Le président de la banque du pape mis à la porte
Ettore Gotti Tedeschi, président de la banque à la réputation sulfureuse, a été limogé pour une gestion jugée déficiente.
C'est un nouvel épisode dans les tensions qui secouent l'administration du Vatican. Le président de la banque du pape, l'Institut des œuvres religieuses (IOR), a été désavoué jeudi 24 mai et contraint à démissionner pour une gestion jugée déficiente.
Cette banque, au patrimoine de 5 milliards d'euros, a pour fonction de gérer les comptes de milliers d'ordres religieux et d'associations catholiques. L'IOR, lié dans le passé à des scandales de grande ampleur en Italie, a une réputation sulfureuse.
Ettore Gotti Tedeschi, 67 ans, fervent catholique, avait été nommé à sa tête en septembre 2009 pour y remettre les finances en ordre et permettre au Vatican de rejoindre la liste des pays respectant les normes contre le blanchiment ("white list"). Ce désaveu est l'épilogue d'un bras de fer concernant l'application d'une nouvelle loi vaticane sur la transparence financière. Au printemps, cette législation avait fait l'objet de polémiques: plus conforme aux requêtes internationales pour les uns, protégeant encore trop excessivement le Vatican pour d'autres.
Des révélations qui ont agacé le Vatican
Le limogeage du patron de l'IOR survient quelques semaines avant que les experts européens de Moneyval décident début juillet si le Vatican peut figurer sur cette "white list". Il se produit aussi dans une atmosphère empoisonnée au sein de l'administration du Saint-Siège.
Depuis janvier, des documents confidentiels ont été transmis clandestinement à la presse italienne, révélant les luttes de pouvoir et la persistance de la corruption dans l'administration vaticane. Ces fuites, contre lesquelles le Vatican s'est insurgé, auraient joué un rôle non négligeable dans le limogeage du banquier, selon des sources vaticanes.
"Je préfère ne rien dire, sinon je devrais dire des choses grossières"
Spécialiste de l'éthique de la finance, Ettore Gotti Tedeschi a été désavoué jeudi à l'unanimité par le conseil d'administration de l'IOR. Il lui est reproché de "n'avoir pas su remplir certaines fonctions de première importance", en dépit des avertissements répétés alors que la situation continuait de "se détériorer".
Interrogé par l'agence italienne Ansa, Gotti Tedeschi s'est refusé à tout commentaire. "Je préfère ne rien dire, sinon je devrais dire des choses grossières", a-t-il lâché. Mgr Carlo Maria Vigano, ancien secrétaire général du gouvernorat du Vatican, devenu nonce à Washington, avait dénoncé l'an dernier dans des lettres à Benoît XVI des cas de "gabegie" et de "corruption" au sein de l'administration vaticane.
Plusieurs scandales
Fondé en 1942 par le pape Pie XII, l'IOR a connu plusieurs scandales dont le plus célèbre est la faillite de la banque Ambrosiano, dont il était l'actionnaire majoritaire. L'enquête a montré que la banque Ambrosiano recyclait l'argent de la mafia sicilienne, en relation avec la loge maçonnique illégale P2. Roberto Calvi, le "Banquier de Dieu", directeur de l'Ambrosiano, fut retrouvé pendu sous un pont de Londres en 1982. L'archevêque américain Paul Marcinkus, directeur de la Banque du Vatican pendant dix-huit ans, entre 1971 et 1989, avait été soupçonné d'être mêlé à différents scandales.
En septembre 2010, le parquet italien avait ouvert une enquête visant notamment Ettore Gotti Tedeschi pour blanchiment présumé sur 23 millions d'euros. Puis en juin suivant, il avait levé tous les soupçons. Le Vatican s'était réjoui de cette décision qui "confirmait le sérieux de l'engagement du Vatican à appliquer pleinement les normes internationales pour la prévention et la lutte contre les activités illégales financières".
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