Guerre en Ukraine : à qui peut profiter la destruction du barrage de Kakhovka ?
L'Ukraine a accusé mardi 6 juin la Russie d'un "crime de guerre" en faisant exploser dans la nuit lundi le barrage de Nova Kakhovka, provoquant l'inondation des rives du Dnipro, le plus grand fleuve d’Ukraine, dans la région de Kherson. Le but de la Russie, selon Kiev, est d'empêcher les soldats ukrainiens de traverser le fleuve pour mener leur contre-offensive. Kiev et Moscou se rejettent la responsabilité de cette destruction, mais la plupart des éléments matériels pointent plutôt en direction de la Russie.
La menace d’un dynamitage déjà agitée par les Russes
Il y a en effet peu de doutes sur l’identité des auteurs de l’attaque de cette centrale hydroélectrique qui barrait le Dnipro. En effet, la destruction complète des bâtiments et des portes d'eau, le système qui permet la régulation du flux, a demandé à coup sûr de très lourdes quantités d'explosif. Aussi paraît-il impossible de causer de pareilles destructions avec un simple bombardement d’artillerie : l’ouvrage a donc été proprement miné, et seuls les Russes avaient la possibilité de le faire, leurs unités ayant accès au barrage depuis la rive gauche du fleuve. La destruction du barrage de Khakovka par dynamitage était d'ailleurs une menace agitée par les Russes dès l'automne dernier, quand l'armée ukrainienne gagnait du terrain en direction de Kherson.
La destruction du barrage, et par voie de conséquence l'inondation de la plaine en aval jusqu'au port de Kherson, fait totalement sens d'un point de vue tactique pour les Russes. Une telle inondation empêchera certainement tout passage du fleuve par des unités lourdes de l'armée ukrainienne, puisque le Dnipro est large de plusieurs kilomètres en amont et désormais en aval. Le barrage et la route qui le traversait étaient d'ailleurs l'une des seules voies d'accès vers le sud de la région de Kherson et, plus au sud, encore vers la Crimée. Un axe que l'armée ukrainienne aurait pu emprunter pour sa grande contre-offensive. En inondant toute la zone, l'armée russe interdit pratiquement toute offensive en provenance de Kherson et renforce considérablement sa défense du flanc ouest des zones qu'elle occupe en Ukraine, particulièrement la Crimée.
Des précédents à Kryvyï Rih et lors de la bataille de Kiev
Ce n’est pas la première opération militaire du genre. A l'automne dernier, les Russes avaient déjà bombardé au missile de croisière et partiellement détruit le barrage de Kryvyï Rih sur la rivière Inhoulet, inondant la plaine en aval. L'objectif était déjà de ralentir la progression sud de l'armée ukrainienne qui fonçait sur Kherson. Au début de la guerre, lors de la bataille de Kiev, les Ukrainiens avaient pareillement inondé, en faisant sauter certaines retenues sur au moins une des rivières affluentes du Dnipro au nord de Kiev, bloquant les avancées des troupes de Moscou en direction de la capitale ukrainienne.
Il existe par ailleurs un précédent plus ancien dans la région : en 1941; Staline avait déjà ordonné le dynamitage du barrage de Zaporijjia, un peu plus au nord sur le Dnipro, pour barrer la route aux troupes allemandes qui envahissaient alors l'URSS. Plusieurs milliers de civils et de militaires soviétiques avaient péri noyés. Depuis 1949, la destruction de barrages est considérée comme relevant du crime de guerre dans le droit humanitaire international et les lois de la guerre.
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