La Turquie vote pour des municipales transformées en référendum pour Erdogan
Dans un climat pollué par les affaires politico-financières visant le régime, ce scrutin local a pris des allures de vote de confiance pour le Premier ministre islamo-conservateur.
Il est contesté dans la rue, éclaboussé depuis des mois par de graves accusations de corruption, critiqué pour avoir bloqué Twitter puis YouTube. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan joue son avenir à la tête de la Turquie, dimanche 30 mars, lors d'élections municipales aux allures de référendum.
Plus de 52 millions de Turcs ont commencé à voter pour élire leurs maires. Les premiers résultats doivent être proclamés en soirée. Mais dans un climat pollué par les affaires politico-financières visant le régime, ce scrutin s'est transformé en vote de confiance pour Erdogan, qui dirige le pays sans partage depuis douze ans.
L'opposition profitera-t-elle d'un contexte de crise ?
La dernière journée de la campagne électorale, âpre et violente, a illustré samedi ces fractures. Fidèle à sa rhétorique agressive et provocatrice, Erdogan a appelé ses troupes à donner une "grosse claque" à ses adversaires et à "donner une leçon" aux "espions" et aux "traîtres" qui complotent contre lui.
Dans sa ligne de mire, l'organisation de l'imam Fethullah Gülenn, un ex-allié de la mouvance islamo-conservatrice, désormais retiré aux Etats-Unis. Son organisation est accusée d'avoir infiltré l'Etat, notamment la police et la magistrature, et de propager des accusations de corruption et des écoutes téléphoniques embarassantes pour nuire à son régime.
Le chef du gouvernement, 60 ans, est certes acclamé par ses partisans comme l'artisan de l'impressionnant développement économique turc, mais il est dénoncé comme un "dictateur" par ceux qui lui reprochent sa dérive islamiste et autoritaire.
Et dans un pays chauffé à blanc par les polémiques, l'opposition a, elle, tapé à bras raccourcis sur Erdogan et son régime, devenus à ses yeux "illégitimes". "Il nous faut laver la classe politique de ceux qui la salissent", a vociféré samedi le chef du Parti républicain du peuple (CHP), KemalKiliçdaroglu en point final à sa campagne.
La course aux mairies d'Istanbul, qui réunit 20% des électeurs du pays, et d'Ankara s'annonce serrée. La chute d'une des deux plus grandes villes du pays entre les mains de l'opposition constituerait un revers personnel pour le Premier ministre. "Celui qui gagne Istanbul remporte la Turquie", a répété lui-même l'ancien maire de la mégapole aux 15 millions d'habitants.
Erdogan sera-t-il sanctionné dans les urnes ?
Le sort de ces deux villes et le score national de l'AKP, le Parti de la justice et du développement, au pouvoir, vont largement déterminer le calendrier politique du pays et l'avenir d'Erdogan. L'AKP d'Erdogan a remporté toutes les élections depuis 2002 et devrait rester dimanche le premier parti de Turquie, mais nettement en-dessous des 50% obtenus aux législatives de 2011.
Une large victoire, improbable, peut le décider à briguer en août la présidence de la République, disputée pour la première fois au suffrage universel direct. Un score plus serré le convaincrait plutôt de prolonger son mandat à la tête du gouvernement lors des législatives de 2015, au prix d'une modification des statuts de l'AKP.
Il y a toutefois peu de chance que le scrutin de dimanche ne parvienne à apaiser les tensions dans un pays aujourd'hui à vif. "Qu'Erdogan reste au-delà de 2015 ou pas, les dégâts provoqués par cette crise sont immenses et ne seront pas réparés facilement", juge Brent Sasley, chercheur à l'université du Texas, "la politique de la peur et de la conspiration semble plus enracinée que jamais dans la vie politique turque".
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