Le Nobel de la paix attribué à l'Union européenne : "surprenant et contestable"
L'analyse d'Antoine Jacob, journaliste et auteur du livre Histoire du prix Nobel.
MONDE – Alors qu'elle traverse une grave crise de confiance, l'Union européenne vient de recevoir le prix Nobel de la paix, vendredi 12 octobre. Etonnant ? Original ? Polémique ? FTVi a posé ces questions à Antoine Jacob, journaliste et auteur de Histoire du Prix Nobel (François Bourin éditeur).
FTVi : Le prix Nobel attribué à l'Union européenne est-il surprenant ?
Antoine Jacob : Quand on regarde sur le long terme, ce n'est pas une surprise. L'Union européenne, et avant elle la CEE, étaient régulièrement nominées. La construction européenne, qui a rapproché des pays ennemis comme la France et l'Allemagne, n'avait jamais été récompensée. Cette fois, le comité a pris de la hauteur, du recul et a examiné soixante ans d'histoire. Il est ainsi fidèle au testament d'Alfred Nobel qui souhaitait que le prix revienne à ceux qui oeuvrent "pour le rapprochement des peuples", notamment.
Mais ce prix est surprenant au vu de la composition du comité, qui siège en Norvège. Parmi les cinq membres, désignés par les partis politiques représentés au Parlement, il y a des anti-UE. Et tout le pays, qui n'appartient pas à l'Union, est divisé. Au point que les gouvernements successifs, même favorable à une adhésion, n'osent même pas émettre l'idée.
Est-il original de remettre un Nobel de la paix à une institution ?
C'est la première organisation interétatique de ce type à être récompensée. Avant l'UE, une vingtaine d'organisations ont tout de même été primées, comme l'ONU ou le Comité international de la Croix rouge. Mais une institution comme l'ONU n'a pas le même pouvoir concret que l'Union européenne. C'est d'ailleurs une liberté prise dès 1904 par le comité. Alfred Nobel ne souhaitait récompenser que les "personnalités".
En France et dans toute l'Europe, des voix se sont élevées contre ce prix. Restera-t-il dans l'histoire comme un prix polémique ?
Même s'il est justifié à de nombreux égards, ce Nobel est très contestable. Il suffit de prendre pour exemple la crise actuelle que l'Union traverse. On a entendu des réactions allant de l'étonnement aux cris d'orfraie, comme ceux de Marine Le Pen. Ce mouvement de réticence face à la construction européenne a le vent en poupe, l'Europe est cabrée sur elle-même. Ce Nobel sera sûrement cité en exemple parmi les prix polémiques, aux côtés de celui de Barack Obama en 2009, par exemple.
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