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Les Bulgares vent debout contre la corruption

Depuis décembre 2012, la Bulgarie connaît une accumulation de crises politiques qui poussent la population dans la rue. Le 29 juillet, Sofia entamait son 46e jour consécutif de manifestations anti-gouvernementales. Retour sur les raisons d’une accumulation de mécontentements dans tout le pays.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Manifestation antigouvernementale à Sofia, le 24 Juillet 2013.  (AFP PHOTO / DIMITAR DILKOFF)

Le 28 juillet, malgré l’insistance des membres du conseil municipal de gauche et des députés ultranationalistes, la maire de Sofia, Yordanka Fandakova, a refusé d’interdire les défilés, estimant que cela conduirait à des affrontements. «Malgré l'énorme pression, je reste sur mes positions. A savoir que l'interdiction des manifestations serait une action très dangereuse et inadéquate dans la situation actuelle», a ainsi déclaré l’élue de centre-droit (GERB).

En cela, elle a sans doute eu raison. Car les Bulgares ne baissent pas la garde depuis le début de l’année, ce qui a plongé le pays dans une crise politique sans précédent. A l’origine des crispations, la hausse des prix de l’énergie fin 2012. La contestation populaire et les gestes désespérés de citoyens ont contraint le gouvernement de Boïko Borissov (GERB) à démissionner en février 2013.
 
Mais la formation en mai d’un nouveau gouvernement, mené par Plamen Orecharski (composé de technocrates et soutenu par les socialistes et tacitement par l’extrême droite), n’a pas suffi à contenter les Bulgares. Aujourd’hui, ceux-ci ne défilent plus pour de meilleures conditions de vie, mais exigent la fin de l’oligarchie au pouvoir et une société moins corrompue.

 
Ainsi, le mouvement de contestation qui agite la capitale Sofia depuis le 14 juin 2013 a pris corps après la nomination à la tête de l’Agence nationale de sécurité du député Delyan Peevski. Très controversé, le magnat de la presse issu du parti de la minorité  turque, MDL, est considéré par de nombreux Bulgares comme le symbole même de la corruption, alors qu’il était censé la combattre…
 
Cette nomination sans concertation a donné le coup d’envoi des manifestations qui se sont transformées rapidement en protestations plus larges contre la collusion entre la classe politique et le monde des affaires, et l’obsolescence des institutions.
 
Bien que le Parlement soit revenu sur sa décision, la contestation est repartie de plus belle avec l'arrivée au poste de chef de la commission parlementaire d'éthique et de lutte contre la corruption de Volen Siderov, chef de la formation d’extrême droite Ataka, connu pour sa rhétorique nationaliste violente et anti-européenne.
 
Pour la chercheuse Slavina Spasova, sur le site de RFI, le non-renouvellement de la classe politique héritée du communisme est une des causes de la colère. Même constat de la politologue Tsevtozar Tomov, selon qui «les gens protestent contre un modèle du pouvoir, un mélange d'économie, de criminalité et de politique qui trouve son expression dans tous les partis» représentés au Parlement.

Des manifestants brandissent un marteau et une faucille qui reconstituent la célèbre sculpture soviétique du «travailleur et de la femme kolkhozienne», lors d'une manifestation anti-gouvernementale dans le centre de Sofia, le 27 Juillet 2013. (DIMITAR DILKOFF / AFP)
 
Quel rôle pour l’Union Européenne ?
Il faut dire que la corruption et le crime organisé sur fond de crise économique dans l’Etat le plus pauvre de l’UE en font un pays les plus sensibles de l’Union européenne.
 
Face à un pouvoir pour l'instant sourd à leurs revendications, les Bulgares se tournent vers Bruxelles, qui a officiellement fait part de son «inquiétude» au vu de la situation. La commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, a pu s'en apercevoir lors d'une visite à Sofia le 23 juillet. Elle y a été accueillie par les banderoles sur lesquelles était inscrit «Sauvez-nous».
 
Mme Reding s’est voulue rassurante. Elle a expliqué que Bruxelles aidait la Bulgarie par le mécanisme de surveillance sur l'efficacité de sa justice imposé depuis l'adhésion du pays à l'UE en 2007, en publiant des rapports réguliers avec des recommandations. «Nous n'allons pas supprimer ce mécanisme, nous l'utilisons pour avoir des institutions honnêtes, équilibrées et indépendantes», a-t-elle souligné.
 
Certes, mais 72% des Bulgares interrogés (1.155 personnes entre le 5 et le 16 juillet) par l'institut Open Society, ont qualifié d'«intolérable» la situation dans leur pays. Selon ce sondage publié le 27 juillet, ce taux constitue un record depuis 6 ans et une hausse de 15 points depuis juillet 2012. Quant à la situation économique, 63% estiment qu’elle a empiré en un an, 37% craignant même qu'elle ne continue à s'aggraver.
 
Européens convaincus, selon cette récente enquête, les sondés sont quelque 40% à faire plus confiance aux institutions européennes que bulgares et 70% sont contents que leur pays soit membre de l'UE (en raison des possibilités de travailler sur le Vieux-Continent, de voyager librement et de toucher des fonds communautaires). Et ce, même si 67% d’entre eux sont opposés à l’introduction de l'euro dans leur pays.
 
De quoi motiver Bruxelles à renforcer la transparence des institutions bulgares…

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