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Les paradis fiscaux, plaies de l'économie mondiale

Malgré le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, certaines places bancaires mondiales cultivent toujours le culte du secret.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A Georgetown, dans l'île de Grand Caïman. Les banques ne manquent pas dans ce territoire britannique d'outre-mer situé à 770 km au sud de Miami, en Floride. (ANGELO CAVALLI / TIPS / Photononstop)

Taxée de paradis fiscal par l’équipe de campagne de Barak Obama, le 22 août 2012, la Suisse, qui préfère à ce terme celui de paradis bancaire, a rué dans les brancards. Le magazine américain Vanity Fair avait révélé quelque temps auparavant que Mitt Romney avait un compte en Suisse de trois millions de dollars.

Un pavé dans la mare alors qu’un an auparavant, le Forum mondial, chargé de traquer les  paradis fiscaux sous la houlette de l'Organisation de coopération et  de développement économiques (OCDE), montrait du doigt la Suisse. Bien qu’il se soit engagé à s’y conformer, le pays ne respectait toujours pas les normes internationales contre la fraude fiscale.

L'OCDE définit les contours du paradis fiscal
Afin d’être considéré comme un paradis fiscal, il faut, selon les critères de l’OCDE, une absence de transparence sur le régime fiscal, pas d’échanges de renseignements avec les autres Etats, des impôts symboliques voire inexistants et une grande tolérance envers les sociétés-écran.

Seul le croisement des classements de l’OCDE, des associations de lutte contre les paradis fiscaux, de la presse, d’organisations ou de groupes de pression comme Tax Justice Network, qui publie chaque année un index sur les juridictions concernées, permet de se faire une idée du nombre et du degré d’opacité de ces places financières.

 

La présidente du Costa Rica Laura Chinchilla à une réunion de l'OCDE à Paris, le 22 mai 2012. Son pays a été retiré de la liste de paradis fiscaux, publiée en 2009 par l'organisation. (AFP PHOTO / ERIC PIERMONT)
 

Le Botswana, Brunei, le Guatemala, Nauru, Niue, les Philippines, les Iles Marshall et Montserrat ont été recensés par la France en 2012 comme étant des Etats et territoires non coopératifs dans le domaine. Exit les Grenadines, le Belize ou Saint-Vincent qui figuraient encore en 2011 dans la liste.

En 2010, le classement de Tax Justice Network repris par Forbes avait publié sa version des meilleurs spots financiers. Y figuraient également l’Irlande, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, les Iles Caïman, les Bermudes, Hongkong ou Singapour. Pas tous classés d’ailleurs dans la liste des juridictions offshore indépendantes, donc pouvant dépendre d’un Etat, à l’instar du Delaware ou de la City de Londres.

A la longue liste de ce label non-officiel, s’ajoutent le Panama, les Seychelles, Chypre ou Saint-Kitts et Nevis.

Coopération entre les Etats
Pour y remédier, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont annoncé fin juillet 2012, entre autres mesures, la mise en place d’échanges automatiques d'informations sur les comptes des particuliers à l'étranger.

Des accords pris dans la foulée de la loi de budget Fatca, votée aux Etats-Unis en 2010. Elle impose notamment aux établissements financiers étrangers de fournir au fisc américain les informations sur les comptes bancaires détenus par ses contribuables. But : prélever une partie de ces avoirs pour le compte des Etats-Unis.

 

Une fuite de capitaux dissimulés sur des comptes offshore

Al-Jazira, le 23 juillet 2012

 

Et pour cause, selon Tax Justice Network, il y a au moins 21.000 milliards de dollars d'actifs financiers non déclarés qui appartenaient à des particuliers dans le monde fin 2010. Soit le poids cumulé des économies américaine et japonaise.

Petit calcul : si ces sommes sont placées à un rendement de 3% l’an et si on en prélève 30% de ces revenus, Tax Justice Network affirme que les recettes fiscales pourraient alors atteindre 280 milliards. Rien moins que l’équivalent du double de l'aide au développement versée par les pays riches de l'OCDE tous les ans.

L'évasion fiscale grève les budgets de l'Etat
Et, à l’heure où les Etats cherchent à renflouer leurs caisses, il faut savoir que 50% des transactions internationales transitent par des paradis fiscaux, selon le FMI. Ils hébergeraient 4.000 banques, les deux tiers des hedge funds et deux millions de sociétés-écran.

Rien qu’en France, les mécanismes d’évasion fiscale coûteraient plus de 40 milliards d’euros au budget de l’Etat, selon un bilan de la Commission d’enquête sénatoriale sur les paradis fiscaux.

Si la lutte contre l’évasion fiscale bat son plein, les conditions avantageuses de ces paradis fiscaux n’ont pas fini d’attirer le chaland fortuné, le groupe puissant, les fonds spéculatifs voire le chef d’entreprise lambda.

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