Élection en Ukraine : la "soif de nouveaux visages se ressent depuis un moment", analyse la spécialiste Ioulia Shukan
Dimanche, un homme sans expérience politique pourrait être élu président de l'Ukraine.
Les électeurs ukrainiens votent dimanche 21 avril pour le second tour d'une présidentielle qui pourrait être remportée par Volodymyr Zelensky, un comédien sans expérience politique. Les Ukrainiens "sont dans un mouvement de renouveau du monde politique" a expliqué ce dimanche sur franceinfo Ioulia Shukan, maître de conférences en études slaves à l'Université Paris-Nanterre, spécialiste de l’Ukraine.
franceinfo : Ne se focalise-t-on pas trop sur le fait que le favori est un comédien ?
Ioulia Shukan : Cela a son importance car c'est assez inédit. Mais cette soif de nouveaux visages se ressent depuis un moment en Ukraine, on l'a vu dans les sondages, là elle se concrétise dans le sens ou Volodymyr Zelensky incarne le renouveau. Il n'a déclaré sa candidature que le 31 décembre au soir et on voit un succès fulgurant. Petro Porochenko a axé toute sa campagne sur la peur et sur les incertitudes en lien avec le manque d'expérience de Zelensky, avec notamment cette peur qu'il ne puisse pas mener de négociations avec la Russie alors que l'Ukraine vit toujours à l'heure d'une guerre à l'est du pays. Mais dans le même temps, on voit que Zelensky essaie de s'entourer d'un certain nombre de personnalités politiques, des réformateurs qui avaient quitté le gouvernement au cours des cinq dernières années à cause des échecs ou à cause des résistances institutionnelles aux réformes qu'ils avaient essayé de porter. Il y a donc une certaine incertitude quant à sa capacité à diriger le pays mais il essaie d'envoyer un certain nombre de signaux pour rassurer les partenaires européens, américains ou tout simplement pour rassurer la population.
Il y avait eu une situation similaire il y a quelques années en Italie avec le comédien Beppe Grillo.
C'est dans ce mouvement de renouveau du monde politique que l'Ukraine s'inscrit. La différence avec Beppe Grillo, c'est que lui avait exploité les peurs et notamment la peur de l'immigration et a tenu un discours anti-européen. Zelensky, lui, ne désigne pas d'ennemi intérieur mais il essaie de réunir les Ukrainiens, de dépasser les clivages. Donc il y a une grande différence entre les deux, même si son projet est populiste.
Celui qui réussira sera-t-il celui qui redressera l'économie ou celui qui mettra fin à la guerre (qui a fait plus de 13 000 morts depuis 2014) ?
Les deux sont liés si on regarde les attentes des Ukrainiens. C'est d'abord la guerre qui inquiète mais il y a aussi la situation socioéconomique. Il y a un certain paradoxe car si on regarde les chiffres de la pauvreté absolue, elle diminue depuis Maïdan [le soulèvement pro-européen qui s'était conclu avec la fuite du président pro-russe Viktor Ianoukovitch en 2014, ndlr]. Mais c'est la pauvreté subjective et la manière dont les gens la ressentent avec un certain nombre de privations au quotidien qui ressort énormément et donc il faut penser aux deux dossiers.
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