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Guerre en Ukraine : "La menace est parue si concrète que les Européens semblent s'être réveillés", juge le docteur en géopolitique Frédéric Encel

Pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique, "l'Union européenne pourrait en quelque sorte accompagner l'Otan, assurant sa propre défense avec une autonomie plus large mais à titre défensif".

Article rédigé par franceinfo
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Les soldats français partis d'Annecy et arrivés en Roumanie, pour rejoindre les forces de l'Otan déployées face à l'invasion russe en Ukraine. (ETAT-MAJOR DES ARMEES VIA AFP)

"En quelques jours, la menace est parue si concrète que les Européens semblent s'être réveillés" pour leur défense commune, juge le docteur en géopolitique Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po Paris, auteur de Les voies de la puissance à paraître chez Odile Jacob mardi 1er mars.

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franceinfo : L'eurodéputé (LR) Arnaud Danjean estime que l'Europe de la défense a plus progressé en un week-end qu'en deux décennies, partagez-vous cette analyse ?

Frédéric Encel : C'est parfaitement exact et on le doit à Vladimir Poutine. Jusqu'à présent, c'était d'autant plus difficile qu'il y avait des clivages stratégiques très importants. Par exemple, la Pologne et les pays baltes, qui étaient rivés à la menace russe, et c'était moins le cas pour des pays comme le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, etc, qui étaient peut être plus tourné vers la défense face à des problématiques du sud, et notamment l'islamisme. C'est vrai aussi du pacifisme allemand : pendant des décennies, l'Allemagne a systématiquement refusé, c'était même constitutionnel, d'intervenir de près ou de loin dans des conflits chauds. Il y a quelques années de cela au Mali, l'Allemagne refusait d'aider la France, ne serait-ce que de manière parcimonieuse, et là, en l'espace de quelques jours, la menace a paru si concrète, et à juste titre d'ailleurs, qu'effectivement, les Européens semblent s'être "réveillés".

Actuellement, les pays de l'Union Européenne n'ont pas d'armée commune, est-ce que ça pourrait changer avec la guerre en Ukraine ?

Ça pourrait changer, mais dans un cadre, à mon avis, défensif. Pourquoi ? Parce que d'abord, l'Otan est là et ne bougera pas. Aujourd'hui, aucun État européen, même le tandem Macron-Le Drian qui, à juste titre depuis des décennies, s'échine à convaincre les Etats européens de bâtir une Europe puissante, n'a pas pas proposé de sortir de l'Otan. Donc l'Otan a une dimension défensive, mais aussi offensive extrêmement forte. L'Union européenne pourrait en quelque sorte accompagner l'Otan, assurant sa propre défense avec une autonomie plus large mais à titre défensif. Je n'imagine pas la création à court ou moyen terme d'une troupe européenne offensive qui se déploierait sur des théâtres d'opérations.

Les Etats-Unis ont réduit ces derniers temps leur influence militaire en Europe au profit notamment du Pacifique, c'est un facteur qui pourrait jouer en faveur de cette Europe de la Défense ?

Absolument, parce que depuis Obama jusqu'à Biden, en passant d'ailleurs dans une certaine mesure par Trump, c'est effectivement l'Indo-Pacifique qui tend à devenir fondamentalement le théâtre d'opérations futures pour les Etats-Unis, face à la Chine naturellement, et par conséquent, il y aurait sans doute dans les prochaines années une acceptation, peut-être même une volonté américaine, de demander à l'Europe de faire plus d'efforts. J'y crois d'autant plus que ces dernières années, là encore depuis Obama, il y a une exigence américaine que chacun des États membres de l'Otan "mette au pot" à concurrence de 2% de son PIB. Les présidents américains successifs considèrent que le contribuable américain ne doit pas payer autant par rapport aux contribuables européens pour la propre défense des Européens.

Cette guerre en Ukraine renforce-t-elle la volonté française d'avoir une Europe de la défense ?

Absolument. C'est comme si Poutine venait, par le truchement de son coup de force relativement insensé, de donner raison à la politique d'Emmanuel Macron ces quatre dernières années, lui qui a toujours tenté, assez seul d'ailleurs en Europe, de faire prendre conscience effectivement aux États européens de la nécessité, non pas de casser ou de bouder l'Otan, mais au moins de créer une autonomie européenne en matière de défense par rapport à Washington.

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