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Le crime organisé est un terrorisme civil pour le juge Thiel

Le juge antiterroriste Gilbert Thiel est un homme d’action qui ne s’en laisse pas compter. La voix de ce grand fumeur est rauque. Ses mots sont un mélange détonnant d’humour et d’affirmations tranchées. «Mafias» est le sixième ouvrage d’un Gilbert Thiel qui aime autant expliquer que débattre. Et ce sujet-là est à ses yeux une question clé pour la survie des démocraties.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Gilbert Thiel en 2012 lors d'une émission de télévision. (AFP)

Le dernier chapitre de cet ouvrage (éditions Fayard) s’intitule malicieusement «tour de vice». Il résume l'ambition du livre: une vraie petite encyclopédie du crime organisé. Ce voyage au cœur de la corruption et de l'argent sale nous conduit de Montréal à Medellin, de Palerme à Ajaccio.

Le «tour de vice» de Mafias est mondial. Il fait peur, tant le phénomène semble désormais planétarisé. Aux yeux du magistrat, il y a donc urgence absolue. Le poids économique de l'argent issu des activités mafieuses peut atteindre les 7 à 10% du PIB italien, pour ne citer que ce seul exemple. Or, le juge constate ici le recul de certains  Etats face au crime organisé ou là, l'insuffisante prise en compte de cette redoutable gangrène.

Gilbert Thiel  souligne que l'Union européenne a attendu 2012 pour commencer à définir le «crime mafieux» et l'arsenal qui doit le combattre. 


Depuis 1995, Gilbert Thiel est juge antiterroriste au palais de justice de Paris. Les affaires dites du «bagagiste de Roissy» (en 2002), celle du poseur de bombes chez Marks and Spencer (en 1985), ou encore celles du terrorisme corse, Gilbert Thiel les a toutes connues. Les modalités, les causes étaient toutes différentes, mais ces dossiers avaient pour unique ressort, la lutte armée et politique. Pourquoi alors s’intéresser aux Mafias ?

 


Quand le Préfet Claude Érignac est assassiné à Ajaccio en 1998, depuis 3 ans déjà Gilbert Thiel est à la tâche. Mais cette enquête-là (qu’il partage avec la juge Laurence Levert) va le voir consacrer ses jours et ses nuits aux interrogatoires, aux recoupements dans les dires des uns et des autres.

Ce magistrat est de la race des enquêteurs méthodiques. Pour Gilbert Thiel, sur l'île de beauté, où les homicides n’ont cessé de se multiplier, il y a beaucoup plus de petits malins qui souhaitent s’estampiller nationalistes que de vrais défenseurs de la cause. Pour un peu, il serait d’accord avec l’actuel ministre de l’Intérieur qui a parlé de «Mafia corse».

 


Cet été, celui qu’on qualifie (et qui aime à se qualifier) d'«emmerdeur», raccrochera le blouson de cuir qu’il préfère à la robe magistrate. Thiel manquera, de même ses coups de gueule comme ses éclairs de lucidité. C’est un Lorrain jusqu’au bout des ongles. Un Lorrain qui aura touché à l’instruction des dossiers de fausses factures, comme à ceux de sérial killer façon Simone Weber ou Guy Georges (plus connu sous l’appellation «tueur de l’est parisien»).

Près de 40 ans de service. De quoi donner à penser sur la justice et le métier de magistrat. Exigence est son maître mot.

 

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