Cet article date de plus de deux ans.

Guerre en Ukraine : "En l'état, l'armée russe n'est pas capable de prendre Kiev", analyse un spécialiste des questions de défense

Alors que la Russie masse ses troupes autour de la capitale ukrainienne, Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie, estime sur franceinfo lundi que cette dernière "n'est pas du tout taillée pour l'ampleur de sa mission" et "marque le pas" au sol.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un militaire ukrainien regarde à travers des jumelles vers la ville de Stoyanka à un poste de contrôle avant le dernier pont sur la route qui relie Stoyanka à Kiev, le 6 mars 2022. (ARIS MESSINIS / AFP)

"En l'état, l'armée russe n'est pas capable de prendre Kiev", analyse lundi 14 mars sur franceinfo Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie, alors que la Russie masse ses troupes autour de la capitale ukrainienne et qu'une nouvelle session de pourparlers entre responsables russes et ukrainiens se tient lundi dans la matinée.

franceinfo : Cette bataille de Kiev est-elle déterminante pour la suite ?

Oui et non. Bien sûr, oui, parce que c'est la capitale. Mais vous savez, c'est une ville qui est extrêmement étendue. C'est sept à huit fois la capitale française. Donc, je pense que c'est un énorme morceau à prendre. Et en l'état l'armée russe, à mon avis, n'est pas capable de prendre Kiev, c'est-à-dire pénétrer et occuper, conquérir et après tenir. Je ne crois pas. Par ailleurs, il n'y a pas que Kiev. Vous avez un grand nombre de villes qui tient depuis longtemps. Ce que l'on constate, c'est vraiment une armée russe qui n'est pas du tout taillée pour l'ampleur de sa mission, qui frappe, qui cogne et qui utilise toute sa puissance de feu, qui est grande, mais qui, au sol, marque le pas.

Comment imaginer que cette armée russe n'était pas suffisamment préparée ?

Parce que certainement, le président Poutine s'est intoxiqué ou s'est auto-intoxiqué sur le fait que cette campagne militaire avec un corps expéditionnaire très court, très petit, serait une promenade de santé et permettrait à Kiev de tomber très rapidement, de mettre en place un gouvernement fantoche à la botte de Moscou et que, par ailleurs, toutes les zones russophiles se révolteraient et que le pays tomberait facilement. Au dix-neuvième jour de combat, on commence à avoir une vision assez précise du corps de bataille : c'est un corps de bataille avec lequel il est absolument impossible de faire la conquête de l'Ukraine. Vous avez 200 000 hommes 'tout mouillé'. Vous retirez la logistique, même si elle est mauvaise, et assez inefficace, ce qui vous ramène à 160 000 soldats.

Ce que l'on découvre aujourd'hui, ce sont des unités extrêmement hétérogènes, avec notamment des régiments d'appelés qui ne comprennent pas ce qu'ils font là. Par ailleurs, il se trouve parmi eux un nombre important de policiers russes et de membres de la Garde nationale qui étaient censés s'occuper de l'administration d'occupation du pays et qui ne sont pas du tout des unités combattantes. Donc, vous avez une faiblesse structurelle de ce corps expéditionnaire qui explique les appels désespérés de Poutine aux Tchétchènes de son ami Kadyrov ou aux milices de tueurs syriens de son ami Bachar el-Assad, par ailleurs grand utilisateur de l'arme chimique.

Et cela explique l'appel lancé cette nuit à la Chine ?

Exactement, c'est ce qui est très frappant depuis plusieurs jours. C'est vraiment le sentiment qu'il y a une forme de panique à Moscou. Rappelez-vous, au bout du septième jour de combat, Poutine qui prend solennellement la parole pour saluer le courage des soldats, pour dire que les familles seraient indemnisées, qu'on prendrait en compte les traumatismes de guerre et qui termine avec une minute de silence. C'est parce que le volume de pertes est absolument considérable. Là, en ce moment, ses déclarations montrent qu'il y a vraiment de très, très grandes fébrilités. Quant à la Chine, elle soutient la Russie comme la corde soutient le pendu.

L'objectif de la Chine, c'est d'acheter de la Russie en discount. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que Poutine est en train de détruire l'Ukraine, en tout cas avec des missiles à distance. Mais il est en train d'être le fossoyeur de la Russie. Et la Chine, dans quelque temps, rachètera au rabais les entreprises russes parce que ce pays va à la catastrophe, va s'effondrer. La Chine n'a aucun intérêt à prendre des risques majeurs pour un pays qui pourrait être un petit pays intéressant pour son gaz et son pétrole.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.