l'invasion russe, Berlin refusait en effet de livrer des armes à un pays en guerre, rappelle la Fondation Jean Jaurès.

Un feu vert allemand pour l'envoi de chars Leopard serait "un pas de plus dans la transition annoncée par Berlin depuis le début de la guerre", développe Léo Péria-Peigné. "Jusqu'à présent, les actes n'ont pas beaucoup suivi les déclarations. Cette décision permettrait de mettre en accord les déclarations et les actes."

"Les lignes rouges ont été repoussées petit à petit" 

Cette évolution de la doctrine militaire se ressent dans certains discours. Liana Fix note que les Allemands "ont clairement fait savoir qu'ils n'étaient pas favorables à un cessez-le-feu, qu'ils voulaient que l'Ukraine reprenne son territoire". Berlin a ainsi "renforcé son soutien à Kiev depuis le début de l'année". Le 12 janvier, le vice-chancelier écologiste Robert Habeck a déclaré que son pays ne devrait pas "se mettre en travers du chemin lorsque d'autres pays prennent des décisions pour soutenir l'Ukraine (...), indépendamment des décisions que prend l'Allemagne""Il ne doit pas y avoir de tabou" sur la livraison de chars, a ajouté le ministre de la Justice allemand, Marco Buschmann.

La rencontre entre les alliés sur la base américaine de Ramstein aura aussi une autre fonction : une nouvelle fois, "montrer à la Russie que l'Occident reste uni et prêt à fournir le matériel suffisant à l'Ukraine pour qu'elle puisse se défendre", analyse Ulrich Bounat. "Au début de la guerre, il y avait une ligne rouge à ne pas franchir dans l'opposition avec le Kremlin. Ces lignes rouges ont été repoussées petit à petit", poursuit-il. "Les Occidentaux prennent en quelque sorte 'confiance' dans leur capacité à fournir des armements à l'Ukraine. Même si le Kremlin choisit l'escalade, les Occidentaux seront là pour soutenir Kiev."

Pour l'analyste, il n'est de toute manière "plus envisageable de faire machine arrière. La violence, l'absence d'humanité dont fait preuve la Russie sur le front en Ukraine fait que d'un point de vue moral, il n'est pas acceptable que la Russie gagne. Il n'est plus possible d'envisager ni le statu quo ni la victoire de la Russie".

A Ramstein, les Occidentaux espèrent enfin envoyer un message clair au Kremlin : il ne s'agit pas d'une confrontation entre Moscou et l'Occident, mais bien "entre les démocraties et un Etat autoritaire". 

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