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Les élections pourraient avoir accouché d'une Italie ingouvernable

L'Italie s'est enfoncée dans une impasse politique lundi, avec une Chambre des députés à gauche et un Sénat sans majorité, à l'issue d'élections marquées par le boom de l'ancien comique Beppe Grillo et scrutées par des partenaires inquiets pour la troisième économie de la zone euro. Silvio Berlusconi revient en force, écarte l'idée d'une alliance avec les centristes de Mario Monti et dit réfléchir à un accord avec la gauche.
Article rédigé par Rémi Ink
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (EIDON/MAXPPP Maxppp)

"Le pays affronte
une situation très délicate
". Le constat est de Pier Luigi Bersani, leader
de la gauche. Sa coalition a remporté le plus de voix dans les deux chambres du
Parlement, mais elle n'obtient une majorité de sièges qu'à la Chambre des
députés.

Au Sénat, en revanche,
en vertu de règles électorales différentes, c'est la droite qui empocherait le
plus de sièges.

Mais surtout, principal problème, aucune majorité claire ne se dégage,
même en cas d'une hypothétique alliance entre la gauche et le centre du chef du
gouvernement sortant Mario Monti.

La gauche, majoritaire à la Chambre, pas au Sénat

La coalition de gauche de Pier Luigi Bersani, qui remporte 29,5% des voix, s'adjuge la majorité des sièges à la Chambre (340 des 630 sièges), grâce à un système qui accorde 54% des fauteuils à la formation arrivant en tête.

Mais au Sénat, où la prime de majorité est accordée par région, les résultats donnent le centre gauche très loin de la majorité absolue des 158 sièges. Et les modestes 17 à 20 sénateurs prévus pour le camp Monti ne suffisent pas pour former une alliance majoritaire.

 

Berlusconi, le retour

Silvio Berlusconi était parti sous les huées en novembre 2011 et malgré des procès à répétition dont un pour prostitution de mineure, il a opéré une remontée spectaculaire en promettant d'abaisser les impôts et même de rembourser une taxe foncière impopulaire rétablie par Monti.

"C'est un résultat extraordinaire qui montre que ceux qui croyaient Berlusconi était fini devront y repenser." (Angelino Alfano, secrétaire général du parti du Cavaliere, le PDL)

Le Cavaliere dit réfléchir à un accord avec le centre gauche de Pier Luigi Bersani mais a écarté dans le même temps l'idée d'une alliance avec les centristes de Mario Monti, chef du gouvernement sortant, largement désavoué par les électeurs lors des scrutins de dimanche et lundi.

Un ancien humoriste, 3e force politique d'Italie

Le seul qui peut se
targuer de sortir la tête haute est Beppe Grillo et son Mouvement 5 Etoiles
(M5S). Le comique reconverti a su séduire en surfant sur le rejet de la classe politique, la colère
contre l'austérité, la défiance à l'égard de l'Europe.

Catalyseur du malaise
social dans un pays en pleine récession économique (-2,2% en 2012), il a pris
des voix aussi bien à la droite qu'à la gauche avec un programme jugé
"populiste" par ses adversaires : fin du financement public des
partis politiques, revenu minimum de 1.000 euros et référendum sur l'euro.

Selon les résultats
officiels, il obtient aux alentours de 24-25% dans chacune des deux chambres. Il
devient ainsi la troisième force politique du pays.

Ces nouveaux élus, pour la plupart vierges de tout passé politique vont être courtisés, explique Giuseppe Bettoni, professeur de géographie politique à l'université de Tor Vergata de Rome.

Mario Monti perd son
pari

De son côté, le chef du
gouvernement sortant Mario Monti a perdu son pari de former une grande force au
centre puisque sa coalition ne remporte qu'environ 10% des voix dans chaque
Chambre.

"Nous sommes très
satisfaits
" * du résultat* ", a-t-il toutefois déclaré, rappelant que sa
coalition a vu le jour il y a seulement deux mois. 

Le Professore a exprimé
le voeu d'un "gouvernement qui fera mieux " que le sien "sans
balayer les sacrifices consentis par les Italiens
" pour permettre l'assainissement
du pays.

L'inquiétude des bourses 

Les principales Bourses européennes ont ouvert en forte baisse mardi en réaction aux résultats des élections italiennes qui menacent de relancer la crise de la dette en zone euro.

En matinée, à Paris, l'indice CAC 40 abandonne 2,41%, à Francfort, le Dax recule de 1,76% et à Londres, le FTSE perd
1,37%. Milan chute de 4,28% tandis que l'indice paneuropéen EuroStoxx 50 recule de
2,43%. 

Le ministre français de l'Économie, Pierre Moscovici, a voulu cependant se montrer rassurant : "Le vote italien est une préoccupation sans doute mais l'Italie n'est pas un facteur de risque pour la zone euro. Son économie est solide ", a-t-il déclaré. 

José Manuel Garcia-Margallo, le ministre espagnol des Affaires étrangères ne partage pas son avis et exprime la "préoccupation extrême " de Madrid face à l'impasse politique issue des élections législatives italiennes, et a prévenu que l'ensemble de la zone euro pourrait s'en trouver affectée.

Que faire ?

Le pays semble ingouvernable,
politiquement mais aussi techniquement avec peu d'issues fondées sur des
alliances presque impraticables et numériquement insuffisantes. Une solution semble
s'offrir aux Italiens : retourner voter, soit pour tout le Parlement soit
seulement au Sénat.

Les regards se tournent aussi vers
le comique Beppe Grillo qui pourrait avoir une cinquantaine de sénateurs, mais
n'est pas disposé à collaborer avec les autres formations.

"Ils ont fait faillite aussi bien à gauche qu'à droite. Ils peuvent durer sept ou huit mois mais nous serons un véritable obstacle pour eux."
(Beppe Grillo)

 

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