DOCUMENT FRANCETV. "Il faut que je parte loin de cet enfer" : en Ukraine, les derniers jours de Pokrovsk sous le feu continuel de l'armée russe
Partir, avant qu'il ne soit trop tard. Pendant dix jours, une équipe de France Télévisions a suivi l'avancée inexorable de l'armée russe dans l'est de l'Ukraine, près de Pokrovsk, et la panique de la population ukrainienne. Ces images ont été tournées à la fin du mois d'août. Les Russes se trouvent alors à seulement dix kilomètres de cette ville stratégique du Donbass, l'une des dernières encore sous contrôle ukrainien. Le bruit des bombes y est incessant.
Ce jour-là, une habitante, Olenka, attend seule sur un banc. Tous ses voisins ont déjà fui. Elle vit sans eau, sans électricité et ne mange plus depuis plusieurs jours. "Mon frère avait promis de m’aider à partir, mais il a trop peur des bombes pour venir, confie-t-elle en larmes, épuisée. Il faut que je parte loin de cet enfer." Une voiture approche. Son frère, inquiet, a finalement bravé le danger pour venir la chercher.
"Mon mari est militaire, je sais très bien ce qu'il risque de m'arriver"
Il faut faire vite. Entasser toute une vie dans une simple remorque. La ville, les écoles, les maisons sont sous le feu continuel des bombes. Fin août, l'ordre a été donné à la population d'évacuer. Avant de quitter la ville, certains habitants barricadent leurs fenêtres dans la précipitation afin de protéger leur domicile face au pilonnage de l'armée russe. "On n'a pas le temps de vous parler", témoigne l'un d'eux, bien affairé.
Peu à peu, la tension a gagné tout Pokrovsk. Margueritte fait état de son angoisse. A 27 ans, elle va quitter la ville seule, alors que son mari se bat à quelques kilomètres de là. "J'ai peur de me réveiller un matin et de voir en bas de chez moi les véhicules russes, explique-t-elle. Mon mari est militaire, je sais très bien ce qu'il risque de m'arriver si les Russes viennent jusqu'ici." Les inquiétudes semblent même avoir gagné les rangs des soldats. En difficulté, les combattants ukrainiens que nous rencontrons refusent de nous parler.
Le 28 août, les autorités ont décidé de l'évacuation du seul hôpital de la ville. Les Russes viennent d'avancer de deux kilomètres. Les médecins ont trois jours pour transférer tous les malades loin de Pokrovsk. La fuite constitue une nouvelle épreuve pour ces patients blessés par des bombardements et Irina, une médecin neurologue qui travaille ici depuis plus de vingt ans, tente de rassurer comme elle le peut. Lorsque la chambre se vide, elle s’effondre à son tour. "C'est un saut dans l’inconnu (...) Je pense que les gens ne réalisent pas ce qui est en train de leur arriver."
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