La Suisse veut devenir le coffre-fort numérique du 21e siècle
Le bunker situé près d'Attinghausen est un vrai repère à la James Bond. Son adresse : un code GPS secret et 15.000 m² aux mains de la société suisse Deltalis. Cette société y gère depuis 2011 un centre de données informatiques. Ce bunker est situé à 200 mètres à l'intérieur de la montagne et à 1000 mètres sous sa cime, protégé par des portes anti-nucléaires en acier de quatre tonnes.
Seules 12 personnes y travaillent et doivent suivre une longue procédure pour y pénétrer : dépôt de carte d'identité, vérification de l'empreinte veineuse (plus fiable que l'empreinte digitale) et passage sous un sas de sécurité. Le visiteur doit ensuite franchir une porte anti-nucléaire. Au bout, un monde futuriste l'attend. Surveillé par des caméras, un couloir immaculé, une porte et une pièce blanche où se trouve du matériel informatique branché en permanence.
«Quand j'y suis entré» pour la première fois, «une émotion m'a submergé», explique Andt Reinhardt, un des dirigeants de Deltalis. Les machines hébergent et actualisent en permanence les données numériques de toute personne ou entité qui souhaitent garder un double de ses informations pour parer à une panne informatique, un tremblement de terre ou une attaque terroriste.
A l'ère de l'espionnage électronique, les centres de données suisses profitent de l'image de sécurité et de stabilité du pays. Les révélations d'Edward Snowdon sur les pratiques de la NSA (sécurité nationale américaine) ont montré que les géants de l'internet comme Facebook, Google, Skype et Yahoo, transmettaient les données de leurs utilisateurs aux services de renseignement américains.
«Je trouve incroyable ce que font les Américains. Mais tout cela est très positif pour nous car cela a triplé notre business dans un laps de temps très court», explique Chritoph Oschwald, un des dirigeants de Mount10, qui propose aussi des centres de données dans les Alpes. Des centres surnommés Fort Knox et abritant les données du Parlement Suisse. Après le scandale de la NSA, dit-il ravi, «c'est fantastique. Je n'ai plus besoin d'expliquer aux clients qu'il faut payer».
En Suisse, le malheur des uns fait le bonheur des autres, dans un pays où les «données personnelles constituent un bien précieux», selon les autorités fédérales.
«Plusieurs clients depuis l'affaire Snowden sont un peu sensibilisés aux problématiques de protection des données. Ils nous ont demandé de les rapatrier en Suisse», déclare le directeur de Kyos, une société de services, spécialisée en informatique.
La réputation helvétique en terme de confidentialité et de sécurité reste un atout maître, même si elle a été ternie par l'abandon du secret bancaire. «Dans les autres pays, toutes sortes d'institutions ont accès à ces données. Chez nous, il faut la permission d'un juge. Ce qui est un grand avantage par rapport aux USA», explique le président de l'association des télécommunications, Peter Gruter.
La Suisse semble avoir trouvé un nouvel eldorado alors que l'abandon du secret bancaire met à mal ses activités financières.
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