Reportage Guerre en Ukraine : à Pokrovsk, menacée par l'armée russe, les habitants auraient "voulu tenir plus longtemps"

Article rédigé par Anaïs Hanquet - envoyée spéciale de France Télévisions à Pokrovsk (Ukraine)
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Une petite fille dans un train quittant la gare de Pokrovsk (Ukraine), le 20 août 2024, en raison de l'avancée de l'armée russe. (PATRICK MIETTE / FRANCE TELEVISIONS)
L'armée de Vladimir Poutine progresse chaque jour un peu plus vers cette localité clé du Donbass, engendrant l'exode des habitants. Mercredi, la mairie a décidé d'évacuer l'hôpital de la ville.

Les mêmes scènes déchirantes qu'au début de la guerre en Ukraine. Depuis le 19 août, et l'ordre donné aux civils d'évacuer la ville, la gare de Pokrovsk, ville située dans la région de Donetsk, est prise d'assaut par les habitants. Sur les quais, des centaines de personnes s'apprêtent, chaque jour, à monter dans le train qui leur permettra de fuir la guerre. 

Au loin, le bruit des bombes résonne, ce mardi 20 août. Près de 650 personnes se massent dans la gare. Les enfants ne peuvent retenir leurs larmes. L'angoisse de l'exode se mêle aux températures caniculaires. Au lendemain de l'ordre d'évacuer, alors que le train démarre, Natacha reste en short sur le quai. Elle est venue dire adieu à sa fille et son petit-fils. "Il partent seuls, et moi je dois rester là", raconte-t-elle. Natacha est médecin. Elle partira lorsqu'il n'y aura plus personne à soigner. 

Une situation "extrêmement difficile", selon Zelensky

Environ 50 000 personnes vivent encore à Pokrovsk, un important nœud logistique situé dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, et désormais menacé d'être totalement encerclé par l'armée russe. Selon les autorités, il ne leur reste que deux semaines pour partir.

Malgré l'offensive surprise déclenchée par Kiev début août dans la région russe de Koursk, les Russes continuent, chaque jour, de gagner du terrain, avançant de un à deux kilomètres par jour. "Les principaux efforts de la Russie et les plus grandes forces sont concentrés là", a admis mercredi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, évoquant une situation "extrêmement difficile" pour ses hommes. 

En 10 jours, un vent de panique s'est mis à souffler sur la ville. Sur place, les militaires ukrainiens semblent dépassés. Hors caméra, ils avouent manquer d'hommes et de munitions. Mais ce qui les inquiète le plus, ce sont les drones kamikazes, des objets volants munis d'explosifs qui peuvent même voler la nuit. La Russie en produit de manière industrielle pour viser les véhicules militaires qui s'approchent du front.

Cette arme meurtrière est ainsi devenue l'angoisse de Bordan, un soldat de 29 ans établi à Pokrovsk : "Rejoindre les zones de combat en voiture est devenu un acte d'héroïsme, raconte-t-il. Avant on mourrait au front ; maintenant, c'est sur la route qui mène aux zones de combats." Ce jeune père de famille, coiffé d'un bob militaire, arborant tatouages et une barbe fournie, se bat depuis plusieurs mois pour défendre la ville. Il a déjà perdu de nombreux amis à cause de ces drones tueurs. 

La fermeture du seul hôpital de la ville

Il n'y a pas que les drones : les Russes ont aussi davantage d'obus. Résultat : cette ville minière, dans laquelle nos équipes ont passé plusieurs jours, est bombardée presque quotidiennement. Mercredi, la mairie de Pokrovsk a pris une décision difficile : fermer le seul hôpital de la ville, par peur qu'il ne devienne une cible des Russes. Les soignants ont désormais jusqu'à vendredi soir pour transférer leurs patients dans des zones plus sûres.  

Des enfants quittent la ville de Pokrovsk (Ukraine) en train, fin août 2024. La ville est désormais menacée d'être encerclée par l'armée russe. (PATRICK MIETTE / FRANCE TELEVISIONS)

Les larmes dans la voix, Svetlana, cheffe du service de médecine générale, explique la situation aux malades. "On aurait voulu tenir plus longtemps, rester jusqu'au bout, souffle cette femme brune aux yeux bleus. C'est dur, je crois que les gens ici n'arrivent pas à réaliser ce qui leur arrive." Il faut désormais partir, avec le sentiment d'abandonner ceux qui restent. Et cette question, qui perdure et hante Svetlana, mère de deux enfants : "Pourrons-nous revenir à Pokrovsk un jour ?"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.