Envoi de troupes en Ukraine : un message plus politique qu'opérationnel derrière la déclaration d'Emmanuel Macron

L'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine ne doit pas "être exclu" à l'avenir, a affirmé lundi 27 février le chef de l'État. Cette déclaration n'est pas une annonce mais un message très politique.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes après la réunion internationale à Paris, lundi 26 février. (GONZALO FUENTES / POOL)

Jusqu'à présent pour la France, le conflit en Ukraine était une guerre "aux portes de l'Europe" et il s'agissait de savoir quelles armes pouvaient être fournies à l'Ukraine. Désormais, il s'agit d'une guerre "au cœur de l'Europe", a souligné mardi 27 février le Premier ministre Gabriel Attal, et un engagement de troupes au sol ne doit pas "être exclu", a déclaré Emmanuel Macron après la réunion internationale lundi soir à Paris.

Il s'agit d'un changement de ton sensible, au risque d'une escalade, au moins verbale. Il semble en effet bien loin le temps où Emmanuel Macron souhaitait maintenir le lien avec Vladimir Poutine, où il expliquait qu'il ne fallait pas humilier la Russie, au risque de provoquer l'incompréhension de l'Ukraine. Il est également loin le temps où la France mesurait la nature des armements livrés à l'Ukraine, précisément pour ne pas provoquer cette escalade. Il s'est ainsi écoulé une année de guerre avant de décider par exemple de céder des chars à l'Ukraine puisque la décision n'a été prise qu'en janvier 2023.

Aussi, ce n'est qu'à partir de cette année que des pilotes de chasse ukrainiens vont commencer à recevoir une formation initiale en France. Rappelons à ce sujet que Paris ne livre pas de Mirage alors que d'autres pays ont livré des F-16.

Montrer que Paris ne se laissera jamais intimider

Toutefois, il faut être prudent sur la déclaration d'Emmanuel Macron. Premièrement, il répondait à une question de journaliste sur l'envoi éventuel de troupes : il ne s'agit pas d'une déclaration spontanée du chef de l'État français, et ce n'est pas un détail. Mais Emmanuel Macron le dit : on constate aujourd'hui le durcissement des positions de la Russie, qui cible la France et l'Europe.

Par ailleurs, la réponse d'Emmanuel Macron est d'abord destinée à montrer que jamais Paris ne se laissera intimider ou ne fera preuve de faiblesse. Le président a sans doute aussi en tête que l'Histoire retiendra de lui sa capacité ou non à ne jamais céder au syndrome de Munich, quand les démocraties avaient cédé au pouvoir hithlérien croyant éviter la guerre.

Pour autant, il n'est pas question d'envoyer demain des militaires français en Ukraine parce qu'il n'y a pas de consensus, a aussi souligné Emmanuel Macron, mais également parce que la France reste dans une logique de non-escalade, indique une source diplomatique.

D'autres pistes évoquées

Lors de la réunion de lundi soir, plusieurs pistes ont été évoquées pour aider davantage les Ukrainiens, en termes de déminage, de cyberdéfense ou encore de coproduction d'armes. "Certaines de ces actions pourraient nécessiter une présence sur le territoire ukrainien, sans franchir le seuil de belligérance", a précisé mardi le chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné.

"Dans ce contexte, faut-il s'interdire d'avoir des conseillers ou des instructeurs sur place ?", s'interrogeait aussi mardi matin sur l'antenne de franceinfo l'eurodéputée Renaissance et ex-ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau. Ce serait une autre étape, bien avant l'envoi de troupes, synonyme d'entrée en guerre.

La déclaration d'Emmanuel Macron a en tout cas agité l'hémicycle mardi après-midi. Le sujet est si brûlant que Gabriel Attal, qui avait prévu de passer toute la journée au Salon de l'agriculture, a décidé de retourner à l'Assemblée pour répondre lui-même aux questions au gouvernement. Le Premier ministre y a eu une passe d'armes avec la cheffe de file des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, pour qui Emmanuel Macron "a franchi un pas vers la co-belligérance". En retour, Gabriel Attal a jugé qu'il y avait "lieu de se demander si les troupes de Vladimir Poutine" n'étaient pas "déjà dans notre pays", visant nommément le RN.

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